Poème

Elle aurait pu être une gentille petite fille dans la petite maison dans la prairie, elle est larguée dans la nature, seule au monde, sans église, sans maison. Elle vit au fond d'un pavillon de chasse abandonné dans une clairière, les promeneurs lui font différents dons, voler elle en est bien incapable, elle n'a pas été élevée comme ça. Son père et sa mère ne sont plus de ce monde, elle n'a plus qu'un frère qu'elle aperçoit en ville les jours de chance ou pour son malheur, elle n'a jamais bien su. Les autres jours elle traîne du côté du troquet des fois qu'elle rencontrerait un ancien camarade de classe qui lui ferait l'offrande d'un repas. Maquillée, bien vêtue, elle aurait pu divertir les gars du port qui trouvaient dans le troquet de la chaleur et du vin de quatre sous. Jamais personne ne l'appelle par son prénom, Poème, pour ne pas l'oublier elle l'écrit sur les vitres pleines de buée les jours de pluie. Une dame l'appelle "ma bonne enfant", c'est une bonne dame de l'église, qui veut la "récupérer" comme elle dit, la protéger du mal et du vice qu'elle voit partout. Mais Poème, sa mère lui a donné ce prénom car elle le trouvait tendre et délicat comme la peau de la petite à sa naissance, se méfie de ces bonnes femmes qui n'ont que les mots "pitié" et "rédemption" à la bouche. Elle préfère la compagnie des filles de l'estaminet qui lui offrent de l'amitié et la moitié d'un lit les nuits de grand froid. Le patron l'aime bien, il l'aurait bien prise comme fille de salle, mais la jeune fille refuse tout le temps, alors il lui donne une pomme et du pain qu'elle va manger dans la cuisine. Elle est bien un peu honteuse de son état, elle voudrait que ses parents soient encore en vie, qu'ils vivent tous ensemble comme avant quand ils étaient tous heureux. Son frère, un scélérat de première, n'a été que cruauté avec Poème, poussant celle-ci à s'enfuir, tant il l'a fait souffrir. Un jour elle prendra sa revanche, elle en est sûre, pendant longtemps elle a cru qu'il lui fallait de l'argent pour se venger or elle a compris à force de  ronger son frein que ce qu'il lui fallait c'était de vrais amis. 

(à suivre)