Sept ans

Je m'appelle Solène et depuis sept ans je file le parfait amour avec Vincent. Aux yeux de mes amies nous formons un couple idéal mais en réalité, depuis un moment, notre vie a basculé dans une terrible routine. Du lever au coucher nos journées sont en replay, semblables sans événement négatif ou positif. Cet été, dans un cadre méditerranéen ensoleillé propice aux bonnes résolutions, nous avons abordé ce sujet sensible. Ce  constat fit l'objet d'une conversation sur le moyen de réveiller cette petite flamme qui nous faisait vibrer lors de nos premiers rendez-vous. Nous faisions l'amour expressivement en susurrant des mots doux. Aujourd'hui nous copulons silencieusement comme des robots, parvenant à l'orgasme par des automatismes. Chacun s'en tient à son rôle, connait les limites de l'autre et, après des préliminaires bâclées voire inexistants, s'en va dormir une fois son propre plaisir atteint. Nous nous étions habitués à cette satisfaction souvent à sens unique... jusqu'à cet été.

Nous dévisagions les jeunes couples d'un œil envieux, et c'est ainsi que mon grand amour m'a  fait une proposition surprenante : s'accorder une seule aventure avant Noël. En stratège, il voyait en ce défi un apprentissage qui nous permettrait de réinventer nos ébats. Il est vrai qu'à 23 ans le sexe était notre moteur. Nous ne manquions pas une occasion de réaliser certains fantasmes sans la moindre pudeur. La trentaine avait fustigé cette fougue par l'épuisement causé par notre quotidien de braves travailleurs. Si son poste de manager lui apportait au moins un certain épanouissement j'étais cantonnée à la case d'assistante de direction sans espoir d'évolution proche. D'abord réticente à l'idée d'offrir volontairement mon homme à une autre femme, j'avais finalement accepté le principe de ce stage sexuel.

Passée l'angoisse du retour des grandes vacances, où les scènes idylliques font place à la froideur des transports en commun, j'envisageais les différentes pistes pour trouver le parfait partenaire. Novice à cette chasse à l'homme connue des célibataires, j'avais le choix entre l'espoir utopique de le croiser miraculeusement entre deux métros et l'inscription aux sites de rencontre dans l'air du temps. Je scrutais les inconnus qui croisaient mon chemin, avide d'un regard échangé qui laisserait supposé une suite. Mais aucun ne semblait répondre à mon appel. Tous les soirs je détaillais les gestes de Vincent à la recherche d'un comportement révélateur de son infidélité. Il ne laissa paraître aucun signe. 

Alors que je pensais abandonner ma participation à cette folie, Eric changea la donne. Il interrompit mes pensées matinales en me demandant quelle ligne il devait prendre pour atteindre sa destination. Je levais la tête prête à me débarrasser rapidement de ce perturbateur lorsque sa beauté me fit l'effet d'une décharge électrique. Avec mon plus beau sourire je lui indiquais son itinéraire qui, par chance, était en partie similaire au mien. Il me suivit et prit place à côté de moi, dans un espace vide au bout du wagon. Eric se présenta et amorça la conversation par un court monologue sur les raisons de sa venue à Paris. Son statut de dirigeant d'une importante société ne faisait que confirmer le pouvoir du charisme qu'il dégageait. Je me devais d'être à la hauteur et c'est ainsi que naquit Kelly. Elle était une autre version de moi-même. Responsable d'un service marketing qui comptait dix salariés, Kelly était célibataire et ambitieuse.Ce choix de ne pas dévoiler ma véritable identité me permettait de profiter de plus de liberté d'action. Eric captait toute mon attention et m'entraînait dans sa bulle, indifférente aux stations qui défilaient. Il profita d'un freinage brutal du conducteur pour poser une main sur ma cuisse. Ce geste suffit à me faire frissonner. Guettant ma réaction, il remonta vers mes hanches, caressa mes bras et arriva jusqu'à ma joue. Il se leva et s'éloigna en retirant ses doigts au dernier moment. J'étais hypnotisée par cette rencontre, incapable de bouger. Je me repassais la scène dans ma tête encore sous le choc de cet instant hors du temps. Je découvris une feuille de papier posée sur mes genoux. "RDV ce soir 19h bar de l'hôtel Dolce". J'étais parvenu à ce que je voulais et pourtant mes sentiments était partagés. Je craignais de céder trop facilement à un homme qui probablement avait chaque soir une femme différente dans son lit. D'un autre côté cette situation présageait qu'il n'y aurait pas d'engagement. Kelly aurait ce qu'elle veut et la gentille Solène rentrerait chez elle comme d'habitude. Il me fut impossible de me concentrer au travail. J'informais Vincent que je sortais avec mes amies, consciente qu'il douterait de mon argument. 

