ROUTE 66(6)

gill

Comme une vieille caisse larguée sur un terrain vague, elle était à l'arrêt, sans carburant, sans étincelle combustive.


Les portières ouvertes à tout vent ont laissé entrer une noirceur grisaillante.


Pas moyen de faire un pas sans tomber dans la glaise des jours sans âme.


Elle restait là, mains crispées sur un volant inutile, faisant semblant d'être absorbée par un décor défilant, ce n'était que la ronde sans fin des images d'avant. La voiture n'avancerait plus jamais.


Et puis une ombre au loin, silhouette de près, visage connu de très près.

Etait-ce possible ! Il avait pourtant bien tenté de se faire oublier, Il savait bien évidemment que personne, pas même elle, n'aurait violé son silence.


Lorsqu'enfin il prit vie, ce fut par de simples mots « pousse-toi,  je prends le volant.


Elle se poussa en râlant à peine « dis donc t'es pas gonflé toi » il esquissa un sourire crétin de smiley, posa ses larges mains aux gestes délicats sur le volant.


La voiture s'ébroua en une secousse « Démarre, mais démarre bon dieu, je crois qu'on est suivi »


Il éclata d'un rire gras d'ex-fumeur, elle y mêla les vieux goudrons de son rire et la voiture fila vers les rives de leur imaginaire délaissé

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