Sahara 7. Le Tanezrouft 2ème partie

carouille

Pendant que Daniel sombre dans le désespoir, le docteur Malachowski est invité à dîner par le vieux blédard chef de popote, pour partager avec lui un ananas tout juste reçu de Bamako. Et les camarades sortent deux bouteilles de Cordon Rouge bien frappées pour boire à la santé de l'aventurier, qu'ils savent quelque part dans le désert. Ils ont reçu des nouvelles de lui plusieurs fois, soit par la radio, soit par l'un des camarades de la Transsaharienne qui l'avait croisé.

Mais là, ce matin du 22 février, le docteur est heureux de partir enfin par le car de Gao, 5 jours après Daniel. Le jour même il prend connaissance de son message laissé sur la balise 19. Le dépôt d'essence qui restait n'a pas bougé, car les Touaregs n'y ont pas touché. Au cas où les personnes l'ayant laissé aient auparavant été en contact avec du cochon et soient devenues impures. Tous les passagers du car prennent connaissance des quelques phrases griffonnées sur le toit, et ont maintenant l'impression de faire partie de l'aventure. C'est tous ensemble qu'ils guettent la trace du vélomoteur sur la piste, et le premier qui la repère appelle le docteur à grands cris : « Docteur ! Voilà Douard ! ».

 

Le 22 février, la lumière de l'aube arrache Daniel au sommeil à 5h. Il secoue son désespoir, avale quelques gorgées d'eau et rassemble ses affaires avant de partir. Il se trouve encore à 70km de Bidon V, et il espère y arriver dans la matinée. Les dunes s'étendent autour de lui à l'infini, teintées de rose par le soleil levant, puis nimbées d'écarlate alors que ses rayons s'élèvent. C'est un véritable embrasement qui scintille sous ses yeux. Mais Daniel ne pense qu'à une chose : parcourir ces 70 km et enfin ne plus être seul. Parce que à Bidon V, il y aura le gardien. Il s'arrachera pendant un moment à la solitude implacable du Tanezrouft. C'est étonnant comme quelques heures passées là s'étirent en une éternité, alors que le même temps s'écoulerait en un clin d'œil dans le monde réel.

Au départ la piste est assez bonne, et il peut enfin accélérer l'allure. Mais ça ne dure pas. Il doit à nouveau zigzaguer de droite et de gauche à la recherche d'un terrain praticable pour son petit vélo, et l'épuisement recommence vite à l'envahir. Après avoir franchi un nouveau ravin, il fait une halte à la balise 530. Il n'est plus qu'à 20 km de Bidon V. Et Bidon V marque le centre exact du Tanezrouft. Une fois qu'il aura atteint ce point, il aura parcouru la moitié de ce désert, à mi chemin entre Reggan et le Niger.

 

Daniel reprend la route, et enfin devant lui apparaît à l'horizon un immense pylône qui s'élance dans le ciel. C'est le phare Vuillemin construit à Bidon V, qui s'élève à 32m de haut. Lorsque le lieutenant aviateur Estienne définissait la piste possible pour établir un chemin de fer transsaharien, il déposait tous les 50 km un bidon, ou touque, ayant contenu 200L d'essence. Arrivé à ce point, il demanda à son chauffeur à combien de bidons ils en étaient. C'était le cinquième, et le nom est resté : Bidon V. A quoi cela tient parfois, le nom d'un lieu ! Et en 1933, eut lieu la Croisière Noire commandée par le général Vuillemin qui recruta 28 pilotes pour mener des équipages afin de parcourir 25 000 km dans le ciel, depuis Istres jusqu'à Bangui, et retour jusqu'au terrain d'aviation du Bourget. Le but de ce périple était de démontrer la possibilité de relier toutes les possessions françaises d'Afrique du Nord et du Nord Ouest. Et de voir si les routes militaires pouvaient éventuellement être converties en lignes civiles. Aussi lorsque le phare, prévu pour faciliter les vols nocturnes, est inauguré le 4 juillet 1935, il prend tout naturellement le nom du général.

