Nue, et inspirée

Elle dessine, totalement nue, la moitié des mollets couverte par les draps blancs. Elle dessine, sur son carnet de dessins en décomposition, la mine de son crayon mal-taillée caresse avec douceur cette feuille offerte. Une courbe, un trait, un gribouillage, cette mine semble polyvalente, elle court sur le papier fin en émettant un bruit qui ravit l'oreille de la dessinatrice. Elle dessine un monde meilleur, elle dessine des femmes aussi nues qu'elle, elle dessine des félins aux babines retroussées, elle dessine des monstres sans yeux, elle dessine son corps. Attentive aux détails, elle rajoute par-ci, par-là, quelques coups de crayon. Elle soupire, râle, sourit au gré de ses esquisses. Elle s'arrête, gratte avec tendresse le dos de son chat endormi. La petite boule grise ronronne, miaule doucement et prolonge son sommeil. Puis elle se remet à dessiner. Elle se sent inspirée, elle se sent complète et pleine de bonheur. Son téléphone vibre, un message de cet Homme. "Abandonne-toi à moi, mon artiste, ma lubie, ma muse". Elle sourit, et elle sent une vague de plaisir et de joie envahir ses côtes. Elle regarde une fois de plus le petit texte, en le lisant avec la voix de son destinataire dans la tête, puis elle repose le téléphone, et continue de dessiner. Elle déverse toutes ses émotions sur cette feuille bientôt noircie par la docilité et mansuétude. Une nouvelle fois, le téléphone vibre. Elle le prend, lit, et sourit. Elle le repose, et c'est ainsi que sur un petit bout de son cœur, le prénom d'un homme se dessine peu à peu.