petites chroniques ordinaires de métro
odette34
La grandeur et la violence sont toujours latentes en Amérique, tout s’y consume vite.
Henri Cartier Bresson – 1947.
Petites chroniques ordinaires de métro
Mémé pourrie
Ce matin, j’ai la tête dans le cul. J’ai super mal dormi. J’ai fait des cauchemars, je suis hyper crevée, j’ai toutes les cellules et micro cellules de tout mon corps ratatinées au fond de mes chaussures, du coup j’arrive plus trop à avancer, j’ai les pieds lourds. Ca commence aux cuisses, elles sont dures et lourdes et mes pieds sont en ciment. Je suis triste, je ne vois plus rien, j’ai les cheveux dans le même état que moi, totalement incoiffables, moches et raides, tristes et qui tombent, une tignasse filasse qui me tombe partout et me cache le visage. Je veux pas y aller maman à la boîte aux moules moules moules les gens sont pas gentils maman et moches et gris. Je veux pas y aller je crois que je vais faire un meurtre mais quand je serai remise. Pour l’instant c’est moi que je vais tuer, je vais sauter sur la voie, hop ni vu ni connu. Comme ça j’irai à l’hôpital, je pourrai dormir sans fin et un beau garçon viendra me caresser tendrement tout chaud et qui sent bon la savonnette….après il me bercera dans ses gros bras velus et doux et je dormirai paisiblement jusqu’à plus en avoir besoin. Mais là, je peux plus. Je veux plus, j’ai pas envie maman….Ah ben je peux pas sauter ya des vitres qui m’en empêchent, faudrait déjà que je les escalade et là, ben c’est trop me demander. En plus imagine, la tête des gens si j’escalade. Et puis je mettrai 3 plombes, ça glisse ce putain de truc, ça se voit à l’œil nu. Fffhhhh je suis fatiguée. Je peux pas escalader alors je peux pas sauter c’est nul. Ca fait chier, c’est vraiment contrariant tout ça, comme si j’avais besoin d’être contrariée, merde. Le voilà qui arrive du bout de son tunnel, embarquant avec lui une bourrasque de vent mauvais. Imagine un jour que ce soit coloré, ce vent mauvais, on le verrait s’abattre sur nous, en violet ou en vert, et on prendrait conscience jusqu’où on s’en prend plein les naseaux. Et là je te dis pas, tôlé général, ça gueulerait ohlala ! Plus personne ne le prendrait le métro, il y en a même un, celui qui envahit nos écrans télé depuis x, ce petit condescendant, plein de tics, insupportable….il interdirait aux gens de le prendre ! Sous peine de tout faire sauter. Enfin non, d’enfermer ceux qui résistent. Il aime bien les décisions à l’emporte pièce et péremptoires de petit chef stakhanoviste. Mais je m’égare. Il arrive, sans vent violet, avec juste l’odeur mais pas le courant d’air parce que les vitres protectrices sont là. Elles protègent du vent mauvais et des idées d’escalade. Parce que quand on est fatigué on peut pas escalader et sauter et voilà, comme ça tout le monde est tranquille et vrraaaaoum ça continue ça rentre et ça repart et ça continue inlassablement sauf la nuit, quand il fait doux et que tout le monde s’avachit chez soi. Les portes s’ouvrent, clâc, clic, bzzzzzzzt et les autres portes et on s’engouffre en se bousculant. Faudrait quand-même pas qu’il y en ait un qui rentre avant moi merde ! Ah ben là en bousculant je suis sûre de mon coup, tiens, na. Je suis prête, je vais leur foutre la pâtée à ces cons aujourd’hui. Connasse. Avec tes bottes marron et tes cheveux en mèche, t’as l’air de rien juste portée par ton air supérieur. Je vais la trouver ta faiblesse. Chuis bête elle est là devant moi toute entière, c’est qu’elle est si commune. Je me suis laissée bousculer, j’avais pas envie maman. Du coup ils m’ont porté dedans et j’avais pas décidé mais les autres décident pour toi bien souvent, alors me voilà. Là dedans, ballotée comme un sac à merde que je suis ce matin…une station deux stations, l’est pas fatigué lui, ah ça non. Pas comme moi. Il avance drôlement vite dis donc, à ce rythme là je vais être devant la porte en moins de deux. Oôôôôô maman je veux pas y aller. Je suis de plus en plus fatiguée et ça ballotte, vrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrraaaaaah ! Ils me bousculent, mais pas vers la sortie, héhé, c’est que je me suis accrochée à la barre du milieu, pas folle la guêpe. Voilà ça y est j’y suis. Je veux mourir. Et je dois descendre c’est mon tour. Je me suis mise en position dehors dans 1minutes moins 30 secondes moins 29,28, ayé, je gêne et là je me fais embarquer sur le quai pour de bon. Pâf j’y suis. Merde. Je sais pas comment j’ai fait pour être là, pourtant mes jambes sont si lourdes, et je suis si grise. Faut que je bouge. Ca dure pas longtemps, et je me trouve pataude en plein milieu du quai désert, avec cette mamie à côté de moi. Elle est rabougrie ratatinée, comme une vieille pomme bio et sale. Parce que si, je suis désolée mais les pommes bio elles sont sales et dégueulasses et moi j’emmerde les bios je mangerai pas cette merde.