Bidon V devient vite un point de ralliement saharien. Il permet aux avions et véhicules de faire le plein d'essence grâce à la réserve enterrée dans le sol. Offre un « hôtel » aménagé dans deux carrosseries d'anciennes voitures couchettes de la Transsaharienne reliées par une bâche. Et les voyageurs peuvent y trouver de l'eau, à 6Frs le litre. 

 

Daniel parcourt les 10 km qui le séparent encore de cet îlot de vie avec enthousiasme. La simple vue de ce point de ravitaillement habité régénère ses forces. Le gardien, Moulay Achem, l'accueille avec joie, et lui propose de se reposer à l'ombre, ce qu'il ne refuse pas. Voir un être humain est un réel soulagement. Après les signatures des chefs de postes de Kidal et d'Aguélock, Moulay appose la sienne sur la feuille de route officielle de Daniel : arrivé à Bidon V le 22 février à midi. Il a parcouru 970 km depuis Gao.

Daniel prend le temps de se reposer, et surtout de faire le plein d'essence et d'eau. Pendant que Moulay prépare son déjeuner, il grimpe en haut du phare malgré sa fatigue : admirer le désert qui l'écrase perché à 32m de haut, ça ne se rate pas ! Mais quand Moulay l'appelle, il redescend précipitamment pour manger : du bouillon de poule, une boîte de thon, des confitures…quelles agapes après ce régime de sucre et de dattes ! Et la bouteille de vin déposée à l'aller se révèle elle aussi particulièrement réconfortante.

Après ce temps de repos, Daniel veut repartir au plus vite malgré la chaleur accablante. Cela lui permettra d'attaquer l'erg El-Ofer au petit matin et de profiter de la qualité du terrain à ce moment-là. Mais la mécanique le rattrape une fois de plus. La bougie est de nouveau encrassée, il s'active pour la changer. Et dans la foulée c'est le kick du démarreur qui casse. Après une heure de réparation, Daniel est en nage dans cette fournaise, et persuadé que la poisse s'obstine à le poursuivre.

Le moteur démarre enfin, et la piste étant plutôt bonne, il espère bien rouler ce jour là et atteindre Reggan avant le car régulier dans lequel voyage le docteur Malachowski.

Mais à moins de 20 km de Bidon V, c'est à nouveau la crevaison, la huitième !! Et à nouveau une heure de perdue à réparer. Pendant qu'il travaille, Daniel sent la température se rafraîchir, et un vent d'est se lève. Il craint l'arrivée d'un vent de sable. Le spectacle est magnifique, mais il laisse des marques sur le vélomoteur et son conducteur. Heureusement ce jour-là, ce n'est qu'une fausse alerte.

Il doit encore nettoyer sa bougie. L'encrassement perpétuel est sûrement dû à son mélange trop riche, mais étudié pour aider le vélo à résister aux attaques du sable.

Lorsque Daniel atteint enfin la balise 430 un peu avant la nuit, il décide de s'y arrêter pour dormir. Il a parcouru 150 km aujourd'hui, c'est peu. Mais après sa crise de désespoir, il avait besoin de ce repos prolongé à Bidon V pour reprendre des forces et pouvoir mener à bien son raid. Son dîner retrouve les couleurs habituelles d'eau tiède et de dattes. Daniel fait un trou dans le sable pour se protéger de la fraîcheur de la nuit. Ce soir là, le silence qui l'entoure lui paraît doux et serein, et il s'endort d'un sommeil profond et réparateur.

 

Le 23 février, Daniel se réveille à 5h30. Frigorifié, il court un cent mètres pour se réchauffer. Puis se hâte de plier sa couverture et d'arrimer ses affaires. Ce matin-là, il est profondément heureux. Il chantonne et siffle gaiement. Le plus dur est derrière lui, il devrait être à Reggan demain, avant même le car régulier. La lueur rose qui teinte le ciel à l'est est au diapason de son humeur. Il roule avec entrain, et décide au bout d'une demi-heure de dégonfler ses pneus pour faciliter le passage des zones ensablées.

