Petit cauchemar entre amis

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Personnages :

Cruella, ici femme de Porthos, amie de Carmen et de l'Abbé
Porthos, ici mari de Cruella, ami de Carmen et de l'Abbé
Carmen, amie des trois autres
L'Abbé, ami des trois autres
Une voix, personnel d'une compagnie d'assurance qu'on ne citera pas
Le dépanneur, le dépanneur.

 

Cette histoire inspirée de faits réels, se passe dans l'Eure, en Haute-Normandie, près de la petite ville de Pont de l'Arche. Quatre amis roulent en voiture depuis à peine 5 minutes. Ils viennent de quitter une soirée d'anniversaire, où chaque convive était costumé. L'hôte de cette grande fête, ami proche, venait d'insister lourdement pour que Cruella, Carmen, l'Abbé et Porthos restent dormir chez lui. L'optique d'un couchage sommaire et collectif avait eu raison de la motivation des quatre amis. Ces derniers avaient pris l'initiative de louer un gîte, situé à quelques kilomètres du domicile de leur ami. Heureux d'avoir passé une agréable soirée, ils étaient cependant très enthousiastes à l'idée de trouver lits douillés et couettes moelleuses. Or rien ne se passa comme ils l'espéraient…

Voici leur histoire.

 

Acte I – Scène 1

Une voiture roulant à allure très modérée et s'engageant sur une route départementale. A son bord, Porthos et L'Abbé rient bruyamment et plaisantent, tandis que conduit Carmen, nommée Sam de la soirée (Sam, c'est celui qui ne boit pas). Cruella quant à elle boude, irritée par le bruit causé par les jeunes hommes.

Cruella s'exclame -  Y a eu un bruit ! 

Porthos, Carmen et l'Abbéen chœur - Mais non ! 

Cruella - Si, si c'est sûr, ça vient de derrière.

Un temps.

Porthos appuyé par l'AbbéFaut toujours que tu vois tout en noir…

Carmen enchérit - Attendez, ça fait comme un drôle de bruit quand-même…

Porthos et l'Abbé, ne prêtent pas attention aux inquiétudes féminines - auxquelles il faut le dire, ils sont habitués  - ils enchaînent les éclats de rires, insouciants et vaguement alcoolisés.

Carmen immobilise le véhicule sur le bas-côté. Cruella descend pour faire le tour de la voiture, se dodelinant sur ses talons-hauts, tout en tirant sur le bas de sa robe noire. Elle revient peu de temps après, remettant son boa de plumes blanches en place sur ses épaules.

Cruella déconfite -  Ben voilà, on a crevé. 

L'Abbé tousse bruyamment. Cruella vérifie que les quatre dalmatiens en peluche sont toujours bien accrochés à son boa. Ils sont bien tous là.

Il est 3 heures du matin. Nous sommes en mars, la nuit du passage à l'heure d'été. A cet instant de la nuit, une heure entière est engloutie, comme par magie. Il est donc 4h00. La nuit est froide, sèche et sans étoiles. La voiture est sur une route de campagne. Une station-service éclairée se trouve providentiellement de l'autre côté de la route. Carmen décide de stationner la voiture sous les néons blafards de la station. A défaut d'avoir les idées claires, la roue serait changée à la lumière de cette station déserte. Les amis descendent de la voiture. Porthos se porte volontaire et ôte promptement chapeau et cape, retrousse ses manches et ouvre le coffre. On débarrasse les affaires, laissant apparaître l'écrou qui ferait descendre la roue de secours depuis le bas de caisse.  Porthos observe l'écrou restant muet quelques longues secondes. Tous semblent s'en remettre à lui. L'Abbé tousse.

Porthos - Faut une manivelle 

Ils se regardent. Une manivelle ? Quelle manivelle ? De toute évidence, l'écrou ne peut s'actionner sans l'aide d'un outil. Or ni Porthos, ni Cruella, les propriétaires du véhicule, n'ont connaissance de l'existence de cette manivelle. On entreprend des recherches et on retourne la voiture pendant un bon quart d'heure. Rien.

