Sensualité dans les rues de Paris
leeman
"Je n'existe pas, sinon que tous les jours. Je suis du genre à regarder toujours plus loin dans les cieux pour y voir les beautés d'en-haut. Mais elles nous sont inaccessibles. Un peu comme ces femmes, mystérieuses, sensuelles, qui vagabondent en masse dans ces rues sans fin de Paris. Pour autant qu'il y en ait de tous les âges, ma vue s'arrête parfois sur le corps de femmes plus grandes que moi. Je n'ai que 20 ans ; c'est jeune, je trouve. Je n'ai vécu l'amour qu'une année. C'est court, et ça ne représente rien sur l'échelle de mon existence. Alors quoi ? Je me disais un soir, peu après ma séparation, qu'il était temps de prendre les devants, et de contrôler la vie là où c'est elle qui m'a tant contrôlé.
La lune est pleine, et les rues illuminées le sont tout autant que cet astre de la nuit. C'est l'été, là où il fait toujours 23 degrés à 22h, le soir. Là où les robes embellissent les courbes subtiles de la femme, et là où elles rendent les hommes aussi forts qu'une poignée d'esclaves désirant. Habituellement, on aime à se sentir plus grands que la femme, à la faire se sentir petite et impuissante. Mais si on y regarde de plus près, ce sont nous les impuissants : toujours à regarder ce qu'on aime tant empoigner, toujours à vouloir tâtonner du regard un divin décolleté.
C'est là que la femme est forte, elle joue à un jeu très jouissif. Je n'ai que faire de tout cela, j'essaie de m'en détacher et d'être un homme qui ne contemple pas toujours le corps féminin. Il attire, et alors ? Il faudrait d'abord juger au regard plutôt qu'au corps. Et c'est ce que je me plais à faire depuis que je suis de nouveau célibataire. Quelques soirs, lorsque mon âme sent le besoin de se balader, je me poste en un lieu plutôt convoité par la gente féminine. Un lieu qui déborde de charme et de chaleur. C'est la fougue humaine qui vient à animer tous mes moments. Parfois je marche, parfois je reste assis à chercher celles qui m'intéressent du regard. Certaines ne me remarquent pas, et d'autres font croiser nos regards : c'est l'instant décisif. C'est là où il faut savoir se faire comprendre, exalter son désir, son attirance. Et si elle est réceptive, je sais quoi faire, et comment le faire. Par chance, aujourd'hui est un soir où j'ai su montrer mon charme, ou mes yeux ont su parfaitement refléter l'éternel désir qui sommeille en moi depuis que j'ai commencé mes conquêtes. La plupart me sourit, mais n'ose pas aller plus loin, sûrement qu'elles sont amoureuses, ou trop timides. En revanche, certaines savent me rendre ce délicat signal en me faisant un clin d'œil, ce clin d'œil... Celui qui vous fait chambouler intérieurement, celui qui vous fait comprendre que la porte est grande ouverte, et qu'il n'y a qu'un pas avant de pénétrer dans l'enceinte même de ce jeu qui vous plait tant. Le vent souffle chaleureusement, dénudant tous ces cous, miroirs de douceur. C'est là qu'on tend à déposer nos lèvres, car c'est ce qu'aime la femme : la tendresse. Et, par chance et grâce au vent, je vis spontanément cette jeune femme... Aux allures ma foi plutôt gracieuses, et ça me plaisait. Et ses yeux, plein d'ivresse amoureuse, et son cou, plein d'impuissance sensible, m'avaient intrigué, m'avaient charmé. Alors quoi? Je ne pouvais que répondre à son accord. Il fallait m'élancer. Elle était brune et moyennement grande, 1m70, dirais-je. Je trouve cela idéal pour qu'une femme soit entièrement fatale. Si elle fut trop grande, toute subtilité aurait été annihilée, comme remplacée par la dureté ; si elle fut trop petite, le charme aurait disparu tantôt sa petitesse semblait masquer ses atouts.