A 7h, il attaque l'erg El-Ofer, à l'heure où les rayons du soleil levant embrasent les dunes. Au milieu de ce flamboiement, il avance en laissant les traces de voiture sur sa droite. Elles sont d'ailleurs si peu visibles que seule son expérience de la piste lui permet de les lire. Et dès 8h30, l'erg est traversé. Enfin les choses se passent comme il le souhaite. Il s'accorde un temps de repos et mange, sucre et dattes bien sûr, avant que la chaleur ne devienne accablante. Puis reprend la route, le cœur léger.

 

Mais un peu plus loin, son moteur se met brusquement à pétarader. Daniel s'arrête et examine sa machine. Et découvre que l'essence fuit goutte à goutte du carburateur. Les chocs incessants l'ont desserré sans qu'il s'en aperçoive.

Là, en plein milieu du Tanezrouft, il est en panne sèche !

Il transvase le dernier litre d'essence qui reste dans une de ses nourrices et parcourt encore quelques kilomètres avant d'être stoppé pour de bon. Pas de ravitaillement avant le dépôt de la piste d'Ouallem, à 20 km ! Alors qu'à midi il est déjà à la balise 270…Il a parcouru 160 km depuis le matin, jamais il n'avait aussi bien roulé ! Quelle rage devant cette maudite panne ! Daniel empoigne sa machine avec colère devant l'acharnement du sort, bien décidé à la pousser sur les 20 km qui le sépare de son ravitaillement. Mais la chaleur grimpe à chaque minute, et la machine est si lourde, et roule si mal sur le sable. Au bout de 4 km, épuisé, Daniel fait une halte. Profitant de la présence d'un bidon, il appuie son vélo dessus et étale sa couverture sur la machine pour se faire un petit coin d'ombre. Il est 16h, et il est épuisé. Après une demi-heure de repos, il décide de parcourir à pied les 16 km restant pour aller chercher l'essence. Il espère mieux marcher au fur et à mesure que la chaleur tombera, et peut-être même profiter de la fraîcheur de la nuit pour revenir jusqu'à son vélomoteur.

Il part donc à pied, mais le parcourt est un enfer. Il trébuche, s'enfonce dans le sable, est inondé de transpiration, fait deux fois de mauvaises chutes. Quand il arrive enfin au poteau où son ravitaillement est enterré, il est 22h : il a lutté contre le sable durant 6 longues heures ! Impossible de rebrousser chemin ce soir-là, avec en plus un bidon plein d'essence à porter. Jamais il ne s'est senti aussi faible, aussi près d'avoir épuisé toutes ses forces. Il n'a même pas la force de manger alors que ses vivres sont là, juste à portée de main. Il peut seulement avaler un peu d'eau tiède avant de s'effondrer. A mains nues, il gratte un peu la surface du sable pour essayer de s'enterrer. En plein milieu du Tanezrouft, sans couverture, la nuit va être glaciale, et longue. Très longue.

 

Le 24 février, le froid le réveille à 4h30. Grelottant, il court un cent mètres avant de revenir se réfugier dans le sable, où il se rendort jusqu'à 8h30. A ce moment, le soleil commence à réchauffer l'atmosphère. Daniel est perdu au milieu du Tanezrouft, loin de sa machine, et le silence n'a jamais été aussi absolu. Assis, il jette un regard vague et désabusé autour de lui. Après tout ce qu'il a affronté, même cette solitude infinie ne le touche plus. Il est au-delà de ça. Résigné, il attend le passage du car vers 11h. Mais finalement dès 10h15, une Renault Primaquatre s'arrête devant lui. Géllieaux, un planteur belge de l'Equateur, a quitté Bidon V ce matin, à peu près en même temps que le car, et se rend à Reggan pour récupérer son avion. Il commence par fournir des vivres à Daniel, et propose ensuite de le conduire jusqu'à sa machine.

