Nora

veroniquethery

  Août 2015. La plage, désertée le reste de l'année, est envahie par les vacanciers soucieux d'oublier leur quotidien. Parenthèse qui permet de mieux supporter la grisaille, la monotonie, la course contre le temps du reste de l'année. Le boulot, quand on a la chance d'en avoir un, est enterré dans un coin de la tête avec la même insouciance qu'on a enterré le buste du cousin Rémi sous le sable chaud. Les factures, on les réglera plus tard, comme on pourra. Pas question, en vacances, de calculer sans cesse. L'hôtel, la maison d'hôtes, le camping, l'appart loué. Chacun a trouvé sa demeure estivale, selon ses goûts et son budget. Chacun s'y épanouira durant quelques semaines, puis quittera la précieuse chrysalide pour s'envoler vers sa vie.

  En attendant, on se délecte de frites graisseuses et de glaces italiennes, qui coulent, immanquablement, sur les doigts. Mais, aucune maman ne se fâche. Elles préfèrent s'abandonner aux caresses ensoleillées pour aborder la rentrée avec un hâle de star de ciné. Les papas oublient leur sérieux pour jouer au ballon, dévoilant un corps entretenu par les joggings qui ont remplacé la messe dominicale. Ce regard volé, empli d'admiration, d'une lycéenne vaut bien les mois d'efforts !

  Mais, ce qui attire le plus l'attention, sur la plage, ce ne sont ni les corps des naïades fatiguées, ni celui des Apollons vieillissants. Ce sont les cris et les rires des enfants ! Leurs frimousses épanouies. Leurs courses folles dans le sable pour vite rejoindre la mer comme si leur vie en dépendait. Cette hâte à remplir le seau multicolore pour vite en déverser son contenu, à moitié perdu dans leur chevauchée maladroite, dans les douves d'un château éphémère. Les glapissements en trempant leurs petits pieds dans la mer et leurs sautillements de grenouilles amusées pour échapper aux vagues. La timidité est oubliée et les amitiés se nouent, aussi mouvantes que les édifices sablonneux. Mais, peu importe le temps ! Peu importe ce qu'il saccagera ! L'instant est à la joie.

  Loin des groupes d'enfants, il y a Nora. Cette enfant-là, si vous pouviez voir son visage, plus rayonnant encore que le soleil ! Elle rit à chaque fois que ses doigts malhabiles rencontrent le sable, comme si… Comme si elle touchait le bonheur lui-même. Comme s'il s'était incarné là, dans chaque grain effleuré. Son château est tout de guingois. Il s'écroulera avant même l'attaque des vagues. Mais, pour Nora, ce château est le plus beau du monde. Parce que cette enfant-là ne voit que la beauté dans chaque parcelle de ce qu'elle voit.

  Elle aurait aimé, Nora, jouer avec les autres enfants. Peut-être, eux, l'auraient-ils fait ! Mais, leurs parents ont levé les yeux de leur revue de déco ou ont abandonné leur jeux de regards avec les friponnes délurées. Les plus compatissants l'ont plainte d' être comme ça. Si c'est pas malheureux ! Les autres ont ricané de voir une femme de trente ans avec un cerveau de quatre ans. Tous ont eu peur de laisser leurs petits s'amuser avec cette attardée. Comme si la maladie pouvait se propager. En les regardant, moi, je me dis que ce sont eux, qui, au final, sont atteints de la plus grande débilité.


  • C'est un très beau texte.
    Qui interroge sur le parent que nous aurions été à la place de ceux dont vous parlez.
    Qu'aurais je fait ?
    J'espère m'en souvenir demain.
    Et après demain.
    Merci.

    · Il y a plus de 8 ans ·
    Img 1097

    jireoparadi

  • Oui! un petit geste, un sourire adoucit quelquefois un peu le malheur des autres!
    Votre indignation contre la lâcheté et l'indifférence sans pleurs ni mièvreries touche droit dans le coeur !

    · Il y a plus de 8 ans ·
    Loin couleur

    julia-rolin

  • La peur, l'indifférence et le regard des autres face à la maladie sont sans doute ce qui fait le plus souffrir ! Et pourtant, c'est bien dans Nora que se cache la plus belle des âmes !
    Un magnifique texte contre la débilité des gens et je te rejoins dans ce triste constat.

    · Il y a plus de 8 ans ·
    Ade wlw  7x7

    ade

  • Merci c magnifique tout simplement ! La beauté de l'instant dépasse la médisance !

    · Il y a plus de 8 ans ·
    Gvs8z0iq

    Sandrine Darcos

  • Oui, c'est malheureux, il est vrai. Cette humanité qui se fait un devoir de persévérer dans tous ses plus vils ,réflexes. Mais, qu'importe, je peux te 'assurer, elle n'est pas seule et un jour, les derniers seront les premiers.

    · Il y a plus de 8 ans ·
    Cp2

    petisaintleu

  • La bêtise humaine n'a pas d'âge. Très beau texte.

    · Il y a plus de 8 ans ·
    Au rayon des livres

    chloe-n

  • Comment rester indifférent à cette différence ? Peut être en ouvrant le pont - levis ?

    · Il y a plus de 8 ans ·
    479860267

    erge

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