Nothing Else

Mathilde En Soir

"Aussi longtemps que les hommes ne seront pas complets et libres, ils rêveront la nuit." Paul Nizan

Il reste encore sur les sentiers battus des pétales de pivoine. Ils symbolisent l'enfance, ces conversations qui nous bercent très tôt et partent en fumée comme l'encens. Nous restons dans l'ombre, sous la clarté de la lune, jusqu'au jour où un homme décide de peindre la voûte céleste. Il n'y a besoin de rien d'autre.

 Mady : C'est joli ici. Tout est illuminé. J'aime bien le phare qui trône au loin sur la colline. On dit qu'il fait disparaître la pluie.

Théophane : C'est ton empire, il n'a aucune limite. Le phare représente tes yeux. Tu peux tout contrôler, tout diriger.

Mady : Moi ? Et les autres, que feront-ils ?  

Théophane : Ils t'écouteront, ils doivent te guider. Cela nécessite du temps. Le temps, c'est tout ce qu'ils possèdent, c'est ce qu'il reste dans leur cœur.

Mady : Peut-être qu'ils ne m'aimeront pas.

Théophane : Leurs pensées s'envoleront avec toi à chacun de tes voyages. Lorsque tu parcourras les sentiers battus, ils te chercheront. Tu ne seras jamais seule, même jusqu'au tréfonds de la terre.

Mady : Pourquoi veulent-ils m'aider ? Qu'est-ce que j'ai apporté, qui est si précieux à leurs yeux ?

Théophane : L'espoir. L'espoir qu'un jour ils iront où ils voudront avec leur famille, leurs amis. Si toutefois ils en ont. Mady, ils ont tout perdu.

Mady : Cela me fait peur. Je ne veux pas qu'ils construisent une statue à mon effigie, cela prendrait trop de temps. Au bout du tunnel, ils n'apercevront peut-être pas la lumière.

Théophane : Tu dois les gouverner. Qui d'autre le ferait ? Ils n'ont plus confiance en nous, c'est un dictateur dépourvu d'âme qui a brisé le peu qu'ils avaient, quelqu'un comme moi.

 Mady : Mais vous n'avez rien fait … ce n'est pas vous ….

Théophane : C'est tout comme. Ils n'ont eu qu'un seul son de cloche. Si tu savais, ô combien j'aurais aimé les sauver. Si tu avais vu toutes ces pertes …

Mady : Je ne m'en sens pas capable, je suis à la merci des charognards et des indignés.

Théophane : Ils n'ont peut-être rien, mais ils ne te feront rien. Un homme peut se défendre tant bien que mal et devenir hargneux, mais il respecte ses règles, son code. Jamais il ne s'en prendra à un enfant s'il a foi en l'humanité. L'espoir, Mady, l'espoir, c'est cela qui distingue les écorchés vifs des hommes à l'abandon ...

Mady : C'est pour ça que vous faîtes appel à moi ? Pour mon âge ... ?

Théophane : Pas seulement. Tu es la clé qui mène au salut. Dans chaque sanctuaire, il y a un inconnu qui prie pour toi, pour l'avenir radieux que ta venue annonce. Tu portes sur toi la rédemption des hommes.

Mady : Je n'ai pas le choix … Je serais seule et au moindre faux pas …

Théophane : La différence entre toi et moi, c'est que je suis moi-même un écorché vif. Un homme déchu.Tu n'as pas connu la guerre, le front, la famine, la chute d'un empire, et l'anéantissement d'une civilisation.

Mady : Cela n'arrivera pas. Il ne faut plus que ça arrive. Je ne sais pas si j'y arriverai, mais promettez-moi une chose : je ne veux pas qu'ils me vénèrent, qu'ils délaissent leurs émotions. Ma personne n'en vaut pas la peine. Je veux simplement qu'ils cueillent des pivoines, pour les déposer près de leurs maisons respectives. Je ne veux rien recevoir, excepté un vague espoir de renaissance. Il n'y a pas que le temps qui puisse guérir. Ils ont confiance en moi, la quiétude est présente et loge dans leur cœur.

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