Sauf cyclistes...

Yeza Ahem

De la difficulté de trouver sa place... voire de la place...

Fièrement juchée sur mon destrier d'acier, je sillonne chaque jour les voies urbaines. J'aime bien la liberté que j'en ressens et le vent dans mes cheveux car, non, je ne les protège pas dans un carcan en boîtes à œufs pour ne pas ajouter à l'assurance de mes challengers sur le bitume. Un jour donc, le ciel était bleu et le soleil au firmament. J'avais fait quelques courses qui arrondissaient mes sacoches et élargissaient les flancs de ma monture. J'allais bifurquer sur une artère à ma droite quand j'aperçus le petit panneau nouveau : "Sens interdit sauf cyclistes" droit devant moi. Quelle tentation... je pourrais gagner 200 bons mètres que mes mollets pourraient redonner plus loin, là où le dénivelé devenait plus raide. Bref : je cédais.

La voie était dégagée pour les premiers tours de roues et j'en étais à remercier intérieurement le petit nouveau quand je vis poindre un mastodonte en face de moi. Il était noir, brillant de mille feux, et pouvait transporter une équipe de basket entière sans qu'aucun des joueurs n'eut à ployer la nuque. Je ralentis et observais que "lui + moi" ça ne marchait pas. Il n'y avait pas la place, à moins de remplacer par une trace rouge le petit cycliste déjà représenté sur le sol, pour que nous nous croisions. Le trottoir était ridiculement étroit, et seule une zone élargie semblait permettre le croisement sans dégâts pour lui et moi. Seulement, lui aussi l'avait vue. Et lui, il avait décidé d'enlever cette option du tableau... Il continuait à avancer... trop vite pour mon esprit qui tentait d'évaluer toutes les possibilités : "gogo gadget aux roues" pas mis en place, zeppelin pas aligné sur ma position, trappe dans le macadam pas prévue... Je ne voyais plus qu'une solution : qu'il se colle à gauche et moi à droite, un pied sur le micro-trottoir. Je me décalais. Mais lui, non. Et il avançait. Il n'allait quand même pas ? Si ! J'en étais à présent sûre. Alors, comme dans toute situation d'urgence, mon cerveau prit le contrôle. J'avais 2 secondes pour me planquer. 1- Sauter du vélo et le porter sur mes pieds pour le protéger du monstre qui avançait. 2 - Afficher un sourire en sortant mes clés et les dirigeant négligemment vers la peinture chromée.

Je perçus un léger scrrrriiiiiitttttttt. Je n'avais plus qu'à repartir, héroïne méconnue mais heureuse de m'être vengée. Décidément, il faisait beau, et la brise était plutôt agréable...

Licence CC : BY-NC-SA

Signaler ce texte