Rendez-moi ma colère

Mon regard en lames de rasoir et mon silence buté. J'en ai fait une arme, mais c'était une bataille que j'avais perdue avant même qu'elle soit engagée. 

A tout ce que j'ai vécu, c'est ce que j'ai renvoyé. Mes silences, mes mots pas plus hauts que les autres. Comme une éducation catholique que j'ai jamais reçue, dans mon enfance athée. 

Depuis toujours, je fais des silences jusqu'au point de rupture où il me faut hurler. Jusqu'à faire sauter les points de suture de mes plaies mal refermées.

Se taire. 
Se taire encore, se taire toujours.

Naïvement, j'ai cru qu'en préservant les autres de ma colère, lourde et épaisse, je me protégeais. 

J'avais tort. 
J'ai préservé mon image au détriment de mes émotions, et la colère a grandi en moi comme un jumeau maléfique qui dit maintenant : "laisse-moi sortir".