#8. Seuil.

ellis

Personne ne retiendra la nuit.

Pendant qu'il monte les escaliers derrière elle, les pensées se remettent à s'agiter dans le fond de son ventre. 


Elle glisse la clé dans la serrure. Il est debout derrière elle. Elle n'ose pas tourner la tête. Elle repense au velux et à l'air qui suffoquait. A présent elle a comme une grisante liberté qui danse debout sur sa poitrine, qui lui donne le vertige. Le clapotis de l'eau est encore dans ses oreilles. La musique dans le bar. Sa main qui a effleuré la sienne en lui prenant son verre. Sa main sur sa cicatrice. Ce qui se caresse est cicatrisé. Elle repense à cette chanson[1] qui dit qu'elle est contre les chastetés. Elle se souvient des hôtels avant, avec d'autres hommes. Elle a cent ans, elle n'a plus d'âge. Elle a oublié la chaleur. Le garçon est derrière elle. Elle sent presque son souffle sur sa nuque. Elle tourne la clé doucement. Pendant plusieurs longues secondes, le temps est suspendu. Ils restent figés l'un contre l'autre, sur le point de basculer. Alors c'est elle. Elle tourne la tête. Son visage tombe aussitôt sur celui du garçon. Elle fait demi-tour lentement. Leurs lèvres se frôlent, se cherchent un instant. Quelque chose comme un sanglot lui étreint la gorge quand il prend sa bouche en entier. Il l'embrasse longuement, pleinement, il la respire. Il la plaque contre la porte et passe les mains sous sa veste. Il veut sentir sa taille, sentir sa fragilité, trouver sa chaleur. Elle tend tout son corps vers lui. Passe une jambe autour de lui, l'attire à elle. Elle veut se donner. Je suis contre les chastetés. D'une main, il ouvre la porte derrière elle. Ils s'engouffrent violemment dans la chambre, accrochés l'un à l'autre à s'embrasser. Ils tombent à moitié sur la moquette en essayant d'arriver au lit. Mais ils poursuivent leur exploration. Quand il se trouve au-dessus d'elle sur le lit, il se redresse un instant. Il lui ôte doucement ses grandes lunettes qu'il pose aussi loin que son bras le lui permet. Il passe la main sur son visage, dégage les cheveux de son front, suit la courbe de ses sourcils, descend sur ses lèvres et tente d'entrer dans le mystère de ses yeux-rivières.


Tu ne dis pas ton nom. Tu donnes quelque chose qui n'existe presque pas. La nuit, le silence, le passé, les lendemains. Tes cicatrices et tes yeux de petite fille. Quelque chose d'immense. De chaud. De vivant.


*


Dans un hôtel une autre nuit quelqu'un a demandé si elle avait confiance en lui. C'était Paris il y avait eu des kilomètres de rues joyeuses et de métro, elle sentait dans ses jambes étendues sous les draps des impatiences et une saine fatigue. Elle ne comprenait pas la question. Mais elle a répondu tout de même d'un simple oui. Clair et pourtant murmuré. Elle a tourné la tête vers lui, avec de l'amour et un sourire. Il ne l'a pas regardée en ouvrant la bouche. « Tu ne devrais pas. » Son sourire s'est effacé. Elle n'a rien demandé de plus. Elle a décidé de lui désobéir. Les hommes qui ont peur de la confiance ne savent rien des filles comme elle.



[1] Christine & the Queens, Chaleur Humaine. 
  • Qu'est ce que j'aime cette série.. Je relis encore, et j'adore toujours autant. :-)

    · Il y a presque 9 ans ·
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    mamzelle-plume

    • merci beaucoup mamzelle :)

      · Il y a presque 9 ans ·
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      ellis

  • Oui, c'est exactement ça.
    Besoin comme d'un temps pour "digérer", mais en même temps envie de relire, de rester avec eux, mais surtout, de connaître la suite !!!

    · Il y a presque 9 ans ·
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    lingenue

    • La suite se prépare à l'intérieur ;) merci beaucoup pour ton commentaire !

      · Il y a presque 9 ans ·
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      ellis

  • Encore du beau texte et puis j'suis fan de la Christine Queen aussi ;)

    · Il y a presque 9 ans ·
    Ange

    Apolline

    • Merci :)

      · Il y a presque 9 ans ·
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      ellis

  • à chaque fois pareil avec cette série. on se prend une grande claque et on a ensuite qu'une seule envie, lire la suite.

    hé... pssss...entre nous (mdr) tu es grande, ne l'oublie pas, hein ?...

    · Il y a presque 9 ans ·
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    wic

    • :D (si le smiley pouvait te dire le sourire que je vient d'avoir là en te lisant...) merci beaucoup, vraiment. (pourtant c'est toujours pareil, à peine posté, je l'ai déjà redépouillé de plein de mots en trop, c'est moi qui lui fais pas trop confiance à ce texte... je sais plus du tout où il va à vrai dire. mais tant qu'il est près de la mer, on va dire qu'il est fin bien ;) )

      · Il y a presque 9 ans ·
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      ellis

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