Ô vieillesse ennemie !

Gilbert Libé

Papy est un septuagénaire hors norme. Il va au concert s’habille « pop » et brûle sa vie par les deux bouts. Il vit dans son appartement avec son petit fils (LUI) et sa petite belle fille (ELLE), pantouflards comme personne ! ELLE et LUI sont ballotés de CDD en CDD tout en étant absorbés par la morosité de leur quotidien. Papy, lui, s’éclate avec sa petite amie malgré sa petite pension. Rien ne va plus quand Papy doit se faire opérer et que la situation financière bancale du couple ne suffit plus à subvenir aux besoins du trio.  Papy va trouver une issue originale à cette situation difficile. Avec la complicité de l’infirmière,  qu’il a connue pendant son séjour à l’hôpital, il va bouleverser la vie de ses petits enfants et faire de sa vie un rêve, et de son rêve, une réalité.

Une comédie sur la vieillesse c'est chambouler les idées reçues sur les vieux et les jeunes en les opposant dans leur contexte familial.

Cela donne deux pièces en une. La première dans un appartement avec Papy et ses petits enfants. La deuxième dans une chambre d’hôpital avec l’infirmière qui s’occupe de Papy et le médecin qui l’a opéré.

Moralité : On juge une société à la manière dont elle traite ses anciens, mais aussi de la façon dont elle construit l’avenir de ses jeunes.

EXTRAIT :

1


Un appartement simple, fonctionnel, efficace. Un couple de trentenaire est devant sa télé, installé confortablement sur un canapé. LUI, porte des charentaises et un survêtement. ELLE est en pyjama avec des bigoudis sur la tête. On sonne à la porte.

Il se lève et ouvre la porte. Un vieil homme habillé « mode » entre comme une tornade et fonce sur le canapé. Elle, se lève en sursaut.

PAPY :

J’en ai plein mes bottes !

LUI :

T’as vu l’heure Papy ?

ELLE :

On allait se coucher…

LUI :

C’est à cette heure-ci que tu rentres ?

PAPY :

Ce concert... Génial. Quelle pêche cette nana.

ELLE :

T’étais au concert de qui ?

PAPY :

Bah, LADY GAGA tiens !... J’ai soif. T’as pas un Red Bull ?

LUI :

Non. On a du lait.

PAPY :

Je boirai du lait quand les vaches mangeront du raisin !

LUI :

Il reste un Coca…

ELLE :

… Light !

PAPY :

Oh, les tâches !!

LUI :

On s’excuse, grand-père, mais on est au régime.

ELLE :

Oui, on fait le régime sans sucre, sans graisse, sans protéine, sans…

PAPY :

… Sans rien. Ouais, je sais, le régime Ducon, celui où tu te manges les doigts !

ELLE :

C’est pas Ducon, c’est…

LUI :

Laisse tomber, c’est pas le moment. Demain on se lève, on bosse. J’ai une journée d’enfer… 

PAPY :

Pas de bol. Moi je fais la grasse.

ELLE :

Je voudrais bien être à ta place Papy !

PAPY :

Va falloir, d’abord que tu trimes 42 ans ou plus ma cocotte !

Il allume une cigarette.

LUI : 

Ah non Papy. On ne fume pas ici. Et puis c’est nocif pour ta santé.

PAPY : 

Il n'y a pas que le tabac qui soit nocif. La vieillesse aussi, c'est dangereux. Je connais des gens qui en sont morts ! 

ELLE :

Tu devrais faire attention tout de même, tu mets ta vie en danger …

PAPY :

Ma vie, ma vie en danger... Mais LA VIE, est une maladie mortelle ma petite, et sexuellement transmissible  en plus !

LUI :

Comme ci c’était l’heure de faire de l’humour…

ELLE :

Tu devrais te coucher, maintenant, papy…

PAPY :

Le lit est l'endroit le plus dangereux au monde, puisque 99% des gens y meurent !

LUI : (à Elle)

Il a réponse à tout !

