Plateau Télé, pizza

Hervé Lénervé

Une émission culturelle télévisuelle, mais en direct.

-         Bonjour monsieur Lénervé ! je suis désolé, mais je n'ai pas eu le temps de lire vos ouvrages, vous connaissez, la frénésie journalistique ?

-         heu, non !

-         Peu importe ! Mes collaborateurs m'ont fait une fiche sur votre vie, vos vices, votre œuvre. D'où puisez-vous vos inspirations ?

-         Putain, il fait vachement chaud dans vos locos.

-         Oui ! ce sont les spots, mais nous sommes en direct, donc puisez-vous, votre inspiration parmi les grands écrivains classiques ?

-         Moi, j'enlève ma doudoune, on crève chez vous.

-         Mais faites, faites, vous êtes en effet, trop couvert par vos effets. Ah, mais vous êtes fin, finalement.

-         Je suis très frileux, c'est pour ça.

-         Ha, ha, la magie du direct, mais redevenons plus sérieux, je réitère ma question (je ne la récris pas, il suffit de la lire ci-dessus.)

-         Si, ce serait bien de la récrire, car je ne l'ai rien du tout comprite.

-         Je vois ici, sur mes notes, que vous seriez l'héritier de Georges Sand et d'Alexandre Dumas.

-         Je n'ai pas connu mes parents, mais je pensais que ma mère était plutôt une femme.

-         Ha, ha, la magie du direct ! Sinon, pensez-vous que vos livres seront édités en Pléiades.

-         Je ne m'y connais pas trop en qualité de papier.

-         Ha, ha, la magie du direct ! je lis sur mes tablettes que vos opus donnent un reflet subtil des sentiments de notre génération. Vous parlez souvent d'amour et de passion dans une progression dramatique qui entraîne tous les protagonistes dans les abysses de la noirceur de leurs âmes.

-         Bé, ce sont des polars pornographiques, quoi !

-         Ha, ha, quel esprit ! La magie du direct ! Vos héroïnes sont souvent de jeunes femmes fragiles cherchant désespérément leur destinée dans les méandres d'une vie devenue complexe où elles ne retrouvent pas une place stable.

-         Les strapontins, c'est pas fait pour les chiens. J'enlève mes chaussures, j'ai trop chaud aux pieds !

-         Faites, faites, mais je vous rappelle que nous sommes en direct, des milliers de téléspectateurs vous écoutent.

-         Il n'y a plus d'images à la télé ?

-         Si, si, bien sûr, c'était une image, regardez, monsieur Lénervé, ces gros trucs noirs, là ! ce ne sont pas des cafetières, mais des caméras, comprenez-vous ?

-         On ne peut plus avoir de café, alors ?

-         Ha, ha, la magie du direct, reprenons.

-         Je reprendrais bien, le truc que vous m'aviez servi dans la loge, c'était vachement fort !

-         Ha, ha ! Caustique, caustique, mais qu'entendez-vous par, je lis sur mes graffitis, « il n'est pas de hauteur chez un auteur sans largeur. » Qu'entendez-vous par cette phrase exactement ?

-         Un verre de vin blanc, alors ! Non ?

-         Je demande à mon assistante. Vos histoires se terminent toujours tragiquement, les héroïnes sont détruites, brisées par des machinations machiavéliques. Vous avez une vision très sombre de nos existences.

-         J'aime bien le Chablis, mais du gros rouge, ça le fait aussi. J'enlève mon pantalon, on ne peut pas ouvrir une fenêtre ?

-         Ha, ha, la magie du direct !  Bien, je lis sur mes torchons, d'un côté le bien, de l'autre le pas bien, une écriture dichotomique des paradigmes des destinées diluées dans une spirale d'un noir sidéral.

-         Je garde mon caleçon, pour la bienséance télévisuelle.

-         Faites, faites ! Pourrions-nous oser dire que votre philosophie de la vie est misanthrope et plus particulièrement misogyne.

-         Osez, osez, Joséphine ! Finalement, je le retire mon cal'çon.

-         Faites, faites, c'est la fête, ce soir ! Mais on me dit, que déjà le temps qui nous était imparti est écoulé et c'est à regret que nous nous devons de laisser Ma place à la météo publicitaire. Merci monsieur Lénervé pour tous ces éclaircissements détaillés sur votre écriture absconse et merci à vous tous, d'être restés fidèles à notre émission littéraire. Je vous dis au revoir et à la prochaine diffusion en direct, du moins, je l'espère. Au revoir, messieurs dames. Un dernier mot pour conclure monsieur Lénervé ?

-         B'soir !

-         C'est fini, nous ne sommes plus à l'antenne.

-         Je peux me rhabiller, alors ?

-          Vous auriez pu vous abstenir de bander.

-         C'est la chaleur !

-         Putain de putain de direct de merde !

Signaler ce texte