Quand on reçoit une lettre...

Ce N'est Pas Moi, Ordi Hacké

...de son écrivain préféré.

Il y a cinq ans, je savais que j'allais avoir l'occasion de rencontrer mon écrivain préféré, Charles Juliet.

Il passait à la médiathèque de ma ville, en soutien d'un fidèle auteur du Limousin. Il n'intervenait que pour décrire cet homme, et non pour décrire sa propre oeuvre.

Trop timide, trop mal dans ma peau, je n'ai pu aller le voir qu'avec une lettre que j'avais préalablement mise des heures à écrire.

Toute ma vie j'ai osé lui raconter, tant ses livres faisaient écho à la propre mienne, tant j'écrivais à l'époque comme lui dans ses livres, à la dénomination "Tu".

"Tu voulais écrire...Tu souffrais..."

Et bien quelques semaines plus tard, une petite lettre dans ma boite aux lettres... Un de ses très rares livre, et dédicacé.

J'ai gardé l'enveloppe précieusement, son adresse...

Je sais que cet écrivain s'en ira bientôt, désolée pour lui s'il lit ses lignes...Mais il faudrait que j'ai le courage de lui répondre un jour...

Découvrez Charles Juliet. (Lambeaux)

Tes yeux. Immenses. Ton regard doux et patient où brûle ce feu qui te consume. Où sans relâche la nuit meurtrit ta lumière. Dans l'âtre, le feu qui ronfle, et toi, appuyée de l'épaule contre le manteau de la cheminée. A tes pieds, ce chien au regard vif et si souvent levé vers toi. Dehors, la neige et la brume. Le cauchemar des hivers. De leur nuit interminable.
La route impraticable, et fréquemment, tu songes à un départ à une vie autre, à l'infini des chemins. Ta morne existence dans ce village. Ta solitude. Ces secondes indéfiniment distendues quand tu vacilles à la limite du supportable. Tes mots noués dans ta gorge. A chaque printemps, cet appel, cet élan, ta force enfin revenue. La route neuve et qui brille. Ce point si souvent scruté où elle coupe l'horizon. Mais à quoi bon partir. Toute fuite est vaine et tu le sais. Les longues heures spacieuses, toujours trop courtes, où tu vas et viens en toi, attentive, anxieuse, fouaillée par les questions qui alimentent ton incessant soliloque. Nul pour t'écouter, te comprendre, t'accompagner. Partir, partir, laisser tomber les chaînes, mais ce qui ronge, comment s'en défaire ? Au fond de toi, cette plainte, ce cri rauque qui est allé s'amplifiant, mais que tu réprimais, refusais, niais, et qui au fil des jours, au fil des ans, a fini par t'étouffer . La nuit interminable des hivers. Tu sombrais. Te laissais vaincre. Admettais que la vie ne pourrait renaître. A jamais les routes interdites, enfouies, perdues. Mais ces instants que je voudrais revivre avec toi, ces instants où tu lâchais les amarres, te livrais éperdument à la flamme, où tu laissais s'épanouir ce qui te poussait à t'aventurer toujours plus loin, te maintenait les yeux ouverts face à l'inconnu. Tu n'aurais osé le reconnaître, mais à maintes reprises il est certain que l'immense et l'amour ont déferlé sur tes terres. Puis comme un coup qui t'aurais brisé la nuque, ce brutal retour au quotidien, à la solitude, à la nuit qui n'en finissait pas. Effondrée, hagarde. Incapable de reprendre pied.
Te ressusciter, te recréer. te dire au fil des ans et des hivers avec cette lumière qui te portait, mais qui un jour, pour ton malheur et le mien, s'est déchirée.


Qui a eu ce genre d'aventure ? Un mot, une lettre de son auteur fétiche ?

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