Elle est rebutante cette veille, et puis me voilà partie à me dire que quand même : je finirai comme ça moi aussi un jour ? Merde ohlala, ayé je suis prise. Elle a des grandes lunettes rondes et crasses, on dirait qu’elle les a piquées à John Lennon, c’est dingue. Si ça se trouve elle descend tout juste de l’Eurostar ? J’ai l’air torve et glauque, elle est plus petite que moi, avec plein de manteaux par-dessus on dirait Carmen Cru, alors je la toise, c’est facile. Mais je la toise torve et j’ai pas beaucoup de temps avant qu’elle ouvre la bouche. Elle parle. Non, elle gémit. C’est dingue ça, elle, elle gémit sans vergogne alors que moi je me retiens depuis des jours et des jours, non mais quelle indécence. Ce laissé aller, ce sans gêne, j’en suis estomaquée. Comment se fait-il que certains se répandent quand moi je retiens tout à en avoir les cellules ratatinées au fond de mes orteils ? Mais quelle liberté ! Quel…oh j’en suis baba de colère ! Mais elle gémit en parlant, je comprends rien, rhâ fait chier faut que j’écoute, je comprends rien. Je dois me pencher, ouvrir mes oreilles bouchées. Elle me demande un truc on dirait. Je suis perplexe, je sais pas. Elle a un air de ma grand-mère. Et voilà tout à coup ma grand-mère devant moi, ratatinée en fin de vie, qui arrive du fond de son jardin avec son seau à légumes, qui dodeline sur ses pattes courtes….ses cheveux gris parsemés et propres, son couteau plein de terre à la main….cette face de lune ronde. Ses robes crades du jardin et ses godasses qui ressemblent à des bottes coupées taille quarante douze qui puent…qui puent, mais c’est l’autre qui pue là. C’est pas la même chose, ça sent le fromage qui stagne entre les orteils quand on les lave pas et que ça fait des boulettes collantes et grises….ça pue le plastique toilé transpiré. Et les dessous de bras qui feutrent. Elle me cause elle gémit, fait chier je sais pas, je suis fatiguée, lâche moi mamie, je suis seule sur ce quai, personne te parle. Pourquoi moi ? POURQUOI MOI ? Mais merde dégage morue. Pffffhh. Voilà je m’arrête, je suis une provinciale et je le serai toujours, ça se voit sur ma gueule, il me reste un cœur et c’est si rare que ça se voit, se sent, se renifle. Je deviens ramasse merde du coup. Me manque un œil de poisson mort, va falloir que je m’en procure un fissa pour être tranquille comme les autres gris, là. Elle veut un renseignement. Tout d’un coup je revois mon cauchemar de cette nuit c’était elle. J’ai peur soudain, peur et je tremble en dedans, j’ai les yeux comme des soucoupes. Je lui dis non, je veux partir le plus vite possible, cette sorcière veut me bouffer je le sens. Faut que je me tire mais ma compassion me tire la tête en arrière et ma tête et ma peau en avant, je suis empêtrée entre les deux comme toujours. Je lui montre la paume de mes mains en signe d’abandon, je ne peux rien faire d’autre, même pas crier me débattre la gifler, je ne peux rien faire. Mon âme montre le contraire de ce que mon corps présente. Ca trompe tout le monde, et moi avec. Elle m’agrippe d’un coup ! Ses doigts de sorcière plantés dans la paume de mes mains blanches et propres ! Profondément avec haine et folie ! Ses ongles ! Pointus ! Sales ! Jaunes ! Crades ! Elle crie, elle hurle ! J’ai peur je me débats et ses ongles me râclent la peau après avoir fais des trous dedans. Je la pousse violemment, enfin je me décide, je l’envoie bouler et je monte les escaliers quatre à quatre. Quelle énergie d’un coup ! Je fonce dehors je respire fort, je regarde mes mains qui saignent. C’est affreux j’ai cru que j’allais mourir, je fonce tout droit, je vais à la pharmacie du coin. Je les connais, elles vendent que des trucs chers dans ce coin. J’ai des yeux de lapin terrifié. Je montre mes mains, j’ai les cheveux collés de peur, j’ai une belle tête ! La tête des beaux jours, peux pas mieux faire. La dame me sauve la vie, elle me soigne les mains, elle nettoie bien bien, elle met des sparadraps, je raconte mon histoire. Mais….je ne pleure pas. En dedans je me suis pris une bombe dans la tête, mes entrailles sont en vrac et au vent, je dégouline de peur et de terreur, je suis morte de fatigue. Mais non, personne ne saura. Je sors. Je dois marcher jusqu’au bureau, je sens mon corps qui tremble, mes pieds qui ne sont même plus lourds, je ne les sens plus, je marche sur des moignons de jambes. J’arrive chez les méchants maman. Il est là qui me voit ma tête de princesse des poubelles….et me demande ce qui ne va pas, avec cette douceur dans son regard. C’est vraiment le seul qui me remarque, ces chez gens là, un homme, un être humain, normal, avec des yeux et avec un cœur, une attention, une âme…il est étonnant ici, forcément tout le monde l’aime, avec ses cheveux noirs en bataille et son regard chaud….il est grand, il est là, on sent qu’il est toujours là, qu’il l’a toujours été et qu’il le sera toujours, l’indéfectible. Sa constante bienveillance, juste en me regardant j’ai l’impression qu’il pose sa grande et douce main sur mes cheveux et me prend dans ses bras, qu’il me berce et m’entoure. Je fonds en larme. Enfin.
