SAMEDI CAFÉINE

petitepepite

            Faut saisir l'instant et se dire que c'est sans doute ça le bonheur. Au moins le sentiment à peu près supportable que l'on est en vie. Il y a toutes ces choses. 

               Comme se recoucher le samedi matin dans son lit avec un café brûlant devant un film. Le simple luxe de prendre son temps, et cette odeur de caféine qui embaume la chambre.

                 Le jeudi soir aussi. Cette soirée où la nuit devient plus belle que le jour, où le vin se mêle à notre sang dans nos veines. Où les mots n'ont pas besoin d'être entendus. Il suffit de les penser, de se regarder et nous savons que nous sommes là l'un pour l'autre, pour toujours. 

                 Ou encore ces heures à déambuler dans les rayons des librairies, les bras chargés de nouveaux livres qu'on n'avait jamais pensé acheter.

                Il y a aussi la première cigarette du matin, la meilleure, avec cet ami de la fac, avant le premier cours. Oh, il y a peu de dialogue, nous sommes encore dans les bras de Morphée. Mais la douce odeur du tabac se mêle au froid automnal et c'est joli. 

             Et Juliette. Tant d'amour dans une si petite chose. Il n'y a pas de mots pour décrire l'émerveillement qu'on peut lui porter. Des toutes petites mains, un petit nez, des petits pieds mais une immense profusion de joie. Je lui porterai toute l'aide qu'elle demandera.

              Il y a cette satisfaction quand on réduit la médication. Quand, ça y est, on envisage de vivre avec moins de milligrammes. Quand le blues est un souvenir moins présent.

             Il y a ce mec qu'on aime pour la vie, parce qu'il a changé quelque chose en nous. Malgré tout le mal qu'il a pu faire, on l'aime pour toujours. 

             Et les pâtes au poulet épicé que cette amie prépare le mardi midi. L'appartement est plein de musique, ça sent bon les épices, ça rit fort. C'est du réconfort.

               On se blinde de films aussi. Jusqu'à épuisement. En vouloir toujours plus, ne jamais assouvir sa soif de cinéma. 

                Marcher sous la pluie avec The Cure ou Joy Division dans les oreilles. Monter le son au maximum, ne plus voir les passants, presser le pas pour rentrer chez soi.

                Et une multitude d'autres choses. Ecrire des phrases dans sa tête, qu'on retient pour plus tard. Trouver des mots ou des expressions rigolotes et les noter dans son téléphone. Prendre des photos de tout pour ne pas oublier. Se dire qu'on a bien fait de changer de vie. Aimer Verlaine, aimer Duras, aimer Anouilh. Mais détester Prévost. Relire des livres de droit et se dire qu'on a bien fait d'essayer. Se brûler la langue avec un thé brûlant. Dessiner toute la nuit, dormir le jour. Ou ne pas dormir, juste vivre. Aimer l'hiver, aimer le froid et les mitaines. Projeter de nouveaux voyages, toujours plus loin, rêver de Sibérie et d'Argentine. Espérer retourner à Kyoto, espérer revoir Brooklyn, espérer fouler de nouveau les pavés de Moscou. Se dire que la vie est belle, tout de même.  



Signaler ce texte