Mamies
lilaa
Nuits de mai. Souvenirs de rires, de cartes dépliées…
Mamies, comme vous étiez contentes ! Vous étiez si enjouées… !
Nous parcourions l'hexagone consacré de bleu, traversions des terrains aussi colorés que leur représentation routière, et closions nos yeux en même temps que la planète, elle, refermait sa paupière bordée d'étincelles…
Le matin, levées comme les poules, je vous entendais vous laver au gant brodé et au lavabo, puis asperger votre cou de parfum lourd. J'accrochai votre gourmette trop courte pour vos doigts saisis d'arthrose, j'épilai vos sourcils et vos mentons le soir venu, arrachai les petites excroissances de chair sur vos épaules, massai la belle peau tannée de vos pieds, teinte en mauve par un mauvais cuir de chaussure.
C'était bien.
Moi, j'avais le cœur pris entre deux feux, ne voyant dans ce voyage que des vacances supplémentaires. Vous, vous vous trouviez gâtées, malgré vos petites retraites et vos frigos vides, de finir ainsi votre vie. Vous en voyiez du pays ! Toi la Normande de Creuilly, toi la Loiretaine de Montargis… Vous n'aviez jamais vu ça, avant, des vélos à une roue, des tresses de rasta, des joueurs de pelotes basques, des manucures violettes…
Maintenant, aujourd'hui, où êtes-vous petites mamies ? Cinq ans après…
Votre foi vole dans l'air, votre peau nourrit les poissons, vos os coulent dans les rivières souterraines, ou dans les nervures des plantes. Votre corps, nostalgique de cette époque, repart sur nos traces et retrouve l'itinéraire. Coucou !!! Je vous vois ! Je vous ai trouvé ! Je vous respire…
Votre corps a rejoint le monde minéral, et forme l'habitat de votre descendance, croûte terrestre, atmosphère, végétation…
Mais si votre corps est toujours, votre âme, elle, ou est-elle, petites mamies ? Ou qu'elle est, d'abord, votre âme, nondediou ?
Elle est là encore, bien sûr, auprès de moi. Juste là. A la page d'après, sur le blanc du papier, en caractère 12, police Times New Roman. Elle ne s'échappera pas, non, je vais la garder précieusement, affectueusement, pour les siècles des siècles.
Alors, tournez. Tournez manèges !
Tournez le manège du temps !
Tournez la page.
Et allez la retrouver là, votre âme, dans ces chapitres griffonnés, ces quelques dialogues enregistrés.
Je vous aime toujours autant, et je vous aimerai
Jusqu'à la fin des haricots.
Une écriture alerte, c'est comme ça qu'on dit. Mais le thème en ce moment pour moi c'est vraiment pas possible. J'ai lu pour faire plaisir à Wic, mais en fait non, je ne peux pas plus.
· Il y a plus de 12 ans ·eaven
Je viens de faire le chemin à l'envers, j'ai commencé par lire "Viviane", puis j'ai voulu connaitre "Bernadette", et je n'ai pas pu arrêter, me voilà donc sur ce premier texte, ce prologue, qui m'arrache une larme furtive !
· Il y a plus de 13 ans ·C'est superbe, Aurélie, j'attendrai donc la suite de ce roadtrip avec impatience.
Bravo !
minou-stex
J'aime énormément cette idée proposée et sa présentation, très bien écrite, donne envie d'en savoir plus ! A tout de suite donc !
· Il y a plus de 13 ans ·leo
Adorable ! vous ferez une sacré Mamie ?!!! j'adore ces deux pointes d'humour à la fin d'un texte triste :"nondediou" et "la fin des haricots", bravo !
· Il y a plus de 13 ans ·Edwige Devillebichot