Quand l'héroïne se drogue

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Et rétrécir. Rétrécir. Rétrécir.


Toujours la même chanson mais de moins en moins de paroles. Le même refrain qui ne résonne plus tout à fait comme avant. Ou qui tangue et vibre de si loin qu'on ne l'entend plus très bien.

Et le ciel, toujours un peu plus haut, toujours un peu plus bleu, jours après jours.

Les gens, aussi, toujours plus grands, nuits près nuits, doses après doses.

De plus en plus grands… j'en ai le vertige à force de me mesurer à eux.


Tout devient gigantesque tandis que moi, je me sens de plus en plus petite, à leur tourner le dos, à voir les étoiles s'éloigner toujours plus haut pour ne pas que je ne tente de les attraper. Inaccessibles. Ce qui n'a d'autre vertu que de les rendre encore plus attrayantes à mes yeux : j'espère un jour poser ma main sur l'une d'entre elles et ne jamais desserrer le poing.


Et espérer. Espérer. Espérer.


Espérer d'ailleurs, quelque part, c'est comme prier. Croyant ou non, la méthode est la même, on se concentre, quitte à s'abrutir, en essayant de se dire que si, ça va arriver, s'arranger, se réaliser. On matérialise ça un peu comme on veut, un dieu, une entité, un bout d'étincelle au fond d'un couloir ou d'un tunnel, mais il faut l'atteindre pour connaître la félicité, la panacée, l'ataraxie, comme disent ceux qui croient tout savoir parce qu'ils passent leur temps dans des livres épais et sans images.

Je ne sais pas à quoi il ressemble, mon espoir.

Peut-être à un papillon, un papillon tout fragile avec des ailes diaphanes et qui ne s'est pas posé sur la bonne fleur… qui s'est arrêté sur l'herbe, pour un temps, pour n'en plus décoller.

Ou à un grain de poussière qui vole sous la fenêtre, de long en large, de haut en bas, tournoie et tournoie, encore et encore, entre dans les narines, pollue puis s'attaque aux os. Poussière ou atome, grain de sable ou de pollen.


Non.

Soyons honnêtes un instant : je ne connais pas l'espoir. Seuls les regrets me boursouflent, seul le manque me pousse, seule la dépendance compte.


C'est tellement chiant de sourire par devant et pleurer par derrière.

Passer d'un extrême à l'autre en trois secondes, pas plus.

Se dire qu'on va plaquer la vie contre le mur un matin, planter ses yeux dans les siens et lui dire qu'on va saisir ses rênes et lui montrer qui commande, et vouloir se jeter sous une rame de métro le soir même…

C'est tellement chiant, ce constat, se dire que la vie, on y arrive pas, comme s'il nous manquait quelque chose d'essentiel, un gène, une cellule, je sais pas.

Alors on déambule, car malgré tout, cela ne nous empêche pas de marcher, un peu au hasard et en se prenant de bon gros murs, il est vrai.

Marcher jusqu'à mourir d'épuisement.

Marcher pour ne plus penser.

Marcher pour s'enfuir.

Marcher pour s'éloigner de ses démons.

Marcher pour se retenir de détaler.

Marcher droit, résister aux autoroutes traversées sans rien y voir, sur lesquelles on aimerait retourner et jouer à cache-cache avec les voiture à cent trente à l'heure, sans lune ni réverbère, pour se sentir vivante, vivante car en danger.


Vivre vite, mourir jeune, ne pas vouloir faire de vieux os, au fond déjà écorchée vive.


Oh, vous avez raison, on sait pertinemment que l'on reviendra finalement en courant, tremblant et les pupilles dilatées, pour se piquer une fois de plus, dans un des coins les plus crades qu'on ai trouvé.

Une fois de plus.

Une fois de trop.

Sur ce bras couvert de cicatrices que l'on gratte au couteau, quand le moins devient trop.


Envie de partir.

Un peu dans tous les sens du terme.

Un peu dans tous les sens, aussi.


Je me ferai peut-être de voyage en trois lettres, ce soir, mais je peux toujours suivre ces lignes qui, partout dans l'obscurité, éblouissent de leur blancheur violente, attirent ceux qui peuvent les apercevoir de leurs ténèbres, m'attirent car malgré la nuit sans lune, alors sur le pavé je ne vois plus qu'elles.

Et je ferai un tour chez le glacier, avec ma petite cuillère, même si de la pistache ou du nougat, au fond plus rien n'a réellement de goût.


Et puis j'ai chaud.

Si chaud…


Je crois que ne sont pas des étoiles en fuite que je vois là sous mes yeux de lapin malade, mais bien des milliers de soleils en essaim, qui se rapprochent de moi avec délice, rapidement, de plus en rapidement, ma chair commence déjà à crépiter.

Ils s'approchent et se métamorphosent, et je souris sous toutes ces bulles de champagne qui, soudain, explosent en même temps.

Peu importe que je ne puisse plus rien distinguer, l'aiguille se faufilera, elle saura décortiquer la carte au trésor et le butin sera éblouissant.

Dans ce mélange d'or et de noir, entre les explosions, les artifices, les soleils en surnombre et les étoiles plus malicieuses que dans mes souvenirs de gosse, je sais que je pourrai enfin me reposer et me laisser envahir par le plus pur des venins.


Je me rendrai là où les constellations et les galaxies n'existent pas encore, et tous les kamikazes en moi imploseront alors en chœur.


De là, je crois, je reprendrai calmement mon délire sur les étoiles.

Et si vous vous obstinez à ne rien comprendre, alors retournez border vos mômes ou tromper vos femmes, moi, j'ai bien mieux que ça, j'ai un big-bang dans le cœur, et croyez-moi, ça, c'est le genre de détail qui change tout.


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