Cruella - On fait quoi ? 

L'Abbé tousse.

L'Abbé - Vous êtes tous risques ?

Cruella - Oui, oui…

L'Abbé ajoute entre deux toussotements - Ben on devrait demander une assistance, parce que là je vois pas comment on va pouvoir changer cette roue. 

Cruella regarde Porthos qui regarde l'écrou, jure, puis rattrape le regard insistant de Cruella. Il connaît ce regard. Un regard à la fois culpabilisant et réclamant solution et réponse sur le champ. Porthos finit par baisser les yeux, sans mot dire. Il n'a pas de remède miracle pour la situation compliquée qui se met en place. Comme ses amis, il est impuissant. Comme souvent, Cruella fait preuve d'initiative. Il faut bien que quelqu'un tranche, et elle a froid en bas-résilles…

Cruella - Ok, j'appelle. Elle soupire. Mais par contre je n'ai presque plus de batterie. 

Une voix - Truc Assurance bonjour ?

Cruella - Bonjour, nous avons crevé et nous ne parvenons pas à actionner l'écrou qui se trouve dans le coffre de notre voiture pour récupérer la roue de secours…

Cruella rit nerveusement avant de continuer.

Cruella - C'est ridicule, je suis désolée de vous appeler…de vous déranger… Mais nous allons être obligés de vous demander une dépanneuse, à moins que vous ne sachiez où se trouve la manivelle qui nous aiderait…

Une voix neutre - Quel est votre véhicule Madame ?

Cruella - Une 308 sw.

Porthos - Dis-lui que…

L'Abbé et Carmen, en chœur - Chut !

L'Abbé tousse.

Une voix - Attendez Madame, je lance une recherche.

Porthos - Alors ?

Cruella - Il cherche …

Porthos -  Il cherche quoi ?

Cruella -  La manivelle…

Porthos ne comprend pas cette réponse et lance un regard bizarre à sa compagne. Il essaie de se souvenir du nombre de verres que Cruella a pu boire ce soir. Impossible de se rappeler, il a discuté avec plein de gens différents, déguisés en Dora L'exploratrice ou en fraise géante. Il n'a pas passé toute la nuit avec sa conjointe. Il était là pourtant au moment où elle sauva la vie à l'Abbé. C'est d'ailleurs de sa faute si ce dernier étouffait. Il venait de raconter une blague hilarante et alors que l'Abbé mâchait un morceau de pizza, il toussa et avala sa bouchée de travers. Il se mit à suffoquer, là, assis dans le canapé, tandis que la musique battait son plein. Tous paniquèrent mais Cruella eut un excellent réflexe. Elle s'assit dans le dos de l'Abbé et l'entoura de ses bras par derrière. Les mains sur son plexus elle fit pression sur le corps de l'Abbé qui avala la nourriture et retrouva sa respiration aussitôt. Porthos était fier de Cruella. La femme qu'il aimait était parfois épatante. Mais parfois aussi particulièrement irritante et même souvent déconcertante… A l'instant présent, Porthos, qui était un homme gentil, bon vivant et vraiment très amical, ne parvenait pas à suivre sa femme.

Une voix - Madame ? Normalement elle se trouve dans une cache à gauche dans votre coffre.

Cruella – Ok…Les gars, la manivelle est dans une cache à gauche dans le coffre, vous cherchez ? Ils cherchent…

Porthos - Non, non y a rien…

Porthos râle. L'Abbé jure et tousse.

Carmen énervée - C'est fou ça quand même !

Une voix impatienteAlors ?

Cruella - On trouve pas.

Une voix - Je vous envoie une dépanneuse ?

Cruella -  Il me demande s'il envoie une dépanneuse… Je dis quoi ?