Sur le chemin de l'hôtel je laissais peu à peu Kelly reprendre le contrôle. Avec elle, ma jupe droite classique prenait une allure plus sexy, sa démarche était plus assurée et sa féminité ne laissait personne insensible. J'arrivais devant l'hôtel, entrais d'un pas élégant, observant le décor où la sulfureuse Kelly ferait sa première - et unique - victime. A cette heure-ci, le bar lounge était presque vide et je repérais Eric installé sur un canapé. Il se leva et approcha son visage du mien pour me chuchoter à l'oreille "On va dans ma chambre ?". J'acceptais. A partir de là il n'était plus question de faire marche arrière. Dans l'ascenseur, nos lèvres et nos langues se rencontrèrent en guise d'introduction. Arrivés au bout du long couloir, j'entrais dans la chambre qui allait être témoin de mon adultère. Eric m'entoura de ses mains et ma jupe tomba à mes pieds. Il me souleva et me posa doucement sur le lit. J'étais électrifiée par le plaisir qu'il me procurait. Nos vêtements ne résistèrent pas longtemps à notre excitation. Kelly prit alors complètement possession de mon corps. Je déboutonnais son pantalon, baissais son caleçon et répandit ma salive sur son sexe avant de le parcourir avec ma langue. A l'opposé de Solène qui écourtait les fellations, Kelly prenait son temps. Eric m'attira vers lui me renversant sur le dos. Les jambes écartées j'attendais de le sentir aller et venir en moi. Quand enfin nos corps ne firent qu'un j'agrippais ses fesses pour qu'il entre plus profondément. Je gémissais tandis qu'il continuait ses mouvements de plus en plus rapides. Soudain, je lui ordonnais de se retourner et il s'exécuta. Je replaçais son sexe dans l'axe du mien et m'activais à mon tour, courbant le dos pour poser mes seins sur son torse. Je le privais ensuite de l'usage de ses mains en les tenant fermement tout en léchant son oreille. Je me penchais en arrière et remuais de gauche à droite pour amplifier l'effet de sa pénétration.  Je ressentis alors un orgasme long et puissant. Je laissais échapper un cri. Lui était toujours en transe et je continuais à onduler jusqu'à ce qu'il atteigne lui aussi le septième ciel. Je le regardais soupirer jusqu'au spasme final.

Je me retirais et me dirigeais vers la salle de bain. Je ne reconnaissais pas celle qui me faisait face dans le miroir. Solène devait attendre bien sagement sur le pas de la porte. Je retournais auprès d'Eric qui était debout et s'était déjà rhabillé. Visiblement il était temps de partir.J'enfilais lentement mes vêtements comme pour repousser la sortie qui annoncerait la disparition de Kelly. Je pris la dernière initiative de l'embrasser pour garder en mémoire la sensation du toucher de ses douces lèvres. La poignée de la porte me semblait lourde et difficile à tourner. Une fois refermée, j'empruntais le long couloir, l'ascenseur puis quittait l'hôtel désormais en tant que Solène. 
La raison l'emporta sur la luxure et la culpabilité fit une entrée fracassante dans mon esprit. Les traces d'ivresse s'effaçaient petit à petit et mon regard plongeait vers le sol, fuyant les observateurs qui liraient la trahison sur mon visage. J'avais encore en tête des images et des odeurs de cette escapade sexuelle qui avaient réveillé un aspect dominateur de ma personnalité. Moi qui, avant cette aventure, voyais en l'acte d'amour une enveloppe charnelle et romantique considérais désormais le sexe sous un nouvel angle. Le personnage de Kelly que je m'étais inventé avait révélé ce qu'il me manquait. Avec Vincent tout était prévisible, évident. Je me pliais à exécuter nos positions, lui reprochant son manque d'originalité mais sans pour autant agir moi-même. J'appréhendais mes retrouvailles avec lui après ce dérapage qu'il m'avait pourtant autorisé.  

En arrivant à la maison, j'évoquais brièvement ma soirée au restaurant et il n'insista pas sur les détails. Je luttais pour m'endormir, emprunte à des interrogations sans issue. Kelly et son assurance me manquait. Elle suivait ses envies sans penser aux conséquences. Ce n'était pas pour rien que je lui avait choisi un poste à responsabilités. Etudiante en communication, j'étais autrefois certaine que ma carrière était toute tracée. Tout avait été balayé par les opportunités qui ne s'étaient pas présentées. Et voilà comment j'avais accepté de renoncer à mes ambitions.

Le lendemain, Vincent se montra très entreprenant. Il suivit le parcours habituel de mes courbes et plongea ses doigts dans mon intimité. Je fermais les yeux et Kelly les ouvrit.