PAPY :

Allez donc vous coucher les travailleurs, ne vous gênez pas pour moi. Le monde appartient à ceux dont les ouvriers se lèvent tôt !

ELLE :

Il est incroyable. Il est une heure et demi du matin, Papy !

LUI :

Il me soule !

PAPY :

Il vaut mieux être saoul que con, ça dure moins longtemps…

ELLE :

Il va parler longtemps comme ça ?  En citation  et en proverbe…

PAPY :

Qu’est ce que vous dites ?

LUI :

Oh, rien…

PAPY :

C’est pas parce que je suis vieux qu’il faut me prendre pour un sénile !

LUI :

Bon allez, on arrête maintenant. J’en ai marre. Je vais me pieuter.

Il se lève et sort de scène.

PAPY :

 J’ai dit quelque chose de mal ?

ELLE : 

Non, mais il est stressé en ce moment. Il doit rendre son projet demain matin devant le staff de sa boîte.

PAPY : 

Faut pas te fâcher ma petite. Je sais que c’est dur pour vous. Mais il faut me comprendre. Ils m’ont viré de l’hosto ! Ils m’ont dit : - « l’hôpital est un lieu pour soigner, pas pour mourir. » Alors je suis parti m’éclater avec ma copine.

ELLE :

Mais on travaille Papy !

PAPY :

De quoi vous vous plaignez, vous n’êtes pas chômeurs ! Vous avez de la chance d’avoir trouvé un boulot. On peut vivre confortablement, non.

ELLE :

Mais ça ne pourra pas durer autant que les impôts … Il suffit que le CDD ne soit pas renouvelé et…

PAPY :

…Vous êtes à nouveau dans la merde. Et moi aussi par la même occasion. C’est vrai…

ELLE :

Mais on ne va pas pouvoir vivre comme ça indéfiniment…

PAPY :

Tu fais fausse route, chérie. Chez les peuplades que l’on dit primitives, ils s’occupent de leurs anciens et veillent bien à recueillir leurs expériences et savoir-faire tout en les accompagnant jusqu’à leur dernier souffle.

ELLE :

Mais de quel souffle tu me parles. Tu fais ton jogging tous les matins !

PAPY :

Non un matin sur deux. L’autre jour c’est du vélo.

ELLE :

C’est pareil.

PAPY :

Si je comprends bien tu me laisserais mourir seul dans un établissement de soins palliatifs, maltraité dans une maison de retraite et considéré comme un boulet par mes petits enfants ?

ELLE :

Mais qu’est-ce que tu me racontes ?

PAPY :

J’anticipe, je prévois, j’envisage. Et puis, dans ces temps difficiles, il va falloir à nouveau redécouvrir les bienfaits des solidarités familiales… Et ça ne va pas être simple...

NOIR

2


Une chambre d’Hôpital. Papy est allongé sur le lit. Une infirmière est penchée sur lui.

PAPY :

Et doucement ma jolie. Qui s'aime en se levant récolte la crampette...

L’INFIRMIÈRE :

Et bien Papy, on est en forme à ce que je vois !

PAPY :

Oh ! Je suis le plus heureux, ma belle. J’ai de l’argent dans les cheveux, de l’or dans les dents, des cailloux dans les reins, du sucre dans le sang, du plomb dans les pieds, du fer dans les articulations et une source inépuisable de gaz naturel. C’est pas beau ça ?!

L’INFIRMIÈRE :

Je ne savais pas que vous aviez accumulé autant de richesse !

PAPY :

C’est la chance des plus de cinquante ans. La fortune des papys boomers !

L’INFIRMIÈRE :

Vous avez oublié l’essentiel Papy.

PAPY :

Ah oui … Et quoi donc ?

L’INFIRMIÈRE :

De l’énergie à revendre…

PAPY :

De l’énergie durable oui. Celle qu’on appelle la chaleur humaine et qui est la moins coûteuse.

Il tente de lui mettre la main aux fesses. Elle se dérobe.