En bref, elle était parfaite pour moi et mon mètre 83. Je conçois qu'il existe plus grand et plus viril, mais croyez moi que la hauteur ne suffisait point ; sans ce regard qui change tout, on arrive souvent à rien, on pense à la démesure et à l'extase par la seule force d'un charme physique, mais ça ne fait pas tout. Je m'avançais alors vers elle, puisqu'elle s'était arrêtée comme pour m'inciter à venir. Belle robe et beaux talons, elle était sublime à mes yeux, ce fut une occasion en or ; j'aime partager ces moments avec des femmes que je ne connais pas. Elle me plait et je semble lui plaire, alors pourquoi ne pas en profiter ? La vie est tellement courte est injuste ; il serait profondément stupide de s'insurger d'un tel plaisir, il est le plus beau qu'on ait pu nous accorder. Et moi je m'insurge de ceux qui restent à 18 ans avec la même personne pendant des années, car j'ai déjà vécu ça, et je regrette de ne pas avoir profité de la vie. Je regrette d'avoir consacré un an de ma vie à cette jeune femme, mais je ne lui en veux pas, je m'en veux juste d'avoir été aveuglé et déraisonné par l'amour. Vous pourriez alors penser que je suis un Dom Juan ; je n'en suis point un ; mais ça n'est pas le cas. Je suis simplement entre lui et l'homme coincé. Celui qui prend son plaisir comme une valeur importante, non pas tous les soirs, parfois, souvent, mais pas tout le temps. Je suis du genre rancunier, c'est pour ça que mes relations actuelles sont purement un moyen pour le plaisir qu'elles me procurent.
Je me suis approché, timidement et balbutiant presque, pour aborder cette jeune femme. Nous avons discuté très brièvement, nous sommes avoués nous plaire mutuellement. C'était à moi de jouer ; il fallait jouer fort, comme pour lui prouver que je la voulais elle, ce soir, et pas une autre ; mais il était aussi important d'insinuer ce que j'avais à insinuer. Je l'ai ainsi invitée à boire un verre, ou un café, ou un chocolat chaud, je ne sais que trop, les choix sont toujours compliqués à faire. Mais, avec cette perle à mes côtés, je me résolvais à choisir un café noir, bien puissant, qui puisse faire éveiller mon énergie et dissimuler ma fatigue. Quant à elle, même chose : nous buvions tous les deux le même. Il était chaud, il faisait chaud, alors je commençais à avoir chaud. Nous étions fin juin, le soleil était encore à peine au loin, toujours à nous fuir pour revenir plus tard. Autant profiter de son absence pour ne point suffoquer. Il fallait que je déboutonne le haut de ma chemise, qui commençait à m'empêcher de respirer. Elle semblait très attentive à mes mouvements, mes mots, mes intonations, comme s'il fallait lui plaire dans la gestuelle avant de lui plaire physiquement. Mais elle n'était pas seule, je ne cessais de contempler tout ce qu'il y avait de visible. Ses mains, vernies d'un rouge explosif, étaient les plus sensuelles qu'il m'ait été de contempler. Son visage, point par point, formait une splendide harmonie. Je ne cessais de basculer de ses yeux, vers sa bouche, puis vers ses mains.. Je dois avouer que je les voulais longer mon corps... Je crois que je n'ai jamais autant souhaité qu'une femme masse et caresse tendrement chaque parcelle de ma peau ; sa voix était douce, et je l'imaginais déjà transformée par le plaisir... Je m'égare, et la chaleur domine en moi comme un soleil domine l'espace... Elle le voyait, riait, savait qu'elle ne me laissait pas indifférent, elle se plaisait même à croiser, et à décroiser ses jambes plusieurs fois comme pour me forcer à admirer ses cuisses... Qu'elles étaient tentantes, qu'elle était tentante. Mais je ne voulais pas perdre, je ne voulais pas, qu'au milieu de cette foule Parisienne, l'on me voie lui sauter dessus comme pris d'une intense pulsion incontrôlée. Mais je l'aime, cette pulsion, je l'aime la laisser s'emparer de moi afin que je m'imagine un scénario, presque sans vouloir imaginer ; son sourire était divin, jamais telle beauté n'avait pu exister en ma conscience ; c'était agréable de parler avec elle, de savourer ces petits instants... En réalité, c'était bientôt elle que j'allais savourer. J'avais déjà prévu le lieu, il ne me suffisait que de quelques propositions pour l'avoir, pour la capturer. Oui, elle est ma proie, la plus belle que j'ai pu trouver. Quoique, comme je l'ai expliqué, c'est plutôt moi qui suis sa proie, prisonnier de son charme, mais je ne m'en plains pas. Et je compte malgré tout passer les plus beaux moments de ma vie, et ainsi embrasser les plus beaux plaisirs.
La fin approchait, ou le début, je ne sais point. La fin d'un mystère et d'un jeu, mais le début d'une nuit pleine d'émoi et d'exaltation charnelle. Le comble, c'est que ç'allait être le sentiment de nouveauté et l'incessante compatibilité qui vont nous mener à aimer. Elle s'est levée, s'est légèrement penchée pour prendre son sac, comme pour signifier qu'elle s'apprêtait à partir. J'ai retenu son bras, mis le prix des deux cafés sur la table, et l'ai regardée intensément : elle avait compris ce que je voulais. C'est d'une voix tendre que ces mots résonnent encore en moi :
"Où veux-tu aller?
