Résistance féminine

grabuge

-Mon général ! Mon général !

-Qu’y a-t-il soldat ?

-J’ai vu quelque chose derrière la colline.

-Et qu’est-ce que c’est ?

-Je crois bien que c’est une femme.

-Une femme ? Mais elles n’existent plus ! Vous le savez très bien !

-Je vous assure mon général, elle avait, je crois, une protubérance au niveau de la poitrine !

-Ne me faites pas perdre mon temps soldat, vous savez bien que toutes les femmes ont été anéanties depuis l’invention du clonage. Allez plutôt vous occuper des rations.

Le soldat s’en va dans la réserve et commence à trier des boîtes de conserve. On ne discute pas les ordres.

-Je vous jure, elle était en haut de la colline ! Elle a sorti la tête et pouf, elle a disparu, comme par enchantement !

-Dis, tu tournes à quoi ? Non parce que ça a l’air puissant ton truc… Il t’en reste ?

Le soldat ne réponds pas, il trie les conserves. Un jour, il ira de l’autre côté de la colline, il ne demandera pas la permission pour y aller. De toute façon, qui pourrait le croire ?

Il retourne a ses baraquements, motivé au plus profond de lui mais pourtant, la peur le dévore. La peur d’être découvert en essayant de sortir de la chambre sans bruit, de se frayer un chemin à travers le chemin de garde, d’éviter les patrouilles et les guetteurs une fois dehors… Il s’allonge. Ses camarades sur les autres couchettes parlent à tue-tête, chaque parole vomissant des obscénités à qui mieux mieux. Il n’a jamais réussi à s’adapter, que ce soit à l’armée ou dans la vie active. En même temps, quelle vie active ? Celle de rester chez lui, tout seul, dans une pièce avec le tout-combiné ? Non, il rêvait d’autre chose, d’une chose dont il avait vu le corps en ce soir de pleine lune, juste au dessus de la colline un kilomètre plus loin.

Le dernier soldat s’est enfin tu. Tout le monde ronfle. Comme si son lit était composé d’œufs, il relève doucement le dos en s’aidant de ses bras. Respirant à peine, arrêtant de respirer à chaque craquement de latte, il bouge les pieds en direction du sol en tournant sur son derrière. Maintenant il doit commencer à se lever. Un coup sec du bassin et le voilà sur pieds, pétrifié devant toute l’assemblé endormie. Il se dirige vers la porte sur la pointe des pieds quand soudain: « Psst ! ». Un soldat ne dormait pas et l’avait surpris dans sa tentative d’évasion. Avait-il fait trop de bruit et l’avait-il réveillé alors qu’il avait pris toutes les précautions nécessaires ?

Dans le dortoir rectangulaire, le soldat qui l’avait appelé était de l’autre bout, en face de la porte. « Psst ! Winters ! Oh ! » dit-il en chuchotant. Winters lui fait signe de venir. Dans une grâce de chat incroyable, il saute du lit sans faire de bruit en faisant en quatre secondes ce qu’avait fait Winters en dix minutes. Tout le monde continue à dormir. Le soldat s’avance jusqu’à la porte. Winters fait des signes pour expliquer qu’ils vont sortir par la porte et qu’ils parleront ensuite pour ne pas réveiller les autres.

Le couloir est désert et résonne peu.

-J’y crois moi à tes conneries. J’ai envie de voir aussi ce qu’il y a derrière la colline, et voir une vraie femme !

-Et si je veux pas ?

-Il me suffit de crier et tous les deux on se retrouve au trou pour un mois, sauf que moi j’en ai rien à faire j’ai un frère qui peut m’en faire sortir en un tour de manche.

-Suis-moi, et fais pas de bruit…

-Wallace. Peter Wallace.

-Ok Wallace. Tu pars devant, on va à gauche.

Les deux soldats vont à travers le couloir, silencieusement. Une patrouille arrive et il n’y a nulle part où aller. Par chance, elle change de direction au dernier moment. Soulagés, les deux soldats se regardent et Winters émet un soupir. Ils ne rencontrent aucune résistance jusqu’au poste de garde, sortie exclusive du camp.

-Regarde, ils jouent aux cartes, dit Wallace, passons en longeant le mur de leur abri, on passera crème. Ni vu ni connu.

Et effectivement, ils longent le mur sans difficulté en marchant comme des grenouilles. Arrivés à l’autre bout, les voici dehors. Le faisceau rond et blanc des sentinelles parcourt le sol, et tout le monde le sait, les sentinelles ont des yeux d’aigle.

-Regarde, ils ne passent qu’une certaine zone au crible, si on passe ici, on ne se fera pas choper.

Ils traversent la zone du rayon en courant comme des fous, mais finissent par arriver hors de portée des patrouilles et des guetteurs.

-Yeah, nous voilà enfin sur cette fichue colline.

Ils se regardent l’air de dire « Bon, on attends quoi ? » et courent jusqu’au sommet de la colline, plongée dans le noir total. Finalement, au bout de quelques mètres, ils sont essoufflés et marchent jusqu’au sommet.

-A ton avis, Winters, tu cois qu’on va en trouver une ? Non parce que si c’est pas le cas, j’ai beau avoir un frère dans le haut commandement, là je suis déserteur et je fais risquer la place à mon frère.

-De toute façon, si on revient ils nous tuent. On a pas le choix, il faut qu’on trouve au moins celle que j’ai vu ce soir.

-Et après ?

-Mais j’en sais rien ! Il se passera ce qu’il se passera ! Mais tu peux être sûr que demain dès que le soleil se sera levé on aura les chiens aux trousses !

Les deux soldats continuent leur marche, silencieux, jusqu’à ce qu’enfin ils atteignent le sommet de la colline.

-Regarde ! Dit Wallace en montrant quelque chose au loin du doigt.

-Quoi ?

-Mais regarde, là ! Tu vois pas la tache orange au loin ?

-Euh… Non… Ah, si ! On dirait…

-Du feu ! Quelqu’un fait un feu !

Ils se regardent et décident de courir en dévalant l’autre côté de la colline à toute vitesse, Wallace manquant de tomber. A bout de souffle, ils s’arrêtent.

-Ça doit bien être à deux ou trois kilomètres…

-Oui, nous y serons dans une demie heure de marche, dit Winters en essayant de reprendre sa respiration.

Ils marchent, marchent jusqu’à atteindre le feu, mais il n’y a personne. En regardant autour, ils ne voient rien d’autre à part une forêt.

-Marchons jusqu’à la forêt alors, dit Winters.

-Je crois qu’elle essaie de nous échapper…

-Nous sommes pacifiques ! Crie Winters, qui espère qu’elle entende, depuis l’orée de la forêt.

Elle remarque les deux soldats. De ses yeux perçants elle remarque qu’un soldat est blond, l’autre brun. Elle grimpe à un arbre et attends leur arrivée.

Ils se rapprochent, doucement, jusqu’à enfin atteindre la lisière de la forêt. « Nous venons en paix ! Nous ne vous voulons aucun mal, s’il vous plaît ! » dit un des deux soldats, le blond.

Elle se rappelle encore le massacre de son village, les tanks dans les rues, les femmes en feu, celles pendues aux arbres en face de sa maison… Pourquoi devrait-elle les épargner, ces barbares sans cœur ?

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