Notre Eve ???

Hervé Lénervé

Un quarteron de septuagénaires parle de leur amour originel.

-         Vous vous souvenez, les gars, de la première femme que vous avez connue bibliquement ?

-         Moi, je n'allais pas à l'église.

-         Non, mais je voulais dire que vous avez connue, bien connue de fond en comble, quoi, vous voyez bien ce que je veux dire !

-         Honnêtement, la première femme que j'ai bien connue, je pense que ce devait être ma mère.

-         Oui ! Mais, non, je parlais avec un vrai rapport sexuel.

-         Toujours la même. Mais je ne me souviens plus de son prénom, car je l'appelais maman.

-         Ok, alors les autres ? Toi, c'est différent, tu es un cas à part.

-         Euh, pas tant que ça, moi aussi, c'est maman !

-         Bon, les autres alors, qui auraient rencontré une femme en dehors de l'enceinte de la famille.

-         Ben, écoute, moi, franchement, c'est assez flou. Il faisait sombre dans cette cave, je n'ai pas bien vu son visage, surtout qu'elle était de dos et elle n'a pas voulu me dire son prénom à cause du bâillon. Mais je suis sûr que ce n'était pas ma sœur qui était grosse enceinte, effectivement, mais pas de moi, de papa !

-         Ok, un autre avec des animaux, peut-être, pour changer ?

-         Justement, effectivement je ne me souviens plus du prénom, ni du reste de ma première. Mais si tu m'avais demandé le nom du premier poisson que j'ai sorti de l'eau. Là, je t'aurais répondu, du tac au lac, une tanche de 2 kilos 3 et 35 centimètres de tour de taille.

-         Comment peux-tu comparer de la vulgaire poiscaille aux charmes ensorcelants de la grâce féminine immortalisée par les anciens maîtres de peintres en bâtiment sur toiles.

-         Je ne peux pas comparer, en effet, je n'ai jamais cuisiné de la femme. Et effectivement les modèles adipeux de Rubens, n'ont rien à voir avec les femmes haricots d'aujourd'hui. Alors que les poissons n'ont pas changé d'un iota, eux ! D'ailleurs ma tendre poule épouse, s'appelait Vaironique.

-         On dit, ma feu femme !

-         Pas au Ball trap !

-         Toi, qui ne dis rien, tu ne te souviens pas de ton premier émoi ?

-         Pas d'émoi pour moi, c'était uniquement sexuel, je me suis fait violer à mon corps défendant. Aucun souvenir.

-         Evidemment, sans de tendres ébats magnifiés par l'Amour et la Passion, ton psychisme aura refoulé l'acte et le prénom de l'agresseur.

-         Attends, ça me revient, elle s'appelait Machine. C'est ça, c'était un « Sex Machine » !

-         C'est dommage, quand même, d'oublier cet instant magique où l'enfant se réveille au réveil de sa sensualité qui sonne. Ce rite initiatique du passage à l'homme. Cette transition des jeux enfantins innocents à la séduction amoureuse perverse. Ce passage du puceau complexé au macho affirmé.

Et moi, tu ne me demandes pas ? c'est dommage, car Je n'ai rien oublié, je me rappelle de tout très nettement. C'est inscrit dans ma mémoire en images indélébiles comme si c'était hier. Alors que ça date de la semaine dernière, déjà.

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