Blic black
Chuis à la bourre, chuis à la bourre, faut que je courre, je l’entends qui arrive, rhââââ je vais me casser la gueule dans les escaliers, ça glisse ! Mes godasses me serrent, ouhla. Moi je suis plus à l’aise dans mes baskets ferrari qui courent tous seuls, je n’aime pas faire la fille, ça fait mal aux pieds et c’est archi pas pratique pour courir, là. Zoup je le chope au vol, ça couine, ça se referme sur les pans de mon manteau….blanc. Eh bien me croirez - vous si vous voulez le manteau, nickel, il reste blanc. Et si. Je sais que vous ne me croyez pas et dans le fond je m’en moque. Les mots sont là pour ça ils dansent et on leur fait dire ce qu’on veut. Adonc mon manteau blanc reste blanc, immaculé, et toc. Mais je dois rester debout, je suis coincée dans la porte. La bienséance parisienne me dicte de rester digne coincée dans la portière et je pense à cette chanson que je chantais petite pour emmerder mon père : le prophète Isaïe le prophète Isaïe le prophète Isaïe, disait à ses amis disait à ses amis disait à ses amis : depuis plus de 4000 ans j’ai les poils du cul coincés dans la portièèère depuis plus de 4000 ans, talalatatalaltatalla. Je dois rester digne, Paris me l’inflige. Mais le rire aux larmes n’est pas loin, dans mon costume de représentation avec mes pieds gonflés comme 2 pastèques espagnoles... J’ai envie de tout envoyer bal dinguer, les godasses, le costume tout entier, arracher le manteau et le lui rendre, à ce con de métro. A cette bienséance que je subis qui n’est pas mienne, chienne de vie. Enfin, arrive Miromesnil. Là je me libère. Et puis c’est blanc, si je vous assure. Toujours aussi immaculé. Je vais m’avachir au fond, contre la porte, le cheveux en bataille avec une mèche dans l’œil… je m’étale un peu, digne mais humaine. Faut pas pousser. Et là, sur le strapontin, je sens un truc qui picote mes sens, ça me le fait des fois ça. Il y a une bombe, un black. De toutes façons sur cette ligne les faces de blettes sont plutôt rares. Noir, marron, jaune, tiens, un p’tit blanc, par ci par là, tout fade, avec des cernes violets, qui se détachent bien sur fond blafard, les yeux qui clignent qui sont crevés, on voit que ça quand ils sont blancs….ça se remarque moins sur une peau d’ébène. Là lui il est black, grand, si, même assis je m’en rends compte. Il a un corps athlétique et massif pourtant. Ses lèvres sont aussi noires que la peau de son visage et non plus claires, elles sont très bien dessinées, quelque part elles sont si fines, avec un tout petit ourlet plus foncé presque féminin. Il a de tous petits yeux très vifs. Il est beau, je le devine sous ses vêtements, avec un torse en tablettes, juste comme il faut, 2 ou 3 poils bien bouclés et l’odeur de sa peau qui me chavire d’avance. Elle m’attire, j’ai envie de la toucher, elle est lisse, parfaite, il n’a pas de cheveux et son crâne me roule sous les doigts….J’aime les nuances de sa peau, claire un peu sur le front, plus foncée sur les joues et près de son nez. Son torse est puissant, on peut y poser 2 têtes comme la mienne. Ses doigts me courent partout sur le corps, mon ventre tout blanc, mes grains de beauté se tortillent sous ses doigts de velours, il passe ses mains sur mon dos, ça me chauffe tout doucement, je me mets à respirer plus vite parce que ses mains me font un effet pas possible, j’ai envie qu’elles descendent plus bas, petit à petit et de plus en plus bas, juste là, et puis plus douces et délicates là où je veux qu’elles aillent, vite. Mais elles s’attardent sur mes fesses, et viennent sur mes seins. Il me souffle dans l’oreille le son de l’homme qui aime ce qu’il sent et qui est satisfait, c’est un grondement, un bruit de gorge tout chaud là-bas au fond. C’est dingue ça. Ses mains, je les regarde, je les scrute, son crâne, son torse…je suis frémissante contre la porte et me laisse bercer par les soubresauts qui accompagnent bien la cadence. Ca bouge, c’est tendre, c’est chouette. J’ai un peu chaud moi, pfffh, j’ai les joues roses un peu. Ca change du blanc, mais c’est les oreilles qui morflent en premier, ça me donne un petit air de bozo avec mon manteau blanc, j’en ai la tête toute retournée. Je quitte ses mains des yeux, quand-même, la bienséance, Clarence, la bienséance…ça redescend tout doucement comme un soufflé sorti du four, mais il refait froid tout d’un coup, j’aime moins. C’est sympa ce matin ce mec tout chaud contre mon corps, ça donne de l’entrain pour aller dans la vie, affronter les méchants tout gris…
Il y a plein de gens ici, dans ce métro tout bleu, ouhla dis donc, mais on est nombreux.
Et …… ah oui, ma sucette, mon bonbon, mon caramel est toujours là. Bien emballé dans sa petite chemise bleue clair avec de jolis tout petits boutons blanc nacre qui ne demandent qu’à sauter. Je le regarde de nouveau, ça me met du baume au cœur. Il est comme tout à l’heure, aussi beau et chaud et grand et réconfortant. Ca va mieux. Je vais me contenir, c’est dans ma nature, ma maman m’a toujours dit patati et patata….
