"Ça va ?"

mamzellemelly

— Pardon ? Tu vas encore au marché du « J'trompe mon monde », ce matin.

   Tu n'y es pas déjà allé hier ? Ah ! Avant-hier !

   Bien sûr ! Hier, c'était le jour de la grande parade « Regarde comme je fais bien l'autruche ».

   Tu as donc décidé de traîner dans les allées de ce marché, comme toujours ultra-bondées, habillé de ton masque à la « tout va bien ».

   Qu'est-ce que tu vas chercher là-bas, aujourd'hui ?

   Ok ! Ta dose de « ça va bien préfabriqué ». C'est vrai que de nos jours, il en faut une sacrée réserve de celui-là. J'ai entendu dire que le « Non, ça ne va pas très fort ces temps-ci » était que très rarement choisi. Il pourrit au rayon du « Et merde, j'espère qu'il va me répondre oui parce que je n'ai vraiment pas le temps et pas vraiment l'envie d'écouter les tracas qui lui pourrissent la vie ». Il y a même un bruit qui court disant que certains pensent dur comme fer que ce truc-là est contagieux.

   Je t'avoue que je n'ai jamais compris ça. J'ai eu beau chercher sur les étagères de la sincérité, je n'ai absolument rien trouvé si ce n'est quelques miettes de « il y en a un par-ci, par-là qui serait dans une démarche sincère et attendrait réellement qu'on lui réponde franchement ».

   Du coup, cette denrée infecte, je l'ai chargée dans mon cargo nommé « Pourquoi sommes-nous devenus comme ça ? ».

  Quoi ? Tu vas aussi te ravitailler en « Je fais comme les autres ». Alors tu en as toujours besoin ? Tu n'as pas encore trouvé la solution pour être toi-même ?

   Tu devrais envisager de pousser la porte du « Je vais peut-être finir par comprendre que je ne suis qu'un gros imbécile à agir comme ça. » -  après cette porte, tu trouveras, un étalonnage de « Waouh ! C'est bien d'être moi ! » - puis « Waouh ! C'est méga génial de ne pas être fondu dans la masse ! » - et encore « Bordel ! Ça fait du bien d'être différent » - enfin, tu devrais trouver aussi « Ben merde alors ! Les autres aussi sont différents et c'est une sacrée richesse ! » - mais ça, je te l'accorde ce n'est possible que si tu décides d'ouvrir les yeux.

   Oups ! Désolé ! Tu es pressé ? Ah ? Tu ne dois pas louper ton « bourrage de crâne déguisé ». D'accord. Bon, je me dois de te dire que ça craint vraiment que tu aies toujours besoin de ta dose de désinformations quotidienne. Oui, je sais. Ce n'est vraiment pas facile de se désintoxiquer de ce petit écran magique aux effets transcendants. Pas facile de se débarrasser de ces habitudes prises, le nez dans ton plateau rempli de bouffe prête en un claquement de doigts voire en une sonnerie de téléphone.

   Remarque, tu pourrais essayer de te fournir   au marché aux puces, il y a un stock de « mettre mon nez dans des bouquins » - il y a aussi un truc tout con qu'on trouve là-bas, c'est « mettre mon nez dehors » tout simplement. Je t'avoue que ça change radicalement d'avec « Je mets mon nez dans les affaires des autres et je balance tout, toute la journée sur les réseaux sociaux ».

   C'est vrai, je suis d'accord avec toi, ça ressemble à « je regarde par le trou de la serrure » ainsi qu'à « j'écoute aux portes ». Tu dis ? On n'y peut rien. C'est comme ça. Il y en a qui sont curieux et bavards. Ah mais oui ! Mille fois oui ! Sauf que c'est seulement pour aller aux rayons « espionner son voisin », « parler sur le dos de sa voisine » et « écouter les ragots du coin. ». Franchement, si c'était pour s'instruire et partager son savoir, ça se saurait. Hein ?

   Au fait ! Avant que tu partes te shooter à « la télé-réalité me berce d'illusions » - « la pub me tue » - « les médias me mentent » - « politicars et capitalo m'enc**BIIIIP » Oh pardon ! J'ai failli me laisser aller, je voulais te filer des bonnes adresses situées

   Rue « l'ouverture d'esprit n'est pas une fracture du crâne »

  Boulevard « celui qui est en face de toi a peut-être besoin d'une minute d'attention »

   Avenue « désolé de t'apprendre que le monde des bisounours n'existe pas »

   Impasse « ce qui serait vraiment con, ce serait de rester con »

   Carrefour « On fait tous des erreurs - personne n'est parfait »

   Route de la tolérance.

   Par contre tu feras gaffe à ne pas te planter parce qu'il y a un passage interdit « l'indifférence ».


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Mamzellemelly

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>>> Bien sûr, la reproduction de ce texte est interdite. Merci. <<<
  • Avenue « désolé de t'apprendre que le monde des bisounours n'existe pas »

    oui justement, clé de ce teste. Un discours où le répondeur se retrouve constamment confronté. Une narratrice réponse à la main. Une narratrice qui ne mâche pas ses mots. Fluide, sachant, faisant, désirant, tentant l'autre voie, les autres voies. Agressivité inévitable. Un ton et non une manière. Quand... mais quand vas-tu distinguer...
    Ce texte soulève les questions que je me pose. Alors, la suite c'est quoi...
    une bise sincère, Sue +++

    · Il y a presque 9 ans ·
    6a012876c02e5d970c019affb02dba970d 500wi

    suemai

  • que de réflexions sincères. Sous des allures de drôlerie acerbe. J'en sais malheureusement quelque chose. Étant fort malade, ceux qui ne le savent pas encore, me demandent comment ça va, et je leur réponds "pas du tout" et ils sont bien coincés. Obligés de m'écouter au moins 30 secondes. J'ai beaucoup aimé la formule"sur les étagères de la sincérité" et tout ce que tu développe comme esprit rebelle justement face à l'indifférence.

    · Il y a presque 9 ans ·
    Bbjeune021redimensionne

    elisabetha

    • je me suis bien reconnue dans ta démarche. Je vais publier là un texte sur les "échos" entre les auteurs de WLW.

      · Il y a presque 9 ans ·
      Bbjeune021redimensionne

      elisabetha

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