Robert, Michel et les autres.

effect

Avec de l'impertinence on arrivait à décrocher des lustres. Avec un tournevis, de simples étagères.

Robert est un petit enculé. Au village on le traite de ce petit nom pour signifier son grade dans la hiérarchie de la société, à défaut de lui connaître un diplôme reconnu. Il vient le 3ème samedi du mois nous injecter sa piqûre de rappel, le bras ballant par la fenêtre de son 4X4 en tapotant des doigts sur la portière.

« C'est tout bon pour samedi prochain ? »

« Oui oui, Robert ! »

Robert fait peur à Betty et au chien. Sa queue s'aplatit devant sa niche et ses babines ne servent plus à rien. Il prend les dents du Labrador et le poil de l'agneau, lui qui d'ordinaire fout la pâté aux canards du voisin.

« Il me manque un canard ! Ce ne serait pas ton chien, à tout hasard ? »

« T'es sûr ? T'as bien compté ? »

Michel fait du foie gras avec sa femme pour arrondir les fins de mois. Aussi de l'élevage de kiwis de Nouvelle Zélande depuis le récent mariage de leur fille avec un Maori, venu enseigner le rugby en haute montagne.

« Il a toujours pas trouvé de boulot ton gendre ? »

« Non ! Là, il compte passer sa première étoile pour peut-être plus tard rejoindre une équipe de ski ! »

« Sont forts ces Maoris, ils savent s'adapter à tout ! Et tes kiwis, ça pousse ? »

Demander à Michel si ses kiwis poussent, c'est comme demander à un astronaute si sa fusée est prête pour la lune. Il faut s'attendre à un certain temps de réponse pour officialiser une quelconque date.

« A la prochaine saison peut-être ? Marjolaine dit pas avant 2 ans ! On verra bien ! »

Marjolaine, sa femme, est une pessimiste née. Quand Amazon ne passe pas dans sa boite à lettres, elle dit que c'est sans doute la faute à une grève surprise chez Téfal ou que son crêpes-party est en rupture de stock.

« Fallait s'y attendre ! Acheter tout et n'importe quoi les yeux fermés, c'est faire croire à un aveugle qu'il peut recouvrer la vue en se massant les paupières ! »

Betty dit de Marjolaine qu'elle a des expressions commerciales toutes trouvées, afin que son mari lui prête un peu plus d'attention.

« C'est pas grave ma chérie ! La crêpe-party on la fera un autre jour ! On ira au restaurant ce soir ! »

« T'es un malin, sont fermés en c'moment ! Toi tu dis toujours des trucs qui reportent à la saint-glinglin  pour qu'on ait le temps d'oublier ! Ça te fais tellement chier d'sortir 100 balles de ta poche pour un gueuleton, qu'on se tape tout un tas de merdes dans les placards ! La dernière fois tu m'as fait acheter le presse patate/potiron électrique à 19€90 de chez Moulinex parce que chez Marc Veyrat elle est à 30 balles l'assiette de purée, sans compter les croûtons ! C'est pas vrai ? »

« Ben, on en a quand même fait une fois ! »

« Et la crêpière party, c'est pour inviter ta mère ? »


Robert doit passer ce matin. Robert n'est ni truand, ni collecteur de loyers impayés, Robert est juste lui-même. Robert collecte les encombrants pour sauver la planète des plus démunis. Il valorise nos déchets à des fins utiles.

« Mais Robert, tu vas en faire quoi de notre aspirateur ? »

« Je sais pas trop ! J'hésite encore entre une vmc pour une cabane au Népal, ou un téléphérique à marmottes hémiplégiques de La Clusaz !»

« Avec ce vieux truc ? »

« Vieux ou pas, ce qui compte, c'est l'moteur ! »

Robert fait peur à Betty parce qu'elle ne sait pas ce qui pourrait lui passer par la tête avec notre vieille tronçonneuse. Il est traité de petit enculé dans le village, parce qu'il réussit d'imagination avec 3 fois rien. Pour le chien, je ne sais toujours pas.

...


Signaler ce texte