Pivot

Je n'ai pas cru en la mort de Pivot, j'ai cru que c'était un canular, c'était écrit en tout petit sur une page de web, j'ai ignoré, et puis ma soeur m'a annoncé qu'il était mort. J'aimais bien Pivot, je rêvais de passer sur "Apostrophes", une amie a appris le français grâce à cette émission culte, ça ne m'étonne pas, c'était tellement "wahou". Que les amoureux de la langue française me pardonnent ce petit mot plein d'enthousiasme, il me réjouit, m'interpelle, m'apostrophe, me met en route pour une nouvelle journée. Pivot c'était l'espoir, j'aimais son regard, sa manière de parler aux gens, le foot aussi, une personnalité intègre, pas guindée, la culture avait de beaux jours avec lui, un livre était sûr d'exister quand Pivot l'aimait. Je regarde "La grande librairie" le mercredi, c'est mon goûter, un petit délice, mais cette émission me fait-elle autant d'effet qu' "Apostrophes"? Je ne crois pas car je n'ai plus ce désir de passer plus tard dans cette émission. Avec le temps qui est passé, je réalise que plus tard c'est maintenant et que je n'ai rien à apporter à la littérature. Le temps a passé sans que je puisse écrire une histoire, mon histoire peut-être, Pivot a vieilli, j'ai avancé en âge, la vieillesse me fait un peu peur. Peur des maladies, en fait. J'ignore de quoi est mort Pivot, pas envie de le savoir en fait, je le saurai peut-être en suivant les news à la télé. Lui qui était si bon vivant, pour qui un verre de vin était comme un bon livre... Lui qui aimait tant les mots tel un bon "gourmand", qui jouait encore au foot à l'âge adulte, il rajeunit les termes "institution", "académie", leur donne la légèreté d'une page, d'un souffle poétique.

Je n'ai rien à apporter à la littérature, à Pivot mais ceux-ci m'ont beaucoup apporté: mon amour des mots, de l'orthographe, et puis  des sentiments et des émotions, il y a dans certaines bibliothèques beaucoup de  livres que j'ai lus, mais existent-ils encore ces livres? N'y en a t-il pas qui sont passés au panier, parce que trop vieux, passés d'époque? Que dire de ces bouquins qui dorment ou meurent dans des cartons? Quel vide ils laissent! J'ai donné beaucoup de bouquins, aucun regret, j'ai fait des heureux j'espère. J'ai repris la lecture il n'y a pas très longtemps, cette dernière est un art, Pivot n'est pas mort, il vit entre les lignes d'un récit, d'une histoire, sautille de chapitre en chapitre , il est bien en vie, ne peut mourir.