L'abbé tousse, Porthos s'acharne sur l'écrou avec tout ce qui lui passe sous la main, Carmen enfonce sa tête dans son manteau.

Cruella -  Je fais quoi ?

Cruella s'impatiente. Elle aimerait ponctuer sa phrase de jurons et ainsi insister sur le caractère pressant d'une prise de décision mais elle se retient, ayant toujours son interlocuteur au bout du fil.

Une voix -  Madame ?

Cruella  - Alors ? Les gars ?

 Porthos -  Bon ben oui, qu'il envoie sa dépanneuse !

Il soupire, énervé, sans doute blessé dans sa virilité.

L'Abbé réconfortant -  Façon c'est pris en charge par l'assurance.

 Il se met à tousser longuement.

Carmen – Oui, te prends pas la tête …

Cruella - Ok envoyez-nous de l'aide s'il vous plaît.

Une voix -  Vous êtes où ?

Cruella - Un temps. Il demande où on est… On est où ?

Porthos hausse les épaules. Il en a clairement ras le bol. Carmen et l'Abbé se mettent à courir le long de la route, le nez en l'air, vers chaque panneau d'indication. L'Abbé revient le premier, au bord de l'asphyxie, le nez rouge.

L'Abbé – La… D…75… 

Il part dans une nouvelle quinte de toux.

Cruella - La D75, Monsieur 

Carmen les rejoint, les talons martelant le bitume.

Carmen – Non … La D 60 plus loin 15

Cruella levant les yeux au ciel - La D 60 plus loin 15… D6015, Pardon. On vient de Pont de l'Arche.

Une voix excédée - D'accord j'envoie quelqu'un…

Cruella reconnaissante - Merci, merci Monsieur ! Il sera là quand ?

Une voix pressée de clore la discussion - Au mieux dans 45 minutes. Bon courage, au revoir.

Cruella - Le dépanneur arrive dans 45 minutes minimum...Ok… Il est 4h30, heure d'été.

Tous soupirent à l'idée de voir reculer encore le moment de se coucher.

 Acte I - Scène 2

Le silence règne. Seul l'Abbé le déchire de sa toux bruyante. Il rassure d'un geste amical Carmen inquiète, en posant doucement sa main sur son épaule, mais en continuant de cracher ses tripes.

Porthos obstiné  - Mais bordel elle est où cette foutue manivelle, c'est quand même pas croyable ! Elle doit bien être quelque part !

Entraînés par Porthos qui ne peut s'avouer vaincu, les amis recommencent à inspecter le coffre de la voiture.

Carmen - T'as regardé là ?

Porthos - Non ça s'ouvre pas, c'est juste une grille d'aération…

Cruella – T'es sûr ? On dirait que …

Porthos sec – Non mais laisse tomber t'y connais rien…

L'Abbé - Moi j'ose pas forcer et puis c'est pas ma voiture.

Il tousse. Porthos force d'une main et la petite grille semble s'ouvrir comme par miracle, toute seule, et laisse apparaître ce qui ressemble bien à une manivelle.

Tous, en chœur - Oh putain ! 

L'espoir renaît dans les regards échangés.

Porthos actionne l'écrou avec la manivelle et la roue de secours, attachée à un câble en métal, se couche enfin sur le sol de la station-service. Il enlève sa chemise blanche pour ne pas la salir, puis s'allonge sous le bas de caisse. Une minute, deux minutes… Carmen piétine, frigorifiée. L'Abbé toussote. Cruella s'impatiente. Porthos ne parvient pas à détacher le câble. Il se met à forcer et au bout de secondes interminables, un boîtier hermétique se détache de la roue enfin libérée du câble. Porthos extirpe la roue et tente en vain d'ouvrir le boîtier. Il y met toutes ses forces et grogne dans l'effort. Il est épuisé et l'alcool absorbé plus tôt n'arrange rien.