Sa tête est lovée entre mes seins, je le prends je le cajole, il me les mordille, il est gourmand, ça me chatouille.
Ca sent bon la brioche au beurre tiens. Les petits matins chauds où on a pris son temps et où on va sous la douche toute ramollie et repue. Avec un peu de chances il me rejoint sous le jet d’eau chaude et on recommence, en se savonnant, ça glisse, on rigole, c’est bon.
Bon dieu j’ai parlé à voix haute ? J’ai déliré là ? Un sursaut, on a croisé un autre métro dans ce couloir étroit et la porte a claqué dans mon dos. Je suis avachie, le manteau ouvert, la tête un peu en arrière, la bouche entrouverte et les mains posées sur le bas du ventre….je me suis laissée aller ! Dans le métro ! La bienséance ! Meeeerde ! hihi, c’est drôle, les gens…font semblant…de rien voir, et moi c’est comme si je me réveillais, un filet de bave au coin de la bouche. Elle est belle bozo…je me reprends, je me recoiffe, je sens un truc qui me picote pour de vrai et je vois ses deux prunelles fixées sur moi. Ah.. Deux noisettes éclatantes, de petites pépites. Ses yeux remontent lentement puis viennent se planter dans ma rétine. Tchâck. Ca fait comment dire, ça m’enveloppe et m’excite à la fois. On sourit en fait. Je suis un peu gênée parce que je me dis que je me suis laissée allée quand-même la bienséance Clarence, et je ne sais pas trop s’il sourit ou rit. Je me redresse, je me rhabille un peu, je ne lâche pas ses pépites de mon regard. Il n’y a pas d’équivoque possible et de toute façon c’est trop tard. Je suis faite comme un rat ! Une rate. Il se lève. Il est vraiment grand. Son regard est doux et brillant, je me sens comme dans du coton. Les portes s’ouvrent, et je le suis sur le quai. Il me prend par la main, il met ses doigts dans les miens, me caresse le bras, me touche comme si j’étais en ivoire et moi je n’ose plus bouger, je crois même que j’ai arrêté de respirer…ça me fait ça des fois, quand je me transforme en poisson, comme là. Je tiens longtemps. Ca ne me gêne pas parce que le temps s’arrête. Il s’approche de moi, me sens, les joues, le cou, je penche ma tête pour lui faciliter la tâche, je sens son souffle chaud dans mes cheveux, je ne peux rien faire d’autre. Je sens son odeur, celle de sa peau mélangée à celle ténue du vieux cuir de sa veste légère et une lointaine odeur de parfum qui m’emmène loin…je suis ailleurs, il me hume. Je frémis, il continue de fourrer son nez dans mon cou, nos lèvres se touchent, puis nos dents parce que nous sourions comme deux grands benêts et on s’embrasse comme le font deux amants faits l’un pour l’autre. Entre deux stations entre deux métro entre deux vies. Le suivant ne va pas tarder, encore 40 secondes. 40 secondes qui s’arrêtent. Une pause enchantée un moment tendre, plein, on se sourit toujours, je remonte, comme ça… sa main s’attarde et glisse sur mon bras. Je repars, avec mon manteau, mes bottes, mes rêves... Les portes se referment et je repars, le cœur chaviré pour un instant, plein de bulles qui pétillent.
Eh merde
Ce matin il fait un froid de canard et c’est peu de le dire, je me souviens encore du temps qu’il faisait il n’y a pas si longtemps, ou j’allais m’allonger dans l’herbe, avec une brindille à la bouche et des milliers d’autres entassés comme moi. Heureux, le soleil qui cuit et on s’en fout c’est plus joli après. Bonjour au revoir le cancer. En même temps on avait le temps de fumer des joints sur les balcons chauffés de soleil, de rire en buvant dans des soirées sans fin, en philosophant sur des sujets aussi invraisemblables qu’inépuisables. Reprendre le volant dans un état second toutes vitres ouvertes et la bouche en joie. Il suffit de suivre la ligne blanche te de ne jamais passer la 4ème, tout doit bien se passer, j’en rigole encore. Et puis ça se gâte un peu et les jours raccourcissent, et puis arrive octobre à pas feutrés, on a rien vu venir. Ce matin, le courant d’air dans les couloirs du métro et sur le quai est glacé, je suis cachée dans ma doudoune. Oui je sais il est tôt et je la porte déjà, mais il faut ne faut pas lutter trop tard contre ce froid du nord quand on vient du pays du soleil, là où poussent les oliviers. N’en dépassent que peu de cheveux et mon nez rouge, irrité, qui coule de l’eau. Ma peau n’aime pas ce temps, elle se plisse et fait des boutons, des petites plaies qui manifestent leur mécontentement comme elles peuvent. Toute la peau de mon visage est consternée d’être ainsi quotidiennement agressée. Elle est en parfaite harmonie avec ce que mon cerveau lui envoie comme éléments négatifs. Je suis en colère en permanence, les gens m’agressent, s’agressent les uns les autres, il faut courir pour rattraper le temps parce que ce matin on a traîné sous la couette pour conjurer le mauvais temps. Après il faut courir pour rattraper, et tout le monde a fait la même chose. Les gens se choquent et s’entrechoquent. Personne ne dit plus ni bonjour ni merci ni surtout pardon, pardon de vous avoir par mégarde poussé sur les