Rien ne résiste à la durée

Tu étais debout à la fenêtre et ta silhouette, grande, se détachait à contre-jour.  Immobile et songeur.  J’aurais aimé que cet instant, avant que tu ne sentes ma présence et que tu ne te retournes, dure.  La pièce était maintenue dans la pénombre, ton sourire a fait écho à mon sourire et je suis venue me blottir dans les bras ouverts que tu me tendais. C’était bon. Cette image depuis fait pour moi office de nature morte, figée dans ma mémoire comme un éclat précieux.  Elle ne reflète plus aujourd’hui que la fugacité d’un sentiment que je voulais éternel.  Lorsque tu as bougé, la pérennité s’est envolée.  L’envol seul nous échappe. Une seconde n’est pas l’autre, elles ne s’induisent pas entre elles. La vie est faites de morceaux qui ne se joignent pas. Phrase lue qui m’imprègne encore et qui est maintenant mienne. Pourtant.  Je me plais à dire que sans malheur, le bonheur n’a pas de consistance et sans fin, pas de plaisir au renouveau.  Face à la durée, rien ne résiste.  La vie, peut-être, seul dénominateur commun à tous ces instants volatils.
Mettre le temps sur pause.  Utopie de celui qui fuit.  Pas plus que la pluie ne cache les larmes, pas plus l’attente n’arrête le monde. L’envol est ce trou dans le récit. Une rupture vers autre chose, une promesse.  Une histoire parmi les prochaines histoires.

Fugace ce sentiment ? J’observe cette nature morte, les yeux fermés, les yeux en dedans.  Fugace n’était que l’instant, gravé le sentiment.  Il vibre à nouveau et avec lui mon corps se réveille.  Ce corps sur lequel s’exposent les instants et à l’intérieur duquel explosent les sentiments.  Rien ne résiste à la durée.  Seule la vie a compris qu’il suffit de s’y abandonner, s’accorder au mouvement, rester fluide.  La vie nous ouvre le chemin, le temps nous donne la force.  L’usure a sa beauté.