Porthos - Le cric doit être dedans

L'Abbé - Attend je vais t'aider,

Il essaie à son tour d'ouvrir l'objet. Impossible. Certes il n'y a aucun indice de moyen d'ouverture apparent  sur cette étrange boîte, mais qui plus est, l'Abbé n'est guère bricoleur. Et ça, tous le savent…

Porthos en colère - Putain je vais la fracasser par terre

Cruella - Arrête ! Calme-toi…

Elle s'empare de la boîte et tente à son tour de l'ouvrir en vain. Les quatre amis restent plantés devant le boîtier : Porthos torse-nu mais son épée en plastique à la ceinture, Cruella avec sa perruque blanche et noire, Carmen avec sa robe rouge de gitane et l'Abbé, en soutane, calot sur la tête.

Cruella à Porthos - Tu devrais mettre ton manteau, ça pèle…

Porthos - Non ça va.

L'Abbé - Façon le dépanneur est en route

Il tousse violemment.

Carmen -  Toi aussi tu devrais te couvrir…Tu devrais rentrer dans la voiture, tu n'es pas bien.

Il fait un signe de la main en continuant à tousser. Enfin sa quinte s'apaise.

L'Abbé -  Non je reste avec vous, on est solidaire…

Cruella ouvre une mallette se trouvant dans le coffre et en sort une couverture de survie. Elle enroule les épaules de l'Abbé avec. Elle rit. Il ressemble à une papillote géante. Porthos saisit son épée en plastique et frappe le boîtier avec. Tous sourient en le voyant. Cette scène leur rappelle aussitôt le jeu de la pinata, qui eut lieu quelques heures plus tôt chez leur hôte. Quelqu'un eut la bonne idée d'accrocher un petit cheval en papier mâché à une poutre apparente. Leur ami dût les yeux bandés, tenter de fracasser la pinata. Pour ce faire, on lui remit une batte de baseball. Au bout du second essai, il tapa violemment dans la poutre et un éclat de bois vola au travers de la pièce…On arrêta le massacre avant qu'il n'y ait plus de victimes…

Porthos se penche à nouveau sur le boîtier, posé sur le bitume. Soudain la partie supérieure de la boîte coulisse sous ses mains, laissant apparaître le cric et d'autres outils.

Tous, en chœur -  Yes !

 Acte II – Scène 1

Porthos positionne le cric sous la voiture et l'actionne. Rien ne se passe. Il s'y reprend à deux fois, refuse l'aide de l'Abbé, quand enfin le véhicule se soulève doucement. Carmen, Cruella et l'Abbé qui tousse sporadiquement, observent, debout à côté d'une pompe à essence. Puis l'Abbé s'éloigne pour uriner le long d'une clôture. Carmen et Cruella inspectent les environs pour trouver un endroit plus à l'écart du trafic qui commence à se réveiller autour d'eux. Il y a peu de possibilités. Tous trois reviennent aux côtés de Porthos.

Porthos rassurant -  C'est bon je vais réussir à changer cette sale roue 

Carmen sourit, soulagée.

Cruella -  Je fais quoi ? J'annule la dépanneuse ?

Porthos - Annule la dépanneuse oui.

Cruella - J'ai plus de batterie.

Carmen - Prends mon téléphone

Cruella - Oui allô ? J'ai appelé tout à l'heure pour une assistance sur la D6015 mais il se trouve que nous avons enfin réussi à récupérer la roue de secours et nous allons pouvoir nous débrouiller…

Une voix - Vous voulez annuler ?

Cruella - Oui…

Une voix - Vous êtes sûre Madame ? Parce qu'après c'est trop tard, le dépanneur va retourner se coucher…

Cruella hésitante - Vous êtes sûrs j'annule ?

Carmen regarde Porthos qui ne parvient plus à actionner le cric. Elle regarde Cruella avec insistance, en lui faisant comprendre qu'annuler est peut-être une mauvaise idée en fin de compte. L'Abbé tousse.

Cruella à Porthos - Tu es sûr ? J'annule ? 