voies. Ah zut désolé, ça va encore nous retarder cette affaire. Non, pardon de vous avoir jeté la porte à la figure, celle qui a des armatures en métal et pèse un âne mort, dont la porte en verre triple épaisseur menace de sortir de ses gonds à tout instant. Ca fait 1000 ans que cette vitre menace de tomber par terre et qu’elle ne tombe jamais, 1000 ans qu’on se l’envoie dans la gueule sans moufter. Et je la retiens tu vois, DE RIEN MERCI TROU DU CUL ET BONNE JOURNEE. Elle est lourde, le vent glacé, le métro tarde il est bondé, bondé. Il ne tarde pas en réalité mais on a ces foutues 5 minutes de retard de toute manière, ce serait bien qu’il les rattrape mais rien à faire il est réglé comme une horloge et se fout pas mal de votre réveil difficile. Vous aviez froid le nez qui coule et le voilà plein à craquer, il y fait une chaleur étouffante, suffocante. L’écart entre ce froid polaire et cette chaleur artificielle est saisissant. Ca colle sous les aisselles et dans le cou, ça pue tout autour, les écharpes nouées pleines de vieille sueur réchauffée pas lavée – moi je m’en prends plein les esgourdes je suis petite et à bonne hauteur, misère. Je bouffe les cheveux de cette folle qui a fait boucler ses cheveux crépus archi volume, avec plein de produits qui pue dedans, ça brille c’est toc bling bling et j’en ai plein la tronche. J’ai de la peine à respirer, je me dis et si je m’évanouissais hein, d’un coup et on en parlerait plus, mais mon petit organisme lutte depuis si longtemps ce bon petit soldat ne me lâche jamais. Derrière moi ce type force comme un malade j’ai l’impression d’avoir sa main collée sur mes fesses, son sexe en érection dans ma doudoune. Puis il y a l’autre, un gars énorme, grand, gigantesque, appuyé sur la barre, il se tient avec sa main par derrière, je ne vois qu’elle. Elle a la taille de ma planche à découper…Sa main…imagine que je le pince et qu’il m’emplâtre j’en aurai la mâchoire toute déformée. Je crois que sa main est bien plus grande que ma figure, c’est impressionnant. Mais du coup je suis en colère et emmerdée c’est vrai la façon dont il s’accroche à la barre eh bien ça ne laisse la place à personne de s’y accrocher avec lui. Mais ma main est assez petite et puis je m’en fiche aussi un peu, merde, je la glisse contre son dos et m’agrippe tant bien que mal à la barre. Bling blang. J’ai un peu peur mais je me dis avec un bon sourire peut-être j’éviterai une fracture de la mâchoire. Hein ? Oui hein. Pfffh je me calme un peu. Je sens la chaleur de son dos sur le dos de ma main, une chaleur animale. Il a enlevé son blouson qu’il tient à la main, heureusement pour lui sinon il serait trempé de la tête aux pieds et bon pour une pneumonie à la sortie….vu cette chaleur qui se répand sur le dos de ma main j’imagine les goutes de sueur dans son dos, perler sur sa colonne vertébrale, comme Manu après l’amour. Le mouvement du métro rapproche plus ou moins et accidentellement cette chaleur de ma main. J’aime ce qui s’en dégage, c’est rassurant, avec sa tête de taureau, c’est moi qu’il a pris sous son aile, je peux tout lui demander. Je souris moi, la vie est belle, j’ai un gladiator pour moi toute seule, na. Puis il décale sa main et je vois ses doigts, longs et épais, qui se finissent par des ongles énormes. Enormes. Chaque ongle est comme une plate forme, même celui du petit doigt. Sur l’ongle de son petit doigt on en met 4 du mien…au moins, alors sur l’ongle de son pouce…je peux m’y coucher. Ses doigts et ses ongles sont sales, pourtant, vu l’heure il est comme moi, il se lève. Cet homme travaille sur des chantiers, les fines particules volantes de plâtre sont venues se loger dans tous les interstices de sa peau et lui niquent l’épiderme. Ca le lui épaissit aussi, c’est pour ça. Ce soir il sera fatigué et replié sur lui-même après avoir trimé sur son chantier. Sa tête de taureau retombera sur le col de son édredon. En polonais pas déclaré et il retournera au fin fond de la ligne, dans son petit appart avec sa femme qui aura passé sa journée à chercher quelque chose de pas trop cher et de roboratif pour se tenir chaud, des patates. Elle, elle ne parle pas français et lui a commencé il y a si peu de temps qu’il fait seulement ce qu’on lui aboie dessus. S’il lui arrive quelque chose on ne pourra pas l’emmener à l’hôpital parce qu’il n’est pas déclaré, c’est assez ennuyeux mais bon, en attendant c’est pas cher. Son gros patron libidineux et gras, ce mafieux à cigare et cheveux gominés s’en cogne. Gominés et chauve, c’est dire. Des Igor il en connaît plein, de toutes façons dans le domaine c’est presque légal. On les emmerde ces cons de bureaucrates et Igor s’il était pas là il serait encore plus dans la merde alors. C’est un sauveur ! Lui au moins il s’occupe des classes défavorisées, c’est pas comme tout ceux là qui passent à la télé, ces ronds de cuir nés avec une cuillère en argent dans la bouche qui n’y connaissent rien. Allez, grouille ducon, faut finir les fondations