Nouvelle matinée. Premier changement.

Lorsque la fillette se leva le lendemain, le soleil pointait tout juste le bout de son nez. Comme chaque matin, elle se prépara rapidement, puis descendit prendre son petit déjeuner.
Coby l'attendait déjà dans la salle à manger avec le Lacrimosa de Mozart en fond sonore. Son morceau favori.
Ce matin- là, l'atmosphère était plus légère qu'à l'accoutumée. Aucun des deux ne voulait gâcher ce moment.
Une voix grave se faisait entendre à l'autre bout de la maison. Elle provenait du bureau d'Adam.
" Il doit encore être au téléphone." Pensa la petite fille avec lassitude.
Un moment de silence. Un bref claquement de porte. Des bruits de pas dans le couloir.
La porte de la salle à manger s'ouvrit sur la carrure imposante de leur grand-père.
"Vous êtes déjà debout!
"Je ne dors jamais après le lever du soleil et Sybille non plus."
" Bien. Nous avons de la visite aujourd'hui."
" La visite de qui?" S'enquit froidement la gamine.
" Des amis de longues dates. Leur fils est à peine plus vieux que vous deux."
" Tu dis ça parce que tu crois qu'on manque d'amis?" Demanda Jacob, ironique
" Je dis ça dans l'espoir que vous ayez tous les deux une conduite correcte."
" Humm humm. Bon courage." Marmonna le jeune garçon, toujours moqueur.
" On n'a pas besoin d'amis et on sait se tenir tranquille."
Le patriarche ne releva pas la remarque cinglante de sa petite fille. Il s'installa au bout de table, sa place habituelle, puis se servit une tasse de thé anglais tout en lisant son journal. Du Earl Grey, comme d'habitude.
" Sybille, tu as bien dormie?"
" Aussi bien que les autres nuits" Répondit- elle d'un ton plat.
" As- tu fais ta méditation hier soir?"
"Comme tous les soirs."
Elle termina son bol de thé chinois et quitta la pièce sans dire un mot. Elle monta lentement le bel escalier en marbre blanc, laissa glisser ses doigts fins sur la rambarde en fer forgé noir. Son regard était perdu dans le vide. Sa façon de marcher lui donnait l'impression d'être un automate dénué de fonction.
" Qui donc doit venir ce matin?" Se demanda-t-elle, pensive.
" Ce ne sont pas des amis de longues dates comme il l'a prétendu sinon il aurait développé. Peut- être juste des amis. Mais sont- ils seulement normaux? "
Elle s'arrêta au premier étage et se dirigea vers sa chambre. Elle y pénétra, claqua sèchement la porte et soupira profondément. Elle détestait la décoration.
" Trop aristocrate pour moi, se dit-elle."
Les murs bleu lavande ne s'accordaient pas avec la couleur orangée du tour des fenêtres. Les rideaux beiges ressemblaient davantage à de la vieille moquette qu'à un drapé censé embellir et rendre la pièce plus intime. La chambre manquait de personnalité, de vie. Elle aurait pu appartenir à n'importe qui, sauf à Sybille. Elle était trop guindée et l'atmosphère y était amèrement oppressante. Le lit était trop grand et elle s'enfonçait chaque qu'elle avait le malheur de s'allonger dessus. Si le lit était vivant, il l'aurait sans doute avalée toute crue!
Elle quitta rapidement l'étouffante pièce pour aller visiter les alentours, à la recherche de LA chambre.  Deux pièces plus loin, il y avait celle de Lyra. Celle de son frère Elian se trouvait en face. Les appartements de leurs parents étaient à l'autre bout du couloir. Adam dormait au rez-de-chaussée, à côté de son bureau.
La fillette se rendit donc dans la partie la plus délaissée de la demeure: le deuxième étage. L'ambiance y était déjà plus apaisante.
Il était un peu moins haut que l'étage du dessous, ce qui le rendait plus intime. Il faisait aussi plus sombre qu'au premier; sans doute à cause de la saleté accumulée sur les carreaux des fenêtres.
Il y avait un nombre incalculable de toiles d'araignées dans les recoins du plafond et sur les vitres. La tapisserie des murs semblait délavée et une odeur de poussière.
La fillette éternua. Oui, il fallait à tout prix donner un bon coup de ménage! Mais avant ça, Sybille voulait trouver sa future chambre.
Celle de son frère se trouvait à l'entrée de l'étage. Inconsciemment, elle se dirigea vers le fond du couloir.  Sa droite, il y avait quelques marches en bois que la petite emprunta.  Elle du s'aider de son épaule pour ouvrir la porte face à elle car celle- ci était coincée. Quand la porte céda enfin, la petite fille découvrit une vaste pièce sombre et sale. Le plafond était en fait le toit. Le papier peint était déchiré à certains endroits et pendait même avec désespoir sur un mur. C'était un vieux papier blanc cassé à fleurs jaunes et bleues. Lorsqu'on entrait dans la pièce, on pouvait voir deux portes- fenêtres. Une située à quelques mètres du coin, au fond à droite, et l'autre face à la porte d'entrée. Le parquet était en parfait état. Dans un coin de la pièce, un vieux lit en métal blanc attendait que son heure vienne. Un vieux matelas gisait dessus. Il avait l'aspect d'un mort en pleine décomposition.
" Quelle imagination débordante! Pensa Sybille en riant intérieurement."
A l'autre bout de la pièce dormait une vieille table de chevet.