Punition

faustine

Il aurait pas dû, non, vraiment, il aurait pas dû...

L'autoroute est vachement dangereuse à cet endroit-là. D'ailleurs, c'est connu dans la région. Je sais pas pourquoi ce crétin a cru pouvoir nous dépasser, comme ça, avec son autocar plein de touristes. Nous, un 38 tonnes avé la remorque. Ç'aurait pas été grave s'il nous avait pas fait une queue de poisson. Mais voilà… l'avait pas la lumière à tous les étages… le salaud !

Tu peux dire que la Cibi a chauffé à blanc. Ça tombait bien, pour une fois qu'on était toute la bande sur la route. Tous chargés à mort. Et pas franchement de bonne humeur. La sanction a été immédiate. On s'est organisé fissa. Riton devant leur char avec le Volvo, Marco droit derrière avec son Berliet et nous juste à côté avec le Bussinger. C'est le plus limite, mais bon, c'était nous les offensés après tout. J'me marrais. On était comme à la parade. Un autocar pris en étau entre trois 38 tonnes… Ça masse ! J'étais un peu impressionnée quand même, c'était ma première fois. On a roulé comme ça un moment. Juste pour s'habituer. Vu qu'j'étais la seule gonzesse, je faisais coucou ! au chauffeur depuis la cabine pour le déconcentrer. Il croyait qu'il avait une touche l'enfoiré, y répondait avec des grands sourires…

Puis, d'un coup, Benny a donné le signal et on a tous éteint nos phares.

Surprise !

Nuit noire. Sans lune. T'aurais vu la panique là-dedans ! On était aux premières loges dis donc. Quand y z'ont capté qu'y s'passait quelque chose de zarbi, ceux qui dormaient pas ont réveillé les autres. Qui sortaient brutalement de leur brouillard. Ça s'est mis à hurler et à gesticuler de tous les côtés. On voyait les bouches ouvertes en grand à travers les vitres. Rigolo toutes ces mouches prisonnières. En plus y z'ont allumé leurs petites lumières de lecture ces nazes. Pour éblouir encore plus leur chauffeur tu crois ? Alors t'imagines. Un autocar plein de touristes entouré de trois poids lourds lancé à toute allure sur une autoroute bien lisse… Pas besoin de te faire un dessin. Manquait plus qu'un chouia de pluie. Dommage. Le chauffeur avait l'air tout petit sur son siège. On le sentait péter de trouille. On voyait la sueur dégouliner dans son dos. Tu sais, entre les deux omoplates… jusqu'à la raie du cul. Trempé il devait être. Au bout de trois minutes de cet enfer. Trois minutes qui ont dû être les plus longues de sa vie à ce fils de p… Benny a refait le signal. On a arrêté notre manège. Largué le char à veaux. Desserré l'étau et rallumé nos phares. Et on s'est donné rendez-vous chez la grosse Gertrude pour la tarte aux myrtilles. Fameuse la tarte.

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