Petit lézard

Olivier Memling

Petit lézard dis moi qu'ils ont repris pour moi

les noirs immaculés des cabarets en liesse

ce vieux blues déchirant où s'appuie ma détresse

petit lézard que de part et d'autre du toit

il y a des oiseaux qui meurent par centaines

et que toujours un homme a étranglé sa peine

Dis moi que les signaux sont rouges dans les rues

et que la terre tourne encore un peu moins vite

depuis qu'il est certain que nous, nous n'aimons plus

qu'on ne martyrise les guitares qu'en rêve

et qu'on n'écorche plus lorsque le jour se lève

Espoir dis moi qu'elle a des crevasses au cœur

et des lèvres gercées demandant en sourdine

le retour calcinant des langues javelines

et que la Seine a licencié ses promeneurs

Petit lézard dis moi que l’autre n'ira pas

dénoncer le passé revenir à nos choses

dorloter du regard la maison vieille et rose

rue des Chanoinesses et prise à d'autres bras

Petit lézard dis moi que la pluie fripe l'eau

et qu'au‑delà des ponts on crie des pantomimes

au petit jour fluvial des aubes anonymes

que les alcools fauves tuent le goût de sa peau

Petit lézard dis moi dis moi que j'oublierai

dans leurs mains ferventes que le plaisir affine

et que si la nuit craque aux douleurs aquilines

il reste les matins qu'épousent les cyprès

Petit lézard dis moi les blanches fleurs d'orties

dis moi que j'oublierai par cette odeur de terre

qui couve entre leurs seins, par leurs corps incendiaires

ces poings d'argile rouge en ma gorge de vie

Petit lézard dis moi petit lézard dis moi

petit lézard ta queue me reste entre les doigts

tandis que tu t'en vas petit lézard tout froid

que je questionne encore espoir mince et calleux

dans la rue de minuit tes restes vénéneux

il s'est mis à pleuvoir. Sur mon visage il pleut

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