pour demain. Ouais c’est la moitié du temps qu’il faut pour le faire et alors ? Si t’es pas content retourne en Pologne. Non mais dans quel monde on vit ? Il y a du boulot personne ne veut le faire, tout le monde se plaint et ya pas un branleur pour se la secouer ! Et les autres qui pérorent à la télé et qui foutent rien pour arranger ça. Y a que moi qui bosse ici. Pfhâ ! Il crache un morceau de cigare plein de salive. N’empêche, mon polonais, c’est mon arbre ce matin, mon baobab dans cette mer de gens entassés et hostiles…il descend subitement. Comme ça sans prévenir ! Et voilà c’est toujours pareil, je suis juste en train de me reposer que tout est à refaire. Il n’y a jamais aucun répit c’est fatigant. Ca descend ça monte ça recommence personne ne pipe mot et personne ne se connaît ou reconnaît ! Igor est parti ! Je ne le reverrai jamais ! Je ne pourrai jamais aller le voir lui et sa femme et ses amis, boire un thé brûlant et rire avec eux au coin d’un feu dans un terrain quelque part je m’en fiche. Ces gens me manquent et je les aime. J’ai tant besoin d’eux, de ces familles, ces petites bulles à part. Des gens qui n’ont rien et qui sont tellement riches. Je n’en peux plus de ces cloques que je côtoie qui sont vides et pourtant avides de valeurs qu’elles n’ont pas et n’auront jamais. Ca ne s’achète pas, ça ne se trouve pas, c’est inné et c’est comme ça et c’est ce qui en fait un bien si précieux. C’est plus précieux que tout autre chose, ce sont les seules valeurs qui me font vivre et vibrer. Après on fait comme on peut comme les autres dans cette jungle pour défendre ces valeurs fragiles, sans heurter ceux qui ne comprennent pas. Ca ne marche pas comme ça, ça ne rapporte pas d’argent ces choses là alors quel intérêt de les cultiver ? Je te demande un peu. Bientôt ce sera mon tour de descendre, parce qu’il est déjà plus de 9 heures…je vais retourner affronter ce froid polaire et glacial. Igor est plus là ni même sa femme ni ses amis que je ne connaitrai jamais. Je partirai jamais avec eux chez eux pour qu’ils me fassent voir et connaître tout ça, ces nouveaux sons et ces odeurs inconnues…ces couleurs. Quand il rentrera ce soir je serai encore assise au bureau à régler ces problèmes existentiels de publicitaires égocentriques. Au fait, je commence mon nouveau boulot, c’est pourquoi je suis là si tôt brinqueballée comme les autres. Comme tout le monde. A 9 heures…Eh merde.
Ligne 13
J’en ai marre, mais j’en ai marre…de nouveau sur ce quai à attendre toujours le même métro quasiment à la même heure avec rien qui bouge jamais jamais. Parfois je reconnais même des visages, il faut tout de même le faire, en même temps ça devient familier, mais si on était ailleurs sur un quai plein de sable avec des palmiers et le temps de s’en griller une gentiment, je suis sûre aussi que nous échangerions quelques sourires. Mais là non. Alors c’est encore plus triste et chiant en définitive. 6 mois, 6 mois à faire ce trajet dans ce métro, cette ligne bizarre qui ne fonctionne jamais. C’est à se demander, sans faire d’excès de paranoïa, si ce n’est pas fait exprès pour emmerder ces gens de la banlieue nord, ceux qui galèrent déjà à peine le pied posé par terre. Comme si cette ligne de métro était la messagère d’un état qui ne veut plus d’eux. Plus de nous. On se sent comme abandonné, même pire, poussé dehors. Quand on y réfléchit le message est assez violent, mais réel. On ne le sait pas quand on ne la subit pas. On est puni de ne pas avoir assez d’argent pour vivre là où il se devrait. Des vaches, des bœufs…des bêtes qui vont travailler. Enfin ce matin ce sont plutôt les sardines…avec les ouïes écrasées contre les vitres, les yeux sortis de leurs orbites tant ils sont aplatis les uns contre les autres. Un gros filet à poiscaille qui défile dans le tunnel, vroooum cloc…Pas la peine d’essayer de se tenir à quoi que ce soit on tient tout seul. J’ai eu la bonne idée de laisser passer le premier filet, merde chuis pas un mérou moi, puis du coup je suis restée comme une cloche sur ce quai à attraper une angine, dans les courants d’air, et le prochain qui n’arrivait jamais. Parce que des fois ça marche quand-même, on laisse passer les imbéciles et le suivant est vide. Ben non. Et je me retourne. Et qui je vois derrière moi ? Un type à la face rouge écarlate qui rigole dans mon dos, imprimé en quadri sur son affichette et qui claironne fièrement « je suis le responsable de cette ligne ». Aaaaaaaaaah bon ? Parce qu’il y a un responsable ? Un mec payé pour que ça tourne vinaigre comme ça tous les jours aux heures de pointe ? C’est un métier ? Et avec toutes les réunions que je me suis tapée au collège pour parler de mon orientation, on ne m’en a jamais parlé de ça ! On m’a menti ! On m’a jamais dit que je pourrai devenir manifestement largement alcoolique responsable d’un tel bazar. Eh bien, je le dis, j’ai un grief immense à ce moment là contre l’éducation nationale, qui m’a spoliée. Largement même et dans tout les