Réunion au (très) haut sommet.

Christophe Hulé

Voyez comme je suis sale.

Les Quatre Vents ont fait salon. Le soleil n'a pas été invité.

La lune a décliné poliment,  « désolé, je suis prise » .

Les deux pôles ont prétexté qu'ils étaient bien trop loin.

On a fermé les portes pour éviter les courants d'air. La pluie s'est assise loin de la cheminée, roulée en bulle concentrée.

Le tonnerre a décidé de rester calme. Les éclairs sous la veste, il se contente de prendre la température. La mer a envoyé une délégation pas vraiment à la hauteur. Enfin, on ne contredit pas la mer. Quelques volcans ont fait le voyage, las de sommeiller, si on peut dire.

Beaucoup de fleuves et de rivières ont fait de même et quitté leur lit.

Les lacs, les étangs et autres rigoles n'ont pas reçu de carte d'invitation. On ne mélange pas les serviettes et les torchons.

Beaucoup de monde en fait, le programme des festivités et surtout les menus ont fait la différence.

Dans toute réunion, les jeux sont faits d'avance, c'est bien connu. L'important n'est-il pas de se réunir ?

Chacun, gonflé d'orgueil, a fait tout un roman de ses réussites. Les doléances n'ont pas manquées, accusant les absents, comme d'habitude. Les présents ont pris soin, non sans quelques efforts, de mettre sous le tapis les sujets qui divisent, et surtout les rancœurs.

Le tonnerre est resté au buffet. Pas de colère cette fois car après tout il ne se passe rien. Les Quatre Vents ont sorti le jeu de cartes. Leurs soupirs ont provoqué quelques séismes. On a rien à se dire et le programme est nul. Que de temps perdu.

Dieu, dans sa grande bonté, a pris un peu de son temps pour faire un court passage. Il a serré quelques mains mouillées, froides ou brûlantes, et s'est éclipsé très vite.

Toutefois la banquise a émis quelques réserves, quitte à gâcher la fête.

«  On festoie, on festoie. Ne voyez-vous donc pas comme j'ai maigrie ? » .

Un fleuve, pas très connu, a enchaîné en flèche.

« Voyez comme je suis sale. Et sentez-vous l'odeur ? » .

Le tonnerre a quitté le buffet, sans oublier son verre, pour se rapprocher de la table. Peut-être qu'après tout j'ai bien fait de venir.

On a ramassé les cartes et créé des ateliers improvisés en désignant des rapporteurs. On a brisé là le programme et les mondanités. Et fini de parler de la pluie, du beau temps.

Dieu a eu vent de la chose évidemment, qui donc pourrait penser que Dieu est à la traîne.

La mer s'est ravisée, bousculant son agenda.

On a envoyé les meilleurs émissaires pour présenter des excuses au soleil.

Les pôles ont pris le train. Des contraintes il en faut, il en faut des contraintes.

Cette fois la réunion s'est tenue au siège. Aucune absence ni motif impérieux, Dieu est aux manettes. Enfin la Direction va se secouer un peu et prendre la mesure. Le petit personnel n'en perdra pas une miette.

« La chose est-elle possible ? » .

« Oui, cela se peut. » .

L'ordre du jour est implacable et annonce la couleur. Une vraie réunion, une fois n'est pas coutume. Pas de buffet ou autres bagatelles. Les jeux ne sont pas faits, Dieu en a pris conscience, et le tonnerre s'est resservi un verre.

Les deux pôles ont blêmis en apprenant leur révocation.

La lune a reçu la convocation officielle pour une explication. Une éclipse totale, très longue et non prévue par les scientifiques, a fait la joie des petites choses, en apparence, qui sont à l'origine de tous ces remous dans les hautes sphères.

« Il faut bien qu'ils s'occupent. » disent les rigoles.

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