MORT ET REMORDS

MORT ET REMORDS

Raide ou roide, comment dit-on ? En tout cas, il était là, allongé depuis plusieurs jours peut-être, sur son divan de psychanalyste, aujourd’hui son lit de mort. Mais, l’était-il vraiment ? Avait-on vérifié ?

Son costume noir accentuait la lividité de son teint, maquillait en quelque sorte son visage, ses mains apparentes et rigides, les blanchissant à outrance. La famille, le croque-mort, n’avaient pas tenu compte de ses goûts : il n’aimait que la couleur jaune. Comment leur en vouloir, à défaut de dernières volontés écrites.

De toute façon, la décision aurait vraisemblablement appartenu au croque-mort, garant du protocole, et non à sa fille, désemparée en ce moment douloureux où tous les souvenirs reviennent.

Et puis, l’ordonnateur nous demanda de sortir quelques instants dans l’antichambre, pour permettre la mise en bière. Drôle d’expression !

Nous entrâmes ensuite, pour une dernier adieu, un dernier salut avant la fermeture de la boîte. Je me penchai, de mes lèvres frôlai son front, dont la température ne me laissa plus l’ombre d’un doute et, subrepticement, glissai son stylo préféré, un Parker à encre à plume moyenne et manche de corne, pièce unique, que j’avais subtilisée dans son bureau pensant d’abord me l’approprier, à l’intérieur de la manche droite de sa veste, son emplacement habituel, sa dernière demeure.