Le car s'arrête alors que Daniel est en train de faire le plein des réservoirs, et ce sont les retrouvailles avec le docteur Malachowski. Tous deux ont la gorge nouée, mais leur inquiétude s'estompe enfin un peu. Et Daniel présente une fois comme toujours ce visage serein et calme. Mais quand même. Alors qu'il se restaure avec du cake, des conserves, du fromage, toutes vivres offertes par les voyageurs, alors que les voyageurs et le chauffeur du car se démènent pour réparer sa pauvre machine, deux grosses larmes coulent sur les joues du blédard épuisé. Le docteur Malachowski s'affole. Il ne va quand même pas abandonner ? Non, bien sûr que non. Mais toute cette solidarité, toute cette aide donnée spontanément pour l'aider à surmonter les épreuves le touchent en plein cœur. Après tant de solitude et d'épreuves qu'il a dû affronter seul, cette chaleur humaine le prend aux tripes.

 

Daniel repart enfin vers le nord, et dépasse bientôt la balise où il a passé une nuit si horrible.

Et dès lors, les ennuis recommencent. D'abord la bougie qui s'encrasse à nouveau. Décidément, si ce mélange enrichi protège le moteur de l'usure face à tous les efforts qui lui sont demandés, il est toutefois beaucoup trop encrassant. Et dans la foulée, le pneu arrière crève (ce n'est que la 9ème fois !). Il va pour changer une fois encore sa roue quand il découvre que la mèche qui protège la chambre à air des rayons est déchirée. Une fois de plus, c'est la solidarité du bled qui lui sauve la mise. L'une des passagères se défait de la chambre à air de son vélo arrimé sur le toit du car pour lui permettre de repartir. Après une longue réparation, Daniel veut à nouveau démarrer, mais une fois encore, rien ! Cette fois c'est le volant magnétique qui est déréglé, et qu'il doit entièrement démonter et remonter. Péniblement. Une telle traversée, avec tous les incidents qui la jalonnent…Heureusement que Daniel a une solide formation en mécanique, sinon il aurait été arrêté depuis longtemps ! Mais malgré ses connaissances, il a encore perdu 4 heures à remettre sa machine en état. Il démarre enfin, et le car le dépasse. Le docteur Malachowski a une boule dans la gorge en voyant s'amenuiser la petite silhouette dans l'infini du désert : il a bien compris l'état de fatigue extrême dans lequel se trouve son poulain, et lui aussi est près de commencer à croire à la guigne.

Daniel doit encore parcourir 240 km avant d'arriver à Reggan. Si la poisse l'oublie enfin, il devrait y arriver le lendemain. Mais ce soir, il s'arrêtera à la balise 210.

Son sommeil n'est pas serein. L'accumulation de problèmes le retarde, et chaque jour qui passe le rapproche inexorablement de la mauvaise saison. L'inquiétude l'oppresse. Un vent d'est se lève lentement, et tout l'après-midi, le soleil était légèrement voilé. Un vent de sable s'annonce, et la gorge de Daniel se serre de plus en plus au fur et à mesure que la température descend et que le vent forcit. Il ne mange pas, se contente d'avaler un peu d'eau. Le sable vole de plus en plus fort, et Daniel se réfugie dans son chech et met ses lunettes. Le coucher est lourd et triste. Aujourd'hui, il n'a fait que 60 km, et il est fort probable qu'il ne puisse pas rouler du tout le lendemain.

De son côté, arrivé à Reggan, le docteur Malachowski décide de renoncer à monter dans le car régulier. Il se sent incapable de partir sans savoir ce qu'il advient de Daniel, et décide d'attendre son arrivée. Alors qu'il s'imagine une longue attente morose, il croise sur place Pierre Bonardi, ancien fonctionnaire colonial et romancier corse, un ami de jeunesse. Ils partagent une longue veillée où se mêlent les souvenirs, les anecdotes, et l'histoire de ce voyage un peu fou.

