Monstres du monde

Gabriel Meunier

A l'échelle géologique nous passons par des cycles de protozoaires puis de gigantisme, dont on ne réchappe pas toujours
des pirogues
aux fines goélettes
épouses des goélands
cinglant au large vers la haute mer
c'était le temps de la marine aux oiseaux

Sirènes
Loin de tout rivage
En souvenir je vous entends
Pour ne pas succomber à leur chant Ulysse s'était enchaîné au mat
Entrant au port les cheminées déchirent la brume et les coeurs en                                                                                                          partance

Montagnes d'acier
Rafiots ou mastodontes
Vous errez de par le monde
De port en port de refus en départs
A votre bord plus d'une vie s'est perdue

Des petits matins pâles
Aux sombres nuits de naufrages
Infatigables vous sillonnez les océans
Accoster débarquer embarquer amarrer
Les machines sourdent leur noire respiration

Ainsi l'anthracite fit oublier le vent
Les méridiens firent de la terre une cage d'écureuil
Il parait qu'en vos soutes il n'y a plus ni forçats ni galériens
Mais leur misère s'est collée à fond de cale sur chaque rivet d'acier
Les perdus les parias innommables sont devenus l'horrible écume
                                                                                                      des océans

alors
que les hommes les accueillent
sans rançon sans interrogatoire sans enquête
leur offrent un havre où déposer ce qui reste d'une valise
oser reprendre espoir


                                                                             au fond d'une malle
                                                                       quelques photos jaunies
                                                              ne peuvent redresser la barre
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