Refaire le monde,

nevada

« Refaire le monde »… ce n’est pas une réponse, « refaire le monde »…

Les autres ils parlent de l'amour, et disent ceci, et puis cela... Ils demandent ce qu'il y a à l'intérieur de l'amour, ils dissèquent le cœur, ils le découpent et des fois, quand ils l'ont trop déchiré en mille parts, le cœur saigne et saigne...


« Que voulez-vous faire plus tard ? »
« Refaire le monde » m'a-t-elle répondu, et elle était ailleurs. Elle ne pensait pas à ce qu'elle disait : elle était ailleurs.

Plus tard, je briserai le monde, et je le referai. Car c'est facile, quand on est deux.


J'ai rangé mes affaires, et mis mon manteau, car l'automne est là et a amené avec lui ce vent léger qui dérange. Elle, est restée là, assise à sa table à regarder dehors tandis que la classe se vidait. Je ne savais pas quoi faire, et j'ai juste posé cette question : « Alors, tu es déjà en train de refaire le monde ? » Et j'ai souris, un peu.

Je te vois dans la cours, tu es beau, tu es beau, j'ai voudrais te dire « Viens, on va courir dans le ciel pour voir jusqu'où vont les oiseaux ! », te prendre la main et t'embrasser... « Viens, on va mesurer la taille de la vie ; goûter les nuages sucrés qui font les dents bleues, courir dans les champs l'hiver et sentir le vent glacial nous rougir les joues... »


Elle n'a pas répondu, elle regardait dehors, ailleurs, vers quelque chose je crois, que je ne comprenais pas... je suis sorti de la classe et je suis rentré, dans ce vent gris...

Et je te regarde marcher dans la cours, mais soudain tu disparais à l'angle d'un mur, tu disparais, attends-moi... tu n'es plus là, j'ai de l'eau salée sur les joues, attends-moi...

Je veux sortir et courir derrière l'angle du mur, et courir à travers les questions des autres qui demandent « Pourquoi l'amour ? Que penses-tu de l'amour ? Que t'évoque l'amour ? Pourquoi aimes-tu ? », courir à travers ces fantômes opaques qui ne savent que poser des questions ; te rattraper, te prendre la main, t'embrasser, j'ai de l'eau salée sur les joues, attends-moi...

Mais tu es là, à la place de la porte, devant la porte, à l'intérieur de la porte, à la place de la porte, tu es là, derrière l'angle du mur c'est ici, cette classe triste, j'ai de l'eau salée sur les joues, que le vent froid sèche car tu m'emportes déjà, moi dans ta main, tu m'emmènes en courant vers ailleurs, nulle part, ailleurs, l'autre monde, celui qu'on va construire, les joues rougies pas le vent.

Le lendemain, sa place était vide... ses yeux n'étaient plus là, fixés sur dehors, son regard n'était plus là, plein de peine, plein de vide... je ne l'ai jamais revue.

Elle était partie, refaire le monde. 

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