 

 

Le 25 février, Daniel se réveille à 4h30, grelottant, et pique une fois de plus un cent mètres pour se réchauffer. La tempête semble se confirmer. Le sable emplit de plus en plus l'air. Et la machine refuse de marcher. Il doit la pousser sur plus de cinquante mètres pour parvenir à entraîner le moteur. Malgré les lunettes, il a de plus en plus mal aux yeux, et le vent est de plus en plus fort. A la balise 160, il transvase de l'essence. Quand il redémarre, le vent le fait tomber une première fois. Mais Daniel s'acharne, il veut absolument parcourir au moins 10 km, pour arriver à la balise 150 où les voyageurs du car ont promis de laisser des vivres à son attention.  Il lui faut lutter contre le vent et le sable pendant presque une heure pour parcourir ces 10 km, mais cela en valait la peine. Une tablette de chocolat, une boîte de pâté, un peu de pain, et même une lichette de rhum laissée par son camarade, le chauffeur Orel…Ce festin lui met un peu de baume au cœur. Et encore plus le mot laissé par le commandant Martial, l'un des passagers du car : « Bravo, mon cher Douard, on vous attend pour l'apéritif demain au soir. Si vous n'êtes pas là, nous irons vous chercher. Tout le car pense à vous. Balise 150. 20h. 24 février 1938. Bien amicalement. Martial ». Ces quelques mots amis au milieu du désert, après toute cette solitude…Daniel est profondément touché, et ému.

 

Mais la tempête de sable est là. 

  • Quelle épopée formidable !

    · Il y a plus de 8 ans ·
    Mai2017 223

    fionavanessa

    • ;) C'est vrai que c'était un homme formidable ;) Merci ;)

      · Il y a plus de 8 ans ·
      Ananas

      carouille

  • Ah! voilà la suite ! j'ai pas le temps de lire ! je viendrais prendre mon kaoua avec Daniel demain matin !

    · Il y a plus de 8 ans ·
    Loin couleur

    julia-rolin

    • Pas d'affolement, il risque de pas bouger pendant un petit moment :))

      · Il y a plus de 8 ans ·
      Ananas

      carouille

  • Quelle aventure !!

    · Il y a plus de 8 ans ·
    Ade wlw  7x7

    ade

    • Pffffff... Quelle galère oui tu veux dire !!!

      · Il y a plus de 8 ans ·
      Ananas

      carouille

    • Exact plutôt galère en effet, mais c'est passionnant à lire ! Merzi biz

      · Il y a plus de 8 ans ·
      Ade wlw  7x7

      ade

    • :))))

      · Il y a plus de 8 ans ·
      Ananas

      carouille

    • Zrrr frrr grrr grrr

      · Il y a plus de 8 ans ·
      Ade wlw  7x7

      ade

    • :)))) décidément, j'aime bien ce Z !!! :)))) en plus ça rappelle zorro !! :)))

      · Il y a plus de 8 ans ·
      Ananas

      carouille

    • Un cavalier qui surgit hors de la nuit....tiens en parlant de cavalier tu as le bonjour de Casey ha la la ce héros ;))))))

      · Il y a plus de 8 ans ·
      Ade wlw  7x7

      ade

    • Mdr :))) et puis toi tas déjà la cape !! Bonjour à Casey aussi, de ma part et de celle d'Alex :))))

      · Il y a plus de 8 ans ·
      Ananas

      carouille

    • Je passerai le message avec graaaannddd plaisir ;))

      · Il y a plus de 8 ans ·
      Ade wlw  7x7

      ade

    • Tu m'étonnes :))

      · Il y a plus de 8 ans ·
      Ananas

      carouille

Signaler ce texte