Que faire en cas de naufrage?
arthur-roubignolle
Que faire en cas de naufrage ? - par l'Amiral Kerchausson. Capitaine au long cou.
C'est un fait à peu près établi que la plupart des naufrages se passent sur l'eau. (Cependant, certains naufrages se passent aussi sur mer d'huile.) Exemple célèbre: celui du Titanic. A noter que l'équipage du Titanic a vraiment mal préparer son naufrage, totalement bâclé et improvisé, des amateurs n'auraient pas mieux fait.
Attention, le naufrage sur une mer d'huile peut tourner au vinaigre !
Quels sont les meilleurs naufrages ?
En bord de côte ?
Au large ?
Au port ?
Chez soi dans un fauteuil ?
(cochez la case de votre choix...).
En général et du fait de circonstances hauturières particulièrement humides, les naufrages sont souvent mal-vécus (principalement par les noyés, ces éternels râleurs !).
Tout cela peut se comprendre, mais un naufrage bien organisé n'a aucune raison d'être paniquant.
Je sais de quoi je parle, sur vingt cinq navires dont j'ai eu le commandement, dix-huit ont sombré et j'en suis toujours revenu aussi gaillard qu'avant (Sur les bateaux on m'appelait d'ailleurs le « gaillard d'avant ».).
Un bon naufrage se prépare toujours à l'avance, être marin c'est être prévoyant. (Demandez-le à n'importe quel armateur sous pavillon de complaisance qui veut toucher la prime d'assurance il vous le dira!).
Rien n'est plus navrant que ces naufrages d'amateurs, improvisés à la hâte dans la panique et l'affolement général.
Revenons au Titanic, qui reste un bel exemple de ce type de naufrage.
Rien, rien n'était prêt pour un naufrage réglementaire.
Tout s'est passé dans la plus totale et désolante improvisation. Comme si les gens n'avaient pas envie de couler ! Le Titanic était pourtant insubmersible et n'aurait jamais du sombrer.
Mais bon, qui a pensé à vérifier que dans la cabine n° 69 on avait laissé un robinet ouvert ?
La théorie de comme quoi ce serait un iceberg qui aurait fait couler ce géant des mers est bien pratique pour couvrir la négligence d'un steward qui n'a pas refermer ce robinet pendant son inspection de cabine.
Les icebergs ont beau dos, on les accusent de tous les crimes. De toute manière, lorsqu'on voit un iceberg, il faut rester de glace et ne surtout pas se laisser impressionner...
Ce naufrage du Titanic était vraiment désolant d'inorganisation. Et que dire de cet orchestre qui jouait pendant que le bateau coulait?
Vous savez ce qu'il jouait cet orchestre ? Le « Ce n'est qu'un au-revoir ! » - De quoi filer le cafard aux naufragés ! Une mazurka joyeuse aurait été plus appropriée. Enfin bref...
Je me souviens qu'à bord du « Pourquoi Papa » (Un sister-ship du « Pourquoi Pas » du commandant Charcot). Nous avons fait un naufrage formidable.
Nous étions en vue des côtes de Porc, (en Mauritanie). L'équipage était totalement bourré à la vodka de contrebande et un joyeux désordre régnait à bord.
Le timonier s'était naturellement endormi à la barre. Moi-même j'étais fin saoul.
Mais, en bons marins que nous étions tous, nous avions tout préparé en vue d'un éventuel naufrage.
Et ça n'a pas raté, le bateau, laissé à lui-même a dérivé vers la côte et s'est brisé sur les rochers à cinq cent mètres du rivage.
Mais c'est avec un joyeux enthousiasme que nous avons sauté dans les chaloupes de sauvetage. Il n'y a pas eu une seule perte d'homme, enfin si, un bosco, qui est mort, pas à cause du naufrage lui-même, mais d'un coma éthylique dont il ne s'est jamais réveillé.
Ce fait divers vécu prouve que l'on peut quand même faire naufrage en s'amusant, et qu'il n'y a pas de quoi dramatiser les choses comme on le fait trop, dans les médias notamment, qui nous relatent systématiquement des récits de naufrages épouvantables... (Ce besoin de sensationnalisme toujours!)
Il faut simplement que tout soit organisé et préparé à l'avance.
Mais mon meilleur naufrage, le plus beau, le plus réussi fut celui que j' eu l'honneur de superviser lorsque j'étais capitaine à bord de la « P'tite Annick » (Un sister-ship en plus petit du Titanic).
Une voie d'eau s'était déclarée en plein milieu de l'Atlantique.
L'eau envahissait lentement les cales du bateau et il était impossible d'étancher la fuite parce que nous avions oublier les rustines.
Bien sur, les passagers s'affolèrent immédiatement, comme ils avaient vus faire dans tous ces films de naufrages qui exagèrent toujours les choses.
Nous les marins, restions parfaitement calmes, on en était pas à notre premier naufrage, ce n'était jamais que le quinzième que je faisais avec cet équipage. Nous étions parfaitement aguerris, d'ailleurs nous dormions en permanence avec nos gilets de sauvetage...
Je ne dirais pas que c'était devenu une routine, mais nous étions sereins. Nous en étions venus à considérer ce genre d'incident presque comme une agréable distraction venant rompre la monotonie de ces traversées transatlantiques sans histoires.
Les terriens ne peuvent s'imaginer comme la vie du marin est ennuyeuse, la mer, les vagues, l'horizon, la mer, les vagues, la mer l'horizon, pendant des jours et des jours c'est toujours pareil...
Les distractions étant rares à bord d'un bateau, et les jours se succédant semblables les uns aux autres, un bon petit naufrage vient un peu animer cette affreuse monotonie.