Porthos ne répond pas.

Une voix - Madame ? 

Le cric refonctionne. Porthos bougonne une réponse positive qui ne convainc personne.

Cruella - Allo ? Oui, oui j'annule. 

Carmen soupire. Porthos ôte les caches des boulons. Il dévisse ensuite un boulon. Puis deux boulons. Cruella rend son téléphone à Carmen, traverse la route, longe le fossé et entre sur le parking qui fait face à un hangar commercial. Des voitures passent vite et l'éblouissent. Elle voit enfin une haie derrière laquelle elle s'accroupit et se soulage. L'odeur de l'herbe mouillée et les bruits provenant des champs alentours lui rappellent des sensations d'enfant. Elle sourit amusée. Elle rebrousse chemin, retraversent la route et rejoint ses amis qui semblent embarrassés.

Cruella - Que se passe-t-il ?

Carmen - Le quatrième boulon s'enlève pas.

Cruella - Quoi ?

Porthos - Il est pas comme les trois autres.

Cruella – Comment ça il est pas comme les trois autres ? C'est pas croyable, on est maudit !

L'Abbé tousse et réajuste la couverture de survie sur ses épaules. Porthos se remet debout et réfléchit.

Porthos - Ce doit être un boulon antivol et là je vois pas ce que je peux faire…

Carmen prend un outil et tente de le dévisser. Rien. Cruella sent la rage monter et tente sa chance à son tour. Rien. Carmen grelotte.

Cruella - Monte dans la voiture

Carmen - Non.

Cruella en colère et contre Porthos - Putain je savais qu'il fallait pas annuler la dépanneuse… Mais pourquoi tu m'as dit d'annuler dis ? Pourquoi ?

Porthos s'énerve et crie contre Cruella. Il ne la supporte plus. L'Abbé tousse de plus belle.

Porthos - Si t'es pas contente, t'as qu'à t'y coller toi à changer cette roue de merde ! Je fais ce que je peux moi putain ! Fait chier !

Carmen désolée - C'est un cauchemar

Cruella - Je crois que je vais pleurer…

Porthos - Ben vas-y chiale ! C'est clair que ça arrangera tout !

L'Abbé – Les gars … Ca va aller…

Il est éreinté. Il tousse encore.

 

Acte II – Scène 2

L'Abbé part s'assoir dans la voiture, derrière le volant et tente de se reposer. Carmen et Cruella se collent l'une à l'autre pour se réchauffer. Porthos observe sans un mot le dernier boulon.

Cruella résignée - Je vais rappeler l'assureur tant pis

Carmen – Oui

Elle lui tend son téléphone.

Cruella - Je vais avoir l'air d'une conne… Et cette fois-ci, pas sûre qu'ils prennent en charge le déplacement…Fait chier…

Porthos semble prostré devant la roue, il grelotte, toujours dénudé.

Cruella directive - Met ton manteau maintenant. Allô ? Oui excusez-moi de vous déranger, je vous ai demandé tout à l'heure un dépannage pour un changement de roue et je l'ai annulé il y a 20 minutes… Sauf qu'on ne parvient absolument pas à …

Une voix - Ok, ok calmez-vous Madame. Je vous envoie encore la dépanneuse, mais cette fois-ci Madame, s'il vous plaît, je vous en prie, ne nous rappelez pas. C'est compris ?

Cruella - Oui.

Cruella raccroche et rapporte la conversation à Porthos et Carmen. Elle pense avec tristesse au pauvre dépanneur qui avait dû rejoindre son lit encore chaud et qui était obligé de repartir à cause d'eux. Porthos met son manteau tandis qu'une camionnette de la gendarmerie s'arrête devant la pompe à essence d'à côté. Un gendarme descend du véhicule, fait le plein d'essence.

Carmen -  Ils vont venir nous voir c'est obligé

Cruella - Oui c'est leur travail, s'assurer que tout va bien…

Carmen toque au carreau de la voiture et fait signe à l'Abbé qui comprend alors la situation.

