ONÉZIM ET LES TROTTOIRS
suemai
Onézim feuilletait son verre de rouge. Les chandeliers, vert bleuté à incandescence multicolore, gisaient sur des trottoirs à odeurs de passants. Il attendait de pied ferme cette petite peste de Yolande. Il désirait la demander en mariage. Dans sa poche, un écrin d'un gris satin frais, légèrement brossé au plumeau de poils de chameau, gémissait d'un plaisir follement étouffant.
— Yolande, mon cœur, s'exclama Onézim.
Elle le gifla par trois fois.
— Mais… je… tu t'offres une de mes dents ? Ouille…
— Tu n'avais qu'à pas m'ineptiser, espèce de vieille peste!
— Plus d'intimité aujourd'hui, blêmissait Onézim, mais… peut-être demain.
— Ce sont les trottoirs, lui retourna Yolande.
— Comment les trottoirs ?
— Ils se sont mis à table.
— Mais où! Où! Clama Onézim! Il faut alerter les flicophyles
Les trottoirs, à quelques trois ou dix tables d'eux, consultaient un menu de rue.
L'un deux, un trottoir recouvert de cacas de chien, s'approcha. Il odorait fortement. Une horde de chats sortit précipitamment de la cuisine. Le chef s'époumonait. Sa femme lui épongeait les tourloupis.
— Du calme… du calme Boris… tu vas encore te prendre une crise de globuleux.
— Ne me cherche-moi point, femme!
— Mais non… y'a un bouquet que je t'ai trouvé.
Mes chats! Mes chats! Criait Boris Alavian!
— Faut pas t'en faire mon gros, on se rabat sur la réserve de rats.
— Mais on les gardait bien au frais pour une grande… pour une grande bouclée, aux seins arrondis et au cul à s'émerveiller… occasion pour se la… la… les rôtir.
— Ça y est tu me refais une globulite aigüe. Je t'ai dit de ne pas reluquer du coté des jupons de la voisine, ils sont totalement dégeux. Il y a encore du jaunis de nibards dans l'entre-maille.
Le trottoir puant tapa sur l'épaule d'Onézim, qui se retourna et tourna de l'œil. Yolande le fit déguerpir qu'en ouvrant la bouche.
Le syndicat de la trottoirie refusait tout compromis. Le slogan refit vite surface : «À salaire égal, que dalle s'emballe.» D'ailleurs, personne n'avait jamais rien compris à cette bévue de Partre, pas même le prétendant syndical, ce qui perpétuait une grave insulte, dont seul Paul-Jean de la Rascasse se réjouissait. Il observait tout, grâce à ses jumelles, leur tapotant parfois l'arrière-train et qu'il se ménageait comme à chaque soir. Un inconnu connut que par quelques traine-culs, avisa l'ordre public, tout en ne recevant pas la médaille du mérite.
Pendant ce temps, Yolande porta Onézime chez la rabajoise de voisine de Boris, atteint d'une globulite aigüe. Elle le recouvrit d'un des jupons de la belle. Certains affirmèrent, plus tard, qu'Onézim se vautra l'odorat dans les entre-plis du pourtour des nibards de l'avoisinante. Ce qu'il réfuta bien entendu, prétextant que la commission cérébrale le déclarait innocent de toutes formes d'actes de débauche. Onézim refila le billet à son cousin par alliance, du coté de la tante de sa mère, épouse du recteur de l'université de Hyène-les-Charognes.
Les flicophyles en avaient plein la culotte de cheval. Le lacrymo atteignit une telle densité que la tour dut se secouer, ce qui fit la une des tous les canards encore vivants, qui titrèrent : «250 personnes lacrymogés.» Pas un mot sur les flicophyles, ce qui salissait, proprement, le conseil municipal. Que dalle, cria le maire, qu'on enrétine les revendications des trotoriens.
Aidés par la trottoirie, les flicophyles finirent par désarçonner l'ennemi, à coup d'une bétumerie bien organisée. C'est une maman trottoir qui demanda le cesser d'arrosage. Elle exhiba les craquelures de son enfant mort depuis une vingtaine de jours, suite à un écrasement par trottinette. La trottoirie ne porta pas plainte, étant donné la proximité et l'alliance avec les gros bonnets du crime organisé. Rico Despanachio s'assura que tout se fasse dans les règles de l'art. On appela un trotinicien qui confirma le décès par ingestion démesurée d'eau de pluie, venant de la maison de Mr. Caduc, qui venait à peine de refaire sa toiture et qui ne vit aucunes objections à ce qu'on inspecte les lieux.
Mr. Caduc, d'une très ancienne famille du quartier voisin, décida d'emménager dans cette maison de la rue de Beauvoir. Fraichement repeinte, dans des teintes d'un rouge vif, elle ne manquait jamais d'attirer l'attention des touristes, en manque de couleur, qui ne cessait de la photographier. Mr. Caduc décida un jour de demander un frais par photographie. Mal lui en prit, les propriétés avoisinantes se virent repeintes de bleu… de blanc… et de rouge…. Mr. Caduc bouda ses voisins un certain temps et après une vingtaine d'années, tout fut oublié.
C'est ainsi que revint l'ordre dans ce délicieux quartier du merle-Ô-pondis. Mlle Yolande et Mr. Onézim purent enfin s'épouser à la cathédrale Robespierre, dont on critiquait encore le nom après plus de quatre siècles. Le curé Devos insista sur la tradition de conserver intacte la patrimonie religieuse. On lui donna gain de cause, étant donné la pluie de postillons qu'il déclenchait à chacun des mots qu'il prononçait. Cette postillonnerie, impolie, lui venait tout droit de sa mère qui, bien qu'elle n'en souffrait point, l'avait transmise à son fils. Il portait le gène 713654 et une gène fatale s'abattit sur toute la famille. Ils durent déménager dans le quartier voisin d'un nom beaucoup plus triste d'Al Camus.
La paroisse fit cadeau aux jeunes mariés, bien que Mr. Onézim allait devenir sexagénaire sous peu, on passa sous silence ce petit détail, la célèbre maison Queneau dont on parlait de bizarreries s'y produisant assez régulièrement, ce que ne craignait en rien Mr. Onézime, ayant participé aux trois grandes batailles de la révolte des trottoirs géants. Onézim pouvait compter sur son aide de camp, Yolande, qui tuait même en rotant.
***
Onézim, en sueur, assit dans son lit, ouvrit lentement les yeux. Ouf… se dit-il, qu'une cauchemardise. Il se retourna. Un trottoir le dévisageait, voilà qui le rendormit aussitôt. Yolande ronflait la bouche fermée.
Un joli pastiche à écumer journellement !
· Il y a plus de 4 ans ·astrov
alô toi, tout de même, ce ne sont pas les pensées de Pascal^^ "par chance^^ - cool de te voir ici et gros +++
· Il y a plus de 4 ans ·suemai
c'est toujours la surprise sur tes pages, j'aime! en tous cas la rabajoise c'est pas toua ;-)
· Il y a plus de 8 ans ·julia-rolin
alô Julia, je croyais que (rabajoise) existait chez toi. Bon une particularité parmi d'autres^^ le (toua) est fort bien réussi. C'est cool ce surprise^^ heureuse de te lire de nouveau, Sue+++
· Il y a plus de 8 ans ·suemai
La non-prétention vous va bien !
· Il y a plus de 8 ans ·effect
alô, non mais tu as me laisser ces vous à la (...) prétentieuse peut-être pas, mais Vanity Jane existera... alors l'égocentrique t'embrasse comme toujours. Bise(s), Sue+++
· Il y a plus de 8 ans ·suemai