- J'ai réservé, ne t'inquiète pas. Nous pouvons prendre notre temps, si tu n'es pas pressée de rentrer chez toi.
- Non, j'ai maintenant l'envie de découvrir ce que tu as tant envie de me faire.
- Dis-toi pour l'instant que j'ai l'envie de te faire frissonner."
Je n'avais pas souhaité savoir son prénom, et je n'avais pas dit le mien. Nous voguions jusqu'au lieu en se parlant tendrement. Je ne savais d'elle que son âge et ses passions, souvent les mêmes que les miennes. Je l'ai laissée passer pour rentrer dans le hall de l'hôtel, puis l'ai priée de passer devant pour monter les escaliers : c'était en vérité pour mieux apprécier la vue que le bas de son corps m'offrait. Elle semblait timide, elle rougissait, elle savait ce qui allait se passer. La porte était ouverte, et le lit prêt à nous supporter toute la nuit. Les lumières étaient tamisées et la salle sentait réellement bon, c'était un parfum capable de nous rendre amorphes ou saouls.
J'ai fermé la porte à clef, pour ne pas qu'on nous dérange. J'ai ouvert la fenêtre pour respirer un coup et faire descendre la chaleur présente en moi, et celle que j'expulsais. Puis je l'ai fermée. Quant à cette divinité, elle s'était allongée, et me regardait maintenant intensément. Elle caressait sa jambe avec le pied opposé, et ses sublimes mains épousaient parfaitement le contour de sa poitrine. Comment résister à ce spectacle qui vous aspire ? Je me sentais attiré, de force presque, elle me contrôlait, contrôlait mes pulsions les plus enfouies. Elle remontait sa robe et la redescendait, comme pour me narguer, comme pour me montrer qu'il n'y avait rien sous cette dernière... Qu'elle était vilaine. Je m'approchais alors du bas de ses jambes, pour les lui embrasser, et, en la massant, et, en pétrissant ses cuisses fougueusement, je faisais remonter mes lèvres par baisers délicats, sensuellement jusqu'au milieu des cuisses. Je sentais l'ardeur s'accaparer de son âme toute entière. Et son corps, que je pensais refroidi par la nuit, semblait retrouver de la couleur et de l'animosité : elle semblait à son tour revivre et avoir envie de plus. Mais de quoi ? Je lisais dans ses yeux la plus pure des réponses, l'envie immédiate qui hantait sa pensée. Il était certain que je la désirais ; il était temps de m'occuper de cette jeune femme, que je dévorais tant du regard, et ce depuis déjà quelques heures. Je savais que rien ne serait plus beau que ce qu'elle s'apprêtait à m'offrir."
Les deux amants semblaient apprécier cet échange. L'homme prenait soin de la femme, et à son tour, la femme faisait du bien à l'homme. Ce fut comme un échange comme jamais il n'eut vécu, comme un renouveau dans ce qu'on tend à penser de choses charnelles, la banalité. Lui semblait aimer comme jamais, et elle semblait adorer cet acte intime, ces moments partagés. La nuit continuait son cours, une grande avenue longeait le bas de l'immeuble pour partir ensuite verticalement vers l'horizon ; on n'y voyait guère de fin. C'est tout comme leur acte, jamais il ne semblait cesser. Et cet homme, jamais ne voulait s'épuiser. Il savait que ce plaisir, éphémère était-il, allait le hanter encore longtemps, jusqu'à ce qu'il trouve encore mieux : était-ce possible ?
Ils se sont tout fait, même l'inimaginable, dans la limite du respectable. Jamais le plaisir n'avait été à ce point exalté, et la fatigué née sur leur corps. Après plusieurs jouissances, ils s'épuisaient, mais continuaient, pour que la nuit s'écoule encore comme une traînée de poussière qui s'évade toujours plus loin. Il est véritable qu'ils semblaient s'aimer, à faire l'amour avec tant de passion. Mais non, c'était un acte qui allait bientôt se terminer, et cette rencontre, chaleureuse, allait demeurer dans leur conscience, tel un souvenir qu'on garde proche de "l'ouverture mémorielle".
Les lumières ne s'estompaient point, illuminant toujours plus les avenues de la capitale. Et les heures défilaient ; suite à plusieurs de celles-ci, leurs chemins allaient se séparer, pour ne plus jamais se recroiser. Ils avaient fait l'amour, encore et encore.
Pour elle, le futur se réduit à se mêler à la masse ; pour lui, c'est constamment un nouveau jour qui recommence.