sens. C’est dégueulasse. Va falloir que je lui rende une petite visite à cet homme là. Tout de même, je suis quasi certaine que personne n’ose. Eh bien qu’à cela ne tienne, je vais organiser un comité de voyageurs pour aller le voir dans son bureau, ça doit bien pouvoir se faire. Ca doit bien pouvoir s’organiser. On amène des bouteilles de champ, on tape la causette, on lui casse la gueule. D’abord en finesse le truc, puis ça monte, moi je m’énerve pas, je m’énerve jamais. Mais après on laisse monter cette colère froide et sourde, jusqu’en haut elle me chatouille les synapses qui se gondolent et palpitent et d’un coup ça donne une claque. Directe, froide. Efficace. On ne la voit pas venir. Les yeux s’agrandissent de stupeur en face, d’autant que de mon côté ça reste assez éteint au niveau du regard et même du corps. Mais ma violence est décuplée. Et surprenante on dirait bien. Oui mais fallait pas me chercher. Je suis super gentille, au début. Il se redresse trop vite et moi là-haut ça se gondole encore. Je recommence. Avec le plat de la main. Pâf. On est nombreux, c’est pas moi qui l’impressionne, oh ça non, mais on a tous des têtes de mérous fatigués et prêts à tout. Alors il se rebiffe, recoiffe la mèche qui a volé sur son oreille et qui jusque là cachait sa calvitie. C’est encore pire que d’avoir à affronter des claques bien nettes, c’est comme perdre sa dignité même..sa virilité et en public. Les hommes ont un problème avec leurs cheveux. On les préfère avec un crâne bien net plutôt qu’avec des mèches vieillissantes et ils s’obstinent à garder ces quelques malheureuses et pathétiques fibres au sommet de leur crâne. What a pity. Bref, celui-ci vient de perdre, quelque chose proportionnellement d’aussi grand que la taille de sa mèche et ce qu’elle représentait. Pourquoi l’avoir laissé pousser ? On dirait un dessin animé presque, tant il est ….hors de tout, avec ce truc. L’est mieux avec son porte avion à découvert. Il m’attendrirait presque. C’est que je suis une grande sensible moi. Un détail de ce genre et me voilà moche comme une chiffe et réduite à néant. Mais je n’ai pas oublié ce que j’endure, le filet à poisson, les angines à points blancs. Non je n’ai rien oublié. Je veux des réponses, je veux être libérée de ça, je veux qu’il le sache, je veux que chacun d’entre nous ne soit plus jamais traité comme ça. Je veux gagner, qu’il crache ses dents, qu’il se retrouve à courir tous les matins dans les transports et qu’il en bave autant que moi et encore plus longtemps que les autres. Certains ont des accidents de la route et se retrouvent tétra après avoir bu plus que de raison avant de prendre le volant et c’est cher payé, d’autres sont responsables de la ligne 13. Ainsi va la vie.
C’est dur mais fallait y penser avant, tout le monde le sait.
Ca m’a fait du bien cette petite diversion dans ce courant d’air glacé. Je monte triomphante dans le métro bondé, je pense à ma victoire, à cette face de poche écrabouillée sous sa mèche.
Je m’attache au poteau comme tout le monde, 11 stations, même pas mal, je suis prête.
Dans le sud
Bon dieu ce matin c’est la pleine forme, j’ai changé de quai, changé de ligne, changé de vie! C’est étonnant d’être si loin si près, ici les gens ne sont pas les mêmes que chez moi, c’est moins coloré, un peu plus empesé, propre, soigné…je suis aux antipodes de ma ligne du nord sale et crasseux mais coloré et jovial. Je suis chez les gens bien Madâme, de ceux qu’on voit à la télé, tous roses et bien mis, les fringues dernier cri mais pas au mode tapageur.
Il doit bien y avoir un homme, là, caché sous ce costard austère… Il me reluque avec ses yeux de merlan frit, je fais pas couleur locale. Il est à la fois curieux, intéressé et dédaigneux – ça donne un drôle de mélange, ce n’est pas inintéressant et comme je le reluque de même, il finit par tourner le regard, comme un paon qui me montre sa roue, rrrrrrrouu !
Je suis un peu comme au musée, je bade, regarde, ces gens ouatés qui ont le temps, manifestement, du personnel pour leur laver leur maison, leur faire leurs courses et peut-être même à manger ! Je louerai bien cette vie là moi, Mâdame, une fois de temps à autres et retourner chez les joviaux qui crachent par terre et partout et qui sont bien de chez moi.
Ici, on fait des enfants en les comptant et en faisant bien attention de pas dépasser, les enfants sont blonds, presque toujours et au départ, assis sagement dans leurs poussettes. De celles qui ne prennent pas de place parce qu’elles ont été conçues pour ne gêner personne dans le métro par exemple, dans une ville pleine à ras bord et qui court tout le temps.
Ces enfants là sont installés dans des poussettes dernier cri, conçues pour ne pas gêner les gens de ces lignes peu fréquentées, tandis que ceux de chez moi se débattent avec des tanks impliables, dans des lignes surplombées…mais, elles sont moins chères et abordables et d’occasion et puis c’est comme ça, on ne se balade pas avec des poussettes de bourges.
