PAULETTE EN A MARRE

Laure Milovidoff

9h du matin la cohue à Montparnasse. L’odeur écœurante des parfums des uns mêlés à la sueur des autres. L’été arrive. Il sera chaud. De grandes promesses olfactives en perspective aux heures de pointe.

La tour m’assomme. Les piétons me bousculent. Les filles commencent à se foutre presque à poil. Elles s’y croient les parisiennes. Elles foulent la rue de Rennes tropéziennes aux pieds. Ce soir elles auront les ongles noirs. Bien fait.

Je ne suis pas en vacances. Et j’en peux plus de voir leurs tronches épanouies par la seule vue du soleil. Je suis à la bourre, on ne  va pas se pâmer en plus ?

Je vocifère contre  cet amas humain qui me frôle. Je marque mon territoire ! J’aimerai bien oublier les cons. Sourire au moins,  à défaut de rire jaune. En même temps on s’en fout de sourire. Avoir l’air hautain aide aussi à tenir la route. Enfin, le trottoir. Mais il faut penser à éviter les crottes de chien. J’imagine une tropézienne qui se vautre dedans. Ma mère dit que je suis au bout du rouleau. Je prétexte un  emploi du temps intrépide pour l’expédier en deux sms. J’ai acheté une nouvelle coque pour mon phone hier. Elle est rose avec des petits strass qui écrivent FUCK YOU. C’est vous dire !  

J’ouvre  la boutique. Il est 30. Pile l’heure. Psychorigide à mes heures. J’officie en reine du bonnet A.B.C.D. voire plus les jours où je suis en forme. Le  cafetier, mon voisin,  sort sa blague du jour à ses clients, la même depuis 10 ans : « ah voilà la vendeuse de strings ! » et il rit bien sur. Bien connu que c’est drôle de vendre des strings. J’ai au moins un cas par jour. Exhibitionnistes,  femmes battues,   amants lubriques,  séducteurs et autres bellâtres, gens qui pleurent et gens qui rient, je les aie tous. 8 mois sans sortir de mon bocal de dentelle et  aujourd’hui, l’hystérique, c’est moi. Le premier qui me gonfle,  je le décalque en trompe l’œil sur la vitrine. Je le scalpe au sex toy et j’expose sa tonsure sur mon desk.

Accroches toi Paulette la journée va  commencer

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