raconte-moi la mer

Nestor Barth

Tous les matins, dès les beaux jours, je pense à toi, je garde dans mon esprit ton langage ensorceleur et te suis fidèle ; j'écoute ton appel et viens à toi.

Tout en marchant à tes cotés je sens tes caresses sur mes pieds. Ta fraicheur gravit doucement mes membres et tout mon corps vibre à cet effleurement câlin. Ton ressac bouscule les grains de sable harmonieusement et crée une mélodie. C'est ainsi que tu chantes et me parles : tu peux être froide et agressive ou chaude et douce mais tu es toujours belle, procurant mon plaisir.

Je reste un long moment à t'admirer ainsi, observant ton comportement : Es-tu bienveillante calme ou revêche, impatiente ?. Sont-ce les rides légères de ton sourire que j'aperçois ou ton visage est-il blanc de moutons ?

J'admire ton manteau azuré qui scintille en reflétant les ondes dorées du soleil.

Dois-je te croire quand tu dis que ton humeur dépend du soleil et du vent et que même la couleur de ta robe varie avec celle du ciel ? Tiens donc ! Intéressant ! Alors quand les rayons du soleil me chauffent et l'air est calme, quand tu as enfilé ta robe azur, je peux sauter dans tes bras, jouer dans les replis de ton corps, te sentir, te respirer, me fondre en ton sein, et je peux disparaitre sous tes voiles jusqu'au fond de toi ? …

Bien volontiers...

Parfois je reste suspendu, les bras en croix, flottant à ta surface, le regard rivé vers cet autre immensité qui te fait face. Et je reste pantois quand j'aperçois cette petite lune qui attire tant ton regard et qui deux fois par jour t'oblige à faire deux pas de danse d'avant en arrière. Quel charme a t-elle donc ?

Habitué à te fréquenter ainsi tous les jours, je supporte tes frasques et parfois ta colère que je sais maligne en me laissant glisser sur des rouleaux qu'en rage tu te transformes et me laisse glisser jusqu'au rivage.

Ta saveur est amère mais je t'accepte comme tu es.

J'aime la famille que tu élèves en ton sein, que tu protèges et nourris.

C'est une belle famille, colorée et variée mais si sauvage. On peut voir tes enfants, ces protégés de toutes sortes en taille et race, des vifs, des curieux qui s'approchent de moi ou qui fuient la main que je tends pour les caresser, et certains se cachent dans tes profondeurs. Les très gros me font peur.

Sans toi, je serais triste et bien seul. Tu es ma joie, mon désir, mon exigence. Je suis ton ami même si parfois tu es froide avec moi mais je ne t'en veux pas ; car tu es sublime et majestueuse, puissante et toujours digne.

Je me plais à me lover en ton sein quelque soit ton humeur et les circonstances, même si souvent tu me fais peur par ton immensité et ta fureur car tu es capable de tout rompre sur ton passage et d'écraser ce que j'ai construit pour me protéger et pourtant tu redoubles de charme dans ta colère ;

Tu es toujours présente, tu m'attends car toi et moi on se connait maintenant ;

Je t'aime car j'ai soif de toi, je te respecte car tu m'accueilles toujours, m'enveloppes et me laisses jouer. Je suis ton ami.

Tu es ma grande Dame : tu t'appelles ''Méditerranée.''

Je ne suis qu'un nageur, en fait un jouisseur ;

Navigateur ? Ce n'est pas pour moi mais pour les héros. Tu es trop féroce et pour te dominer il ne suffit pas de savoir piloter mais il faut savoir résister aux quatre cents coups dont tu es capable, impitoyables et sauvages sous peine d'être englouti à jamais dans tes profondeurs nocturnes et mystérieuses.

Alors pour conserver de toi un œil admiratif, je préfère vivre à part et garder mes distances. Ne m'en veux pas. L'amour a ses exigences.

C'était : Raconte-moi la mer

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