Pigalle, la nuit.
noiprox
Ivre des premiers affres de cette soirée, mon corps désarticulé déambule sur le dancefloor au rythme endiablé de la musique électronique et des larges gorgées de whisky censées étancher mon abyssale soif d'excès. Ce soir, Pigalle a une odeur de sheitan. Comme souvent dans les boîtes privées du quartier, la température et les hormones sont poussées à leur maximum et une étouffante chaleur embrase l'air intérieur. Sur mon front perle une sueur délicatement alcoolisée, mon gosier commence déjà à s'assécher et c'est finalement mon être tout entier qui meurt, déshydraté.
Trop forte, la tentation me porte jusqu'au comptoir du bar. Mon corps est à l'agonie, réclamant un peu d'eau pour sa survie mais mon cerveau passé depuis longtemps en mode pilote alcoolique commande un nouveau mélange éthylique. Sans doute pour oublier que cela fait quelques semaines que je vis au grain de riz près et que je viens de dégainer généreusement ma Gold Mastercard pour payer à crédit 4 pauvres centilitres de whisky premier prix, noyés dans un fond de coca éventé. Les agios auront ma peau avant la cirrhose.
Sur la piste, des couples nés dans l'obscurité se promettent que leur amour verra la jour en mimant l'acte charnel. Parmi eux, mes amis qui ont repéré d'entrée les petites étudiantes étrangères fraîchement débarquées d'un bus Erasmus, venues flirter dans les nuits chaudes de la capitale. Je les rejoins, profitant de ce nouveau plongeon dans le néant pour m'allumer une guinze mais deux yeux globuleux attirent mon attention. En moins d'une seconde, une immense ombre se mit à charger, ne me laissant aucun répit pour esquiver. Tout ce que j'ai pu dire fut retenu contre moi. Aussi musclés furent-ils, mes arguments ne firent pas le poids face à la loi de la nature et le videur bodybuildé me jeta en pâture au peuple de la rue.
Damné, dans le froid. Mon taux d'ébriété a sérieusement diminué et il me faut rapidement trouver une activité si je ne veux pas patienter jusqu'au réveil des premiers métros. Je jette donc mon dévolu sur deux inconnues, proies fragiles et faciles perdues sur l'avenue des vils esprits et les aborde avec l'assurance du mec qui n'a rien à perdre. Le genre de mec sorti de nulle part balançant quelques bonnes répliques choisies au hasard et qui se félicite intérieurement d'avoir accroché une nouvelle proie. L'une des deux victimes esquisse en effet un sourire qui veut tout dire et me parle d'un petit bar. Je ne comprends rien mais quelque soit sa proposition, j'accepte : les nuits de Pigalle ne sont jamais finies...