Les enfants sont moins sage, leurs parents crachent et font des enfants sans les compter avec de l’amour et de l’abandon, beaucoup. Qu’importe la suite du programme tant que le ventre grossi et la famille avec. L’homme s’en va en voir une autre, la maman de 20 ans est débordée et en veut tout de suite un 3ème c’est-à-dire qu’elle a manqué d’amour et ses enfants lui en apportent – c’est un peu gris partout et ces bébés roses ça met du baume au cœur. Rien ne peut remplacer ça, et vous comprenez rien ?
Là, tout est mesuré, les enfants sont déjà sages dans leur assise feutrée, confortable et ajustée.
On est bien ici, pas trop stressés, pas trop crachés… on pourrait même y habiter, ah oui, ce serait chouette.
Mais lorsque je suis sortie l’autre jour de cette bouche de métro opposée, j’ai vu une rue presque vide, des voitures grosses, souples et silencieuses, pas un cri, des magasins tout propres et rien qui dépassait. Des étoffes chères et peut-être même pas si bien coupées que ça, mais chères, retenues pour ces gens là. La rue était la même que chez moi mais en plus silencieux, en moins crasse et finalement en moins vivant. J’ai traversé hors des clous et on m’a regardé bizarrement. En plus le feu était rouge, j’ai cru qu’ils allaient s’évanouir. Ca m’a fichu le bourdon tout ça. Du coup je suis repartie là où c’est bien chez moi où je slalome entre les crachats et les déchets mais oui mais c’est chez moi. Il ya de la vie, ça se sent.
Et puis je retente quand-même, je suis là ce matin, je me suis échappée, évadée, oxygénée…on a de la place, les gens ne se sourient pas pour autant. La ville est là tout de même avec ses codes rigides et froids. C’est plus ou moins froid suivant où on se trouve ça peut même devenir assez chaud et finalement…je ne comprenais pas au début. De là où je viens on regarde les gens. Dans les yeux. Ca se fait. On se croise, on se regarde, on se sourit parfois des fois même on se parle, on a le temps d’où je viens, d’ou vous venez aussi. Alors je ne comprenais pas, je regardais comme avant, et puis certains ont pris ça pour une invite et je me suis fait suivre et coincer contre un mur glauque et sale. J’avais les yeux du lapin pris dans phares d’une voiture, sur un chemin de campagne caillouteux..de là où je viens. J’ai compris vite. Il faut regarder dans le vide ou par terre, rendre son regard insaisissable, lire. Lire, c’est le mieux, on est ailleurs ça permet aussi de respirer plus facilement. Et ça évite les gens qui te collent et te suivent en ayant imaginé que tu voulais ça, que tu voulais la leur bouffer. Non mais ça va pas non ? Il faut en sortir du tuyau aussi des fois, c’est pas si moche dehors et ça fait du bien aux neurones de respirer de l’air, un peu.
On comprend vite qu’il vaut mieux la boucler ne pas tenter quelque chose d’humain, rester sage dans son coin et partir le plus vite possible sans regarder derrière. Les enfants blonds ont l’air de l’avoir compris très tôt déjà sages dans leurs poussettes de luxe…ils se taisent déjà, sûrs d’eux, observent, encaissent. Tandis que les agités de la ligne d’en face s’éparpillent, crient, s’agitent et le resteront toute leur vie : les 2 mondes continueront de s’affronter, ceux qui crient et les autres en face qui les regardent avec mépris, ils ont appris tout petit. Ainsi va la vie..
J'ai tout lu et j'ai beaucoup aimé Odette. Ecriture fluide, énergique, humoristique. J'ai adoré le coup du mérou et des sardines. On entre dans la tête du personnage. On est dans le métro aussi. On comprend la personne. On se sent proche d'elle. Merci encore à Gisele pour ce joli partage.
· Il y a environ 14 ans ·bibine-poivron
Merci pour ces commentaires très encourageants. J'ai beaucoup hésité avant de tout mettre d'un coup, maintenant je comprends mieux le concept, je ferai plus court !!
· Il y a environ 14 ans ·J'aurais dû les mettre une par une...merci encore.
odette34
Oui, c'est trop long, dur de lire tout d'un coup! Mais promis, je reviendrai lire la suite, le début m'a mise en appétit! Merci Gisèle, merci Odette, et merci Brigitte d'être revenue!
· Il y a environ 14 ans ·ko0
Merci pour la recommandation Gisèle. @Brigitte, tu as raison, il y a comme du Céline, en moins glacé. Belle publication en tout cas, et évidemment, merci à Odette pour cela.
· Il y a environ 14 ans ·.
Merci Gisele pour ce joli partage. Très sympa. Odette, ce serait en effet sympa que vous puissiez découper votre texte en tranche de 10 pages pas plus sinon... quel dommage ! Les gens ne viendront pas forcément lire car sur l'ordi, c'est trop long. Je viendrai lire la suite demain. Promis. J'en suis à la page 12. A+ Odette et bravo. Quelle énergie dans les mots !
· Il y a environ 14 ans ·bibine-poivron
J'ai vraiment appréciée ces petites chroniques, le ton , le style, parfois quelque chose qui me fait penser à Louis Ferninand Destouches dit Céline. Mais je pense que tu aurais du scinder ton texte et le faire paraître petit à petit pour que nous savourions mieux les instants. Coup de coeur pour inciter à la lecture.
· Il y a environ 14 ans ·brigitte--2