Sable blanc (7) - Polaroïd et partie de pêche

cerise-david

J’ai refermé la porte sur cette journée d’une simplicité épurée. Je revois les allées de pins et résonnent encore les cigales qui nous rendent sourds. Je revois la résine coulée le long des troncs et remplir les pots en terre cuite. L’odeur de résine est forte, çà colle sur les doigts. Je sens les aiguilles de pins sous mes genoux et j’en retrouve une en passant une main dans mes cheveux. La forêt landaise est immense, et elle nous écoute. Entre deux craquements, elle espionne notre amour naissant. Je me laisse tomber sur l’oreiller, Converse aux pieds, et cherche le soulèvement de son poitrail pour me bercer. J’allume la télé, les jeux de mots de « La vie est belle » me donnent le sourire… et je m’endors avant de sortir les mouchoirs…

J’aurais aimé lui laisser des bocaux de câlins pour être sûr qu’elle n’en manquera pas ce soir… mais je ne sais pas si ça se conserve bien. J’ai ramené le tandem en cherchant une activité pour demain. Les vacances touchent à leur fin, je connais déjà l’issue de notre destin, je veux juste appâter encore un peu le bonheur, on ne sait jamais qu’il se laisserait berner et mordrait aux hameçons de nos cœur… Au loin le soleil tombe dans l’océan, et les bateaux de plaisanciers rentrent au port. Là voilà mon idée… pour ma BB, comprenez beauté brune.

Je me réveille en sursaut on s’acharne à nouveau sur ma sonnette. Je suis encore habillée et un filet de bave se décolle de mon édredon pour me suivre quelques secondes. J’ai dormi. Sans baignoire ni mouchoirs. Je me traine à la porte pensant à une mauvaise blague. La nuit est encore sombre… se dessine au loin les prémices d’une nouvelle journée. Quand j’ouvre ma porte, je le découvre frais et souriant sur mon pallier, une poche de croissant dans la main, une veste chaude dans l’autre.

-          Couvres-toi, il fait froid au large…

Je le regarde comme un merlan frit et repense que je sors de mon lit… où pour une fois je réussissais à dormir sans ennuis. Je sens l’agacement monter. Et puis, je croise son air maladroit et ses mimiques d’anxiété. On lit en lui comme un livre ouvert, et je décrispe ma mine renfrognée. Il sourit et me dit de me presser. Doucement. Il a compris que le réveil se faisait à pas de velours et croissant au beurre.

Je mets le volume sur OFF pendant notre trajet vers le port. Je vois sa mine ébahie quand on se gare devant une pinasse à moitié repeinte. Un vieil ami me la prêter, elle n’est pas la seule à connaître les vieux de la côte. Je lui explique son rôle de « loveur ». Elle pouffe de rires.

-          Rien à voir avec la drague. Tu ranges juste les filets de pêche qu’on va poser…

Je crois qu’elle ne s’attendait pas à ça. Touché l’aventurière au saut du lit.

-          Y’a pas que le surf sur l’océan…

-          Je ne suis jamais montée dans un bateau, si j’ai le mal de mer ?

-          Ben je te jette à l’eau.

Elle me sonde, mal réveillée, pour voir si mon humour ne tend pas vers le vrai. Je souris pour la rassurer, rien à craindre pour une nageuse comme elle. On quitte le port avec le lever du soleil derrière les dunes… et elle se rendort contre mon épaule sans attendre le large des côtes…

Quand je me réveille, le soleil à grimper le sommet des dunes. Je ne reconnais pas la plage au loin. Il me tend une bouteille d’eau fraiche et m’asperge le visage. Se moquant qu’on ne dort pas avec le mal de mer. Je me sens bien et le regarde remonter les derniers filets… et les sceaux se remplir de poissons et crustacés. Le temps s’écoule lentement mais j’aimerais encore l’étirer davantage. La plage se rapproche et la fin de notre aventure se dessine dans le sable… les marées se succèdent et la lune diminue chaque nuit. Je chasse ses tristes pensées et l’aide à amarrer la pinasse au ponton. On décharge les poissons et je propose de les cuisiner chez moi…

J’hésite à franchir le seuil de sa maison, c’est une part d’elle offert à mes yeux. Une part d’elle supplémentaire qui me manquera le moment venu, mais je ne voulais pas gâcher l’instant… Elle est si calme. On se chamaille pour savoir comment préparer les quelques sardines péchées. Et sa gourmandise pétille sous ses paupières. Elle parle et parle encore. Je découvre une jeune femme malicieuse, enfermée dans une maison de poupée. Je découvre des photos d’un mariage posé sur une étagère poussiéreuse. Elle s'approche prends le cadre dans ses mains avant de le retourner, la vitre face au bois du meuble. J’imagine sa douleur quotidienne de passer l’aspirateur sur des souvenirs qu’on n’a pas choisi d’oublier. Perdre la personne qu’on aimait ce n’est pas la quitter, ni la tromper. On subit son départ inexpliqué… et on reprend le chemin, un bout de nous en moins. Je la regarde se déplacer dans cette maison si grande, si vieille, avec ses bibelots et ses couleurs vintages. On dirait  une vieille photo qu’on a laissé jaunir dans un coin… elle rompt le silence de mes pensées :

-          J’ai laissé le temps s’arrêter dans cette maison. C’est comme si j’avais éteint l’interrupteur avant le mariage et rallumé après son décès. Comme çà, toute cette vie avec lui n’est finalement qu’une parenthèse et je peux revenir ici sans retrouver des traces de son passage… Ça m’a permis d’avoir un endroit où aller après la vente de l’appartement. Un endroit à moi. Sans lui à chaque recoin.

Je ne sais pas quoi dire. Elle enchaîne sur des banalités et chasse les larmes au coin de ses yeux. Je lui saisis le poignet et la colle à moi. Je sens l’odeur des pins et de la mer dans ses cheveux et j’embrasse à pleine bouche ce visage fatiguée mais si doux. Elle se laisse faire… Je la porte jusque dans sa chambre, elle prétexte que l’eau bout, que les sardines trempent… Elle se laisse faire avec résistance, elle prétexte dans un murmure que ce n’est pas une bonne chose. Qu’elle sent le poisson…

-          Je savais que je pécherais une sirène un jour et je m’étais préparé aux inconvénients…

  • J'aime beaucoup l'idée de la pêche à la sirène.
    C'est très bien écrit (je t'ai déjà parlé de tes "quelques petites" erreurs de conjugaison ?), c'est bien tourné.
    Bravo.

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Francois merlin   bob sinclar

    wen

  • Enfin quand je dis vacances je pense pas de boulot. .. mais des vacances dans les hostos... bref. Ca va aller. Merci ^^

    · Il y a plus de 11 ans ·
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    cerise-david

  • Bonnes vacances à vous deux ! Profitez bien.

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Avatar loup 54

    matt-anasazi

  • Merci Matt... tes lectures assidues et tes commentaires me touchent énormément. Je travaille dur pour partager des émotions et surtout des images... rires... allez il faudra être patient la suite dans une semaine. ... je pars en vacances.

    · Il y a plus de 11 ans ·
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    cerise-david

  • Une belle idylle entre une sirène et un pêcheur qui pèche à "pécho" ! (lol)
    Douceur des sentiments et des personnages, on se laisse porter et on redoute comme Eric la fin des vacances ! Vite la suite en espérant que ce ne soit pas la fin !

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Avatar loup 54

    matt-anasazi

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