Paradis terrestre

François Vieil De Born

Paradis terrestre 2009.

Laisser derrière soi Kaboul, les carcasses déchiquetées, les arbres brulés par l’explosion, les grilles de fer tordues, la poussière qui retombe, les sirènes d’alerte qui hurlent, les chargeurs engagés ?

Ignorer pour un temps les plastiques dérivant sur la mer, les fumées jaunes et plombées des cheminées d’usine, les sols empoisonnés, les délocalisations, les prises de position sur dérivées ou des marchés futurs ?

Comprendre que la croissance compliquée des organisations humaines a pour corollaire immédiat la désertification et la disparition, la perte de complexité du vivant.

Est-ce qu’il y a quelque part un endroit, une retraite, peut-être à l’ombre presque froide de grands chênes ou tilleuls, où hommes et femmes peuvent se reposer, avoir ce qu’ils ou elles veulent, être avec qui ils ou elles veulent, jouer, parler, se baigner, lire, être tendres et rêver, un jardin enclos au bord d’une rivière, peu de bruit ou celui des feuillages et de l’eau sur les pierres ?

Aimer en l’absence de lune ou dans des bosquets protégés, en se servant des branches et des vasques, les gémissements couverts par les bruits d’eau argentée et noire ?

Cette nuit, rêver de mon chat noir, la nuit à pas comptés, avançant sur mon édredon et sur mon oreiller, et s’installant, s’enroulant près des tempes et ronronnant. 

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