Cruella - En plus, un abbé, un mousquetaire, Carmen et Cruella en rade sur le bord de la route, y a de quoi se demander…Vous avez vu la dégaine qu'on a… 

Les gendarmes repartent sans leur prêter attention. Les quatre amis sont stupéfaits. L'Abbé sort de la voiture, fait quelques étirements. Carmen et Cruella se réfugient dans le véhicule, gelées. Les garçons piétinent dehors et tentent de se réchauffer comme ils peuvent. Ils partagent la couverture de survie. Les quatre amis rient de la situation. Carmen prend les garçons en photo avec son téléphone portable. 

Acte III

6h00 du matin. Enfin une dépanneuse ralentit et rejoint la station essence. Un homme portant un gilet jaune en descend et demande gaiment :

Le dépanneur -  Alors on est en panne ? 

Il semble détendu et aucunement rancunier d'avoir été tiré de son lit. Cruella est soulagée de voir l'homme amical et nullement contrarié par l'heure. Porthos lui explique toute l'histoire, jusqu'au boulon antivol. Le dépanneur ne s'étonne pas de voir les déguisements des quatre amis.

Le dépanneur -  Ah mais vous devez avoir un embout dans la voiture pour décoincer ce boulon !

Il sourit.

Le dépanneur -  En général c'est dans la boîte à gants, vous avez pas regardé ?

Porthos – Si… Enfin … Non...Je sais plus…

Cruella - Avouez que changer une roue sur cette voiture c'est un peu la carte au trésor !

Carmen - Et qu'une femme seule est incapable d'y arriver !

Cruella– D'abord faut trouver la manivelle qui est dans une cachette du coffre, ensuite faut réussir à ouvrir le boitier qui contient le cric et enfin dénicher l'embout anti-vol pour enlever un pauvre boulon ! C'est quand même pas croyable !

L'Abbé tousse.

Le dépanneur - Oui c'est vrai que c'est pas évident. Je vous avoue que sur d'autres modèles de voiture, c'est bien plus simple…

Il déniche l'antivol et change la roue en une minute.

Le dépanneur - Voilà c'est réparé, et bien bonne route à vous !

Tous en chœur - Merci, merci, vraiment merci !

La dépanneuse s'éloigne, les amis reprennent leur route avec comme seule hâte, celle de rejoindre leur gîte et dormir quelques misérables heures. Et tandis qu'au loin, l'aurore  commence à cracher quelques nuances bleutées dans tout le noir de cette nuit cauchemardesque, la bonne humeur et les rires retrouvent soudainement Porthos, Cruella, Carmen et l'Abbé. Malgré les tensions apparues entre eux, leur amitié repend le dessus et efface les mots maladroits et les cris. Heureux d'avoir échappé enfin à ces péripéties mécaniques, ils arrivent au gîte, leurs déguisements effeuillés, certains morceaux de vêtements éparpillés dans la voiture, les maquillages brouillés, les perruques de biais. Carmen et Cruella, le sourire exagéré, parviennent à mendier quelques heures de sommeil en plus au réceptionniste compréhensif. Ils arrivent dans leur appartement, se souhaitent à peine « bonne nuit » tant la qualification semble ironique, et se faufilent dans leur chambre.

Seule dans la salle de bain, Cruella retire avec un morceau de coton la couche carmin qui couvre ses lèvres. Puis elle ôte sa perruque, découvrant ses cheveux blonds. Les mains posées de chaque côté du lavabo, elle expire longuement face à son reflet.

« Putain ce que j'aime ces gens … » pense-t-elle en souriant. Puis, rejoignant une chambre, elle glisse doucement dans la pièce obscure, retire sa robe noire et ses bas-résille, se coule dans le lit chaud et se blottit contre le corps de Porthos endormi.

« …Et toi aussi je t'aime » chuchota-t-elle.

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