A vrai dire nous ne faisions pas beaucoup d'efforts pour maîtriser la voie d'eau, un coup de fil à l'armateur panaméen nous avait confirmé que celui-ci ne tenait pas trop à son rafiot qui était assuré largement au-dessus de sa valeur réelle.
Sachant ces formalités administratives réglées, nous nous préparions donc tranquillement au naufrage tandis qu'autour de nous les femmes et les enfants hurlaient pendant que les hommes les piétinaient pour arriver les premiers aux canots de sauvetage...
Le code d'honneur des marins dit qu'en cas de naufrage il faut toujours laisser la place dans les chaloupes aux femmes et aux enfants. C'est le fameux: " Les femmes et les enfants d'abord !" Encore une légende maritime de plus !
Vous pensez bien qu'au large, personne n'est là pour voir comment ça se passe.
Non, en général, et c'est pour ça qu'il y a tout de même une part de vrai dans l'adage « Les femmes et les enfants d'abord », ce sont effectivement les femmes et les enfants qui passent les premiers, mais par dessus bord! On les fiche à l'eau pour faire de la place dans les chaloupes...
Sur la « P'tite Annick » nous n'avons pas agis autrement car c'était le bon sens même.
Sur un bateau qui coule, et tous les naufrages antérieurs sont là pour le confirmer, ce sont les femmes et les enfants qui paniquent en premier et qui sèment la pagaille. Aussi on a intérêt à se débarrasser d'eux au plus vite afin de garder un semblant d'ordre à bord.
J'ordonnais donc à mes matelots d'empoigner avec la plus grande fermeté les femmes et les enfants et de les balancer par dessus bord. Certains passagers nous aidèrent même dans cette tâche, des maris complaisants aidèrent à jeter leurs femmes par dessus le bastingage. Une belle solidarité masculine s'était spontanément formée.
Certains exagérèrent tout de même en criant : « Allez hop ! Au-revoir chérie, bon débarras ! ». En tant que capitaine et seul maître à bord après Dieu, je les rappelais à un peu plus de dignité. Dans ce genre d'opération il ne faut mettre aucun sentiment personnel, il s'agit d'une manœuvre nécessaire pour que le naufrage s'effectue dans de bonnes conditions, et il faut s'en tenir là!
C'est une corvée pénible certes, mais nécessaire et qu'il s'agit d'exécuter dignement.
Et il incombe au capitaine de faire respecter le sens de la mesure et de l'honneur. Ne croyez-pas que c'est de gaieté de cœur que l'on balance à la baille des passagers qui ont tout de même payés leurs billets plein tarif !
Nous autres marins, sous nos aspects bourrus battent des cœurs sensibles...
Et croyez-moi, il faut du courage et du cran pour jeter par dessus bord un gamin qui hurle, qui se débat et s'accroche à vous en prétextant qu'il ne sait pas nager !
Il faut être fin psychologue, le rassurer et lui dire qu'il ne souffrira pas longtemps grâce aux requins qui rodent le long de la coque.
Il faut le calmer en lui disant qu'il va aller rejoindre sa maman qui barbote déjà dans l'eau en agitant ses bras dans tous les sens.
Un bon marin, se doit d'avoir de la psychologie et du sang-froid dans ce genre de circonstances.
Et que les âmes sensibles se rassurent, on ne jette pas tous les enfants à l'eau, on en garde quand même quelques-uns, en général un ou deux par chaloupe, comme provision de bouche éventuelle... Il faut en effet prévoir que l'on puisse dériver de longs jours sans rien à manger...
Etre marin c'est être prévoyant, c'est savoir anticiper les drames avant qu'ils n'arrivent, afin de mieux les circoncirent lorsque ils sont là.
Oui, le naufrage de la "P'tite Annick" fut un naufrage exemplaire. Ce ne fut pas le seul bien sur, mais ce fut le plus admirablement mené.
Et maintenant que je suis à la retraite, tranquillement installé devant ma cheminée ou brûle un feu de bois, c'est avec nostalgie que je repense à tous ces instants merveilleux passés en mer...
Amiral Kerchausson.
"Être marin c'est être prévoyant, c'est savoir anticiper les drames avant qu'ils n'arrivent, afin de mieux les circoncirent lorsque ils sont là." <<< Déjà De Gaulle qui n'avait pas le pied marin le disait déjà. Macron, qui n'a rien de marin non plus disait qu'il suffit de traverser la rue pour trouver du boulot. C'est ainsi qu'un manchot qui traversa la Manche par un jour de brouillard découvrit la banquise ;o)
· Il y a environ 6 ans ·daniel-m
On nous ment!
· Il y a environ 6 ans ·arthur-roubignolle
Moi je me souviens mon naufrage c'était un Maardi !
· Il y a environ 6 ans ·dechainons-nous
Tin tin tin!
· Il y a environ 6 ans ·arthur-roubignolle
Tu es un maître !
· Il y a environ 6 ans ·Hervé Lénervé
quatre vingt, un maître quatre vingt seulement...
· Il y a environ 6 ans ·arthur-roubignolle
Pas mal ! Moi, c’est un mètre douze centimètres et demi ! :o))
· Il y a environ 6 ans ·Hervé Lénervé
Sans aucun doute , tu maîtrises tous les paramètres d'une traversée sans trop de dommages :) un vrai commandant de bord !!
· Il y a environ 6 ans ·marielesmots
De rien Marie, rompez et mettes les canots de sauvetage à l'eau !
· Il y a environ 6 ans ·arthur-roubignolle