Oeuvre inachevée

Caïn Bates

Ecrire me blesse, ne pas écrire me tue

      J'écris, comme beaucoup d'entre vous. J'écris machinalement, sans même prêter attention aux mots que je couche sur le papier. J'écris comme les enfants peignent, en étalant moults pavés pour y voir une interprétation quelconque. J'écris beaucoup, je n'écris pas assez. 

       Chaque lettre, chaque mot, chaque phrase me tue un peu plus. Me remémorer d'anciens textes me fait l'effet d'une perceuse dans le crâne, des coups de poignards que je me suis adressé il y a des années. De nombreux auteurs qui se sont servis de ma main pour m'atteindre, me chuchotant de nombreuses lettres d'insultes, de menaces, de suicides. Leurs textes sont des revolvers qu'ils me tendent, chacune des lignes sont des balles qui s'ajoutent au barillet d'une roulette russe que je jouerais en solitaire. 

     Je n'écris pas pour exister, j'écris pour survivre. J'écris autant pour me rassurer que pour me blesser, j'écris des S.O.S et jette les bouteilles dans un verre qui me supplie de le remplir. Me lire me pousse à boire toujours plus, boire me donne envie d'écrire. C'est une boucle infernale, comme se jeter dans un puit sans fond. Ecrire me blesse, ne pas écrire me tue. 

      Les mots sont des gouttes d'eau qui troublent l'absinthe qui m'inspire. Les mots sont impurs, ils ne reflètent que ma noirceur lumineuse, ils sont bipolaires, ils ont des problèmes d'identités. Au fond, les mots sont les esclaves de l'écrivain. Le plus inquiétant est que je suis à leur merci, laissant mes oeuvres inachevées.

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