Naissance du mâle (2)

mina-fauster

Vous avez raté la première partie de "Naissance du mâle" ? Retrouvez-la ici : http://www.welovewords.com/documents/naissance-du-male-1

(...) Je dois dire que les réactions ne se sont pas fait attendre : dès mon arrivée en ville, quelques passants, parmi lesquels de très belles jeunes filles, se sont retournés en souriant sur mon passage. Je n’ai pas entendu leurs compliments, mais visiblement, ma classe et ma distinction sautaient désormais aux yeux ! J’étais franchement très content. Je me sentais à chaque pas un peu plus Michael, j’avais à chaque instant l’impression de devenir celui que j’aurais dû être depuis toujours.

Du coup, j’ai eu envie de faire comme les autres. J’ai décidé d’aller boire un verre dans un bar, même si je n’étais pas très rassuré quant à la propreté des verres. Déjà quand Maman les lave, je trouve qu’ils ne ressortent pas toujours très propres et je suis obligé de les relaver comme il faut, alors là il était évident que j’allais vraiment devoir prendre sur moi. Mais bon, je me suis dit que Michael ferait moins de chichis, et je me suis mis en quête d’un établissement proposant ce genre de service. Ce n’est pas bien difficile à trouver : il y en a partout. Il est bien moins évident de s’approvisionner en poison pour animaux, alors que les poisons pour êtres humains sont en vente libre à tous les coins de rue. J’aimerais bien qu’on m’explique, mais bon. Malheureusement, j’ai vite réalisé que je n’avais pas d’argent sur moi : j’ai arrêté deux ou trois individus à l’air pourtant sympathique dans le but de leur emprunter quelques pièces, mais ils ont commencé à accélérer le pas à mon approche alors je n’ai pas insisté même si je n’ai pas trouvé leur attitude franchement très polie.

C’est là que je l’ai entendu. Un cri. Strident : un cri de fille, probablement. Il provenait d’une petite rue enfumée et déserte, dans le genre pas franchement rassurante. Je me suis approché avec prudence, et là je n’ai d’abord vu qu’une bande de jeunes à peine plus âgés que moi en train de chahuter. Puis je l’ai de nouveau entendu. Un nouveau cri strident. J’ai alors aperçu la fille qui en était l’auteure : entourée et malmenée par la bande de jeunes à peine plus âgés que moi, une blonde couleur de blé – de ce que je pouvais en voir sans mes lunettes -, une blonde couleur de blé comme Stacy, comme la Stacy de Michael. Je me suis avancé encore un peu et je me suis dit que c’était le moment ou jamais de prouver que moi aussi, je pouvais remporter mon trophée de bravoure et devenir un héros. J’ai saisi au sol un bout de ferraille qui se trouvait là (on trouve vraiment tout et n’importe quoi dans la rue de nos jours, c’est encore pire que sur Internet). Je me suis approché à pas de loups, et là, l’un des gaillards s’est retourné et m’a vu. Il m’a transpercé d’un regard que je n’aurais cru possible que dans un dessin animé japonais, avec des éclairs et des flammes qui semblaient émerger un peu dans tous les sens de ses globes oculaires, et il a commencé à marcher avec assurance vers moi.

J’étais tétanisé. Je ne savais pas quoi faire, mon bout de ferraille à la main : vu ma force très limitée (décidément, Michael a bien de la chance d’être aussi musclé), j’ai vite compris que je risquais surtout de me faire mal à moi-même. Je n’ai cela dit pas eu le temps de réfléchir bien plus que ça, car ma main a lâché mon arme de fortune sans m’avertir et je me suis retrouvé sans aucun moyen de défense. J’ai regardé partout autour de moi, et je n’ai rien vu que les autres voyous, qui continuaient à embêter la blonde couleur de blé en la touchant à des endroits qu’on ne peut normalement pas toucher sans permission ou sans être marié. Je ne peux pas dire que je sois fier de ce qu’il s’est produit alors, mais franchement, je n’avais pas bien le choix. Et puis tout s’est passé malgré moi : je me suis mis à hurler comme jamais je n’avais hurlé de ma vie, même quand je m’étais sectionné le doigt en essayant de décapiter Woody le hamster. Ca a eu le mérite de faire son petit effet : une troupe de badauds sortie de nulle part a rappliqué de je ne sais où (comme s’il y avait eu une coupure au montage), ce qui a eu pour conséquence de faire fuir les agresseurs. J’avais donc rempli ma mission ! Pas comme je l’espérais, mais tout de même : j’avais réussi à les faire déguerpir. Ca m’a rendu un peu plus fier de moi, du coup.

Je me suis alors précipité sur la blonde couleur de blé qui ressemblait comme deux gouttes d’eau à Stacy. J’ai appris que cette Stacy s’appelait en réalité Dori : encore plus doux, encore plus soyeux. Dori. Dori et Pete. Pete et Dori. Avec Dori, je n’aurais plus besoin d’être Michael, je pourrais me contenter d’être Pete, mieux : ça me plairait d’être Pete. Un Pete qui avait su défendre sa Dori et conquérir son admiration et son amour.

Très vite, cependant, Dori s’est éloignée et a commencé à remercier les badauds que j’avais fait rappliquer grâce à mon intervention. Elle leur disait “merci merci merci, sans vous je serais peut-être morte” et “merci merci merci, vous m’avez sauvé la vie” et là je me suis dit qu’elle avait dû mal comprendre, c’était moi qui l’avait sauvée, moi, Pete Dawning ! J’ai tenu à rétablir la vérité : je me suis approché et je lui ai tapoté gentiment sur l’épaule (ce qui m’a fait un peu bizarre car c’était la première fois que je touchais une fille en vrai : enfin, une vraie fille) et je lui ai dit qu’elle se trompait. Elle n’a pas tout de suite compris alors je me suis expliqué et je lui ai raconté ce qu’il s’était vraiment passé. Soulagé, j’ai attendu qu’elle me clame sa reconnaissance, mais bizarrement, elle s’est mise à rire, doucement d’abord puis de plus en plus fort, elle riait tellement qu’elle en avait presque le hoquet, j’ai même eu peur qu’elle ne s’étouffe. Quand elle a réussi à reprendre son souffle, elle m’a regardé avec dédain et elle m’a dit qu’elle m’avait bien entendu crier, mais que mon hurlement strident lui avait laissé penser qu’il provenait d’une petite fille. Une “petite” fille ! Elle a ri encore un peu, puis elle s’est détournée de moi sans rien ajouter – rien ! – et elle est retournée saluer les autres avant de s’éloigner tranquillement, comme si rien ne venait de se passer, ni l’agression ni l’erreur de jugement à mon encontre ni l’humiliation qu’elle venait de m’offrir. Je dois dire que j’ai trouvé son comportement extrêmement rageant.

Le temps de reprendre mes esprits, je me suis dit qu’elle ne pouvait pas repartir sans m’avoir fait des excuses et sans admettre l’importance de ma participation à sa libération. Sans mon implication, pas de badauds : sans attroupement de badauds, pas de fuite des voyous. La logique me semblait implacable, et débutait par mon intervention. J’ai donc entrepris de la suivre : elle ne marchait pas bien vite avec ses chaussures dorées à talons (parfaitement assortis à ses cheveux, une abomination) et j’ai pu me retrouver à quelques mètres derrière elle assez vite. J’ai veillé à ce qu’elle ne me voie pas tout de suite, je souhaitais me trouver dans un lieu plus neutre et plus tranquille pour discuter et repartir sur de bonnes bases.

A suivre, dans un troisième et dernier épisode !

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