L’INFIRMIÈRE :

Sacré papy. Allez, on se calme.

PAPY :

Je n’ai rien entendu.

L’INFIRMIÈRE :

Vous ne seriez pas un peu sourd ?

PAPY :

C’est pas parce qu’on est dur de la feuille qu’on est mou de la branche et réciproquement !

L’INFIRMIERE :

Gardez vos fantasmes pour cette nuit, ça vous occupera !

PAPY :

Pour moi c’est des fantasmes en solitaire … C’est de la sens friction !

L’INFIRMIÈRE :

Je n’ai pas l’impression. Dites moi, hier, la charmante dame qui est venue vous voir… Ce ne serait pas votre copine ?

PAPY :

Avec Maria, on se fréquente, c’est vrai. Mais on ne le fait qu’une fois par semaine et le samedi soir. On appelle ça la « Saturday night faveur »….Mais c’est entre nous…

L’INFIRMIÈRE :

Justement en parlant de fièvre. Mettez vous ça où je pense.

Elle lui tend un thermomètre…

PAPY :

Quand je disais que l’hôpital n’est plus ce qu’il était….Non seulement ils ne vous gardent que quarante huit heures maxi et en plus ils vous enc…

L’INFIRMIÈRE : (sévère)

…Papy…

PAPY :

Excusez-moi, ma langue a fourché…

L’INFIRMIÈRE :

On vous garde le temps qu’il faut.

PAPY :

… Et elle fait plus de mal que mon pied qui trébuche !

L’INFIRMIÈRE :

Ah vous, les anciens, quand vous vous y mettez !

PAPY :

Il faut tuer les vieux, hein, c’est ça ?! De toutes façons, les vieux, il faudrait les tuer dès la naissance !

 

L’INFIRMIÈRE :

Ne dites pas ça Papy. Pas forcément les vieux. Mais les cons oui, car sans eux la vie serait trop triste… !!!

PAPY :

Ah, vous avez raison, mais alors tuons les vieux cons.

L’INFIRMIERE :

Vous savez comme moi qu’un vieux con n’est jamais qu’un jeune con qui a vieilli !

PAPY :

 Je vous aime bien, vous.

L’INFIRMIÈRE :

Blague à part, il va falloir que je m’en aille. Les autres patients vont se poser des questions.

PAPY :

C’est pas grave ma grande. Je leur donnerais une réponse en sortant.

L’infirmière sort de la chambre.

NOIR

A SUIVRE …..

 

 

 

 

  • Bonjour Manon,
    Je ne sais pas si tu es encore sur ce site, mais je t'informe que Ô vieillesse ennemie est téléchargeable gracieusement sur :
    http://www.theatrotheque.com/web/lire.php?fiche=1787
    ou sur :
    http://www.leproscenium.com/DetailEdite.php?IdPiece=1590

    Dans l'attente de tes commentaires et critiques....
    Amicalement

    · Il y a plus de 12 ans ·
    Gilbert lib  orig

    Gilbert Libé

  • Je viens de lire les parties 3 et 4 : toujours autant de rythme, c'est excellent!j'espère de tout coeur que vous trouverez quelqu'un qui puisse la monter, ce serait un franc succès j'en suis sûre!

    · Il y a presque 13 ans ·
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    manonlou

  • Merci pour ce petit mot... Je ne sais pas quand et par qui sera monté cette pièce. Mais, en tous cas, j'ose espérer qu'un metteur en scène, un producteur, un comédien va flasher à la lecture.... )-. La suite est lisible sur : http://www.mymajorcompanybooks.com/Auteurs/libe/
    Amicalement, Gil.

    · Il y a presque 13 ans ·
    Gilbert lib  orig

    Gilbert Libé

  • Génial!quelle répartie!quel sens de la formule!bravo! j'aimerais beaucoup découvrir la suite... c'est un texte qui sera monté par votre cie?au plaisir

    · Il y a presque 13 ans ·
    Default user

    manonlou

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