Nouvelle donne

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Demain, le 11 mai, le nouveau monde va commencer. S'il est malheureusement prévisible que beaucoup des secteurs de l'ancienne économie auront des difficultés à s'en remettre voire disparaîtront, c'est l'occasion ou jamais de faire de la prospective pour s'imaginer le monde de demain.

Respect des règles et explosion du chômage obligent, ce sera le grand retour des petits métiers de rues tels que nous pouvions les rencontrer aux siècles précédents. Le distenciateur social sera à l'évidence celui qui apparaîtra avoir le plus d'avenir. Il aura pour tâche première de s'assurer que, dans l'ensemble des lieux publics, les mesures soient respectées. Il est à parier qu'avec le retour des manifestations, il aura fort à faire, surtout avec les groupuscules anarchistes qui verront l'occasion de brandir leurs banderoles noires en s'écriant « Ni Dieu, ni mètre ». Il pourra se faire épauler par des escouades de crécelleurs, en grande majorité constituées des candidats qui nous cassaient les oreilles dans les radio-crochets télévisuels. Leur mission consistera, aidés de leur voix de faussets, à s'époumoner pour disperser les rassemblements. Par la même occasion, ils pourront débarrasser les villes des vols d'étourneaux.

Dans le domaine sportif, il y a une catégorie de commentateurs qui aura de beaux jours devant elle. Le crachat de pépins sera en effet considéré comme un activité à haut risque et elle ne pourra plus s'exercer, pour un temps encore indéterminé, en public. Quant aux coupeurs de citrons, ils ne seront pas mis sur la touche mais ils distribueront des cachets de chloroquine. Il est à noter au passage qu'avant chaque rencontre internationale, un vibrant hommage sera rendu au professeur Raoult avant que ne soit entonnée La Marseillaise.

L'économie parallèle ne sera pas en reste. Le trafic de meth s'est écroulé à la suite du confinement. Mais les dealers n'étant jamais à court d'idées, ils sauront rebondir. Après avoir vendu de la farine et du papier toilette sous le manteau, ils profiteront de la pénurie de gels hydroalcooliques pour vendre des substances frelatées et pour écouler leurs stocks de détachants ou d'antigels qui entraient dans la composition de la drogue de synthèse.

Ne cherchez plus à vous régaler d'un boudin. Après deux mois d'enfermement, bien que les balances eussent été chauffées à blanc, les tripiers auront totalement disparu. L'avenir appartiendra aux programmes minceur insipides. Pour anticiper de futures pénuries alimentaires, on autorisera un métier que l'on croyait banni à jamais, celui de baleinier. Il faudra aussi contrôler le domaine de l'agro-alimentaire. Par exemple chez Knorr, Il faudra se méfier des mauvaises langues qui crachent dans la soupe.

Il y a un point qu'il ne faudra pas négliger, le rapatriement de l'industrie vers l'Hexagone. Je ne sais pas vous, mais en ce qui me concerne, j'ai une confiance plus que mesurée à l'égard de la Chine. Hier, nous avons eu le droit au coronavirus. Qui dit que demain ne nous pende pas au bout du nez une pandémie de méningite en provenance des usines textiles orientales ? Mon petit doigt – enfin, tout est question de point de vue – me dit que mes compatriotes, par mesure de prudence, préféreront se mouler  les noisettes (oui, allez savoir si les écureuils de Corée ne sont pas porteurs de la future propagation d'un mal jusque-là inconnu)  dans un slip français.

Le monde du spectacle et des arts devra lui aussi se réinventer. Terminé les queues interminables de touristes asiatiques devant la Joconde. Ils devront se contenter de visiter le musée du dé à coudre de Chambrie-les-Oies ou celui du fil à couper le beurre à Trifouillais-en-Auge, encore heureux si leurs bus ne sont pas canardés par des laquais à la botte de groupuscules qui diffusent des  fake news et propagent le pire des virus, celui de la haine.

Enfin, n'oublions pas nos héros : le personnel de santé et de secours, les éboueurs et les femmes de ménage, les routiers et j'en oublie. Qu'ils soient enfin respectés par l'humanité dont  ils ont fait preuve.

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