Sombre reflet
cerise-david
Je ne sais pas comment j’ai finit dans cette soirée, pour « vieux », mais toujours est-il que je suis là… à danser sur les meilleurs titres d’Elton John et de Freddie Mercury… Je sais que je bois beaucoup, je crois me rappeler avoir pris de la coke, ou de l’ecsta, ou les deux. Je crois que j’entends gueuler Whitney Houston, je crois que je gerbe sur le tapis persan. Trou noir. J’ai la vingtaine depuis trois ans ; je ne fête plus mes anniversaires, puisque c’est tous les jours l’éclate… j’attends juste trente ans. Sinon rien.
Je me suis réveillée, avec la sensation qu’on m’arrachait les cheveux, un à un… y’avait une odeur de café, y’avait une odeur de vomi. La première venant d’ailleurs, la seconde c’était moi. Je ne savais pas ou j’étais. Je portais une chemise trop grande et j’ai décidé de partir à la recherche d’une salle de bain. En croisant mon reflet dans le miroir, je me suis jurée, encore une fois, qu’il fallait vraiment que j’arrête mes conneries. Après la douche, j’ai gerbé une seconde fois. Dans le couloir, j’ai entendu mon portable sonnait. J’ai couru jusqu’à ma chambre, j’ai glissé sur le coin d’un énième tapis persan et c’est finalement, en rampant que j’ai attrapé mon portable. Je décroche, le souffle court. Une voix hurle. C’est ma mère, je pose le téléphone et regarde autour de moi. Sa voix d’hystérique résonne et me fait mal à la tête… je raccroche. Et murmure « ta gueule »… je cherche dans mon sac, et sors un sachet de poudre… je trace une ligne fine sur mon miroir de poche ; mon nez fait le reste. Une vieille chanson de Georges Michel retentit, je me rappelle du clip où deux flics s’embrassent passionnément. Je descends, guidé par la musique. Et me retrouve dans la pièce où j’ai finit ma nuit. Le tapis a disparu, j’entends des rires provenant de l’endroit que je suppose être la cuisine. Je passe la porte et tombe nez à nez, avec un homme aux yeux verts tranchants. Je soutiens son regard curieux et amusé. Il recule, me jauge et se retourne. Il demande au mec qui m’a invité (je me souviens de mon bourreau) si je suis toujours comme çà. Je ne laisse pas l’autre abruti répondre, fais demi-tour et remonte chercher mes affaires. C’est quoi son problème ?!
Sa main me saisit par l’épaule, il me fait mal. Je me retourne. Il plonge à nouveau ses yeux dans les miens. Une envie de pisser me saisit. Ce mec me fout la chaire de poule ; il est froid et son air moqueur me met mal à l’aise. Il me demande de me calmer et d’arrêter de gesticuler dans tous les sens. Je réponds d’une voix de souris, que j’ai juste envie de pisser. Il rit. Et m’indique les toilettes… au bout du couloir, jonché de tapis… je vais finir par haïr les perses ! Quand je ressors, le couloir est désert, je descends avec mes affaires jusque dans la cuisine, mon bourreau et le serpent sont partis. Une femme prépare à manger, elle me regarde doucement. Me propose de m’asseoir et pose une assiette pleine de bonnes choses sous mon nez. Je dois manger, j’ai beaucoup vomi. Elle sourit, me dit que ce n’est pas grave, le tapis est déjà propre.
- Yann est trop matérialiste…
Elle a un air triste. Je suppose qu’elle parle du serpent. Je demande où est mon bourreau, elle me répond que Yann l’a ramené chez lui. Je déglutis… je ne sais pas où je suis et la seule personne que je connais s’est barré. Elle voit mon air médusé et me rassure, elle me ramènera chez moi dès que j’aurais fini mon assiette.
Dans la voiture le silence règne. Je l’observe du coin de l’œil… elle a l’air si transparente à côté du serpent, qui par sa simple présence suffirait à remplir une salle de concert vide. Elle doit lire dans mes pensées, car à ce moment elle me demande si je pense à son mari. Ces gens sont spaces ! Je réponds que oui… la coke a de çà de positif qu’elle vous rend franc et vous permet de vous détacher du jugement des gens. C’est à ce moment que les emmerdes commencent. J’ai toujours eu une vie hors norme, j’ai toujours cherché à faire des choses inédites, frustrée par ce corps de petite fille trop étroit pour moi. Et ce, quitte à emmerder profondément le monde. J’ignorais qu’à cet instant, j’étais loin des simples emmerdes. C’était simplement le début de l’enfer ; avec un serpent dans l’histoire j’aurais du me douter que je serais bannie du jardin d’Eden pour l’éternité…
Bien sure comme je l’imaginais, ma mère m’attendait, trépignant, dans notre salon… bien décidée à savoir où j’avais passé ma nuit.
- Dans une partouze, on a tourné un film toute la nuit. J’ai mal partout et je suis crevée.
Je pense que sa mâchoire c’est simplement décrochée puisqu’elle n’a émis aucun son… enfin du silence ! Çà ne durera pas longtemps, puisque quelques heures plus tard, mon téléphone sonna. Une voix m’indiqua le Be After dans deux heures, une soirée à thème. Métamorphose. C’est exactement ce qu’il me fallait… le temps imparti est écoulé. Me voilà vêtue d’un smoking pour femme YSL, d’une paire de Jimmy Choo et d’un chignon qui laisse découvrir une nuque légèrement parfumée. Juke est passé me réapprovisionné et c’est le nez plein de coke que j’entre dans ce bar qui n’est pas le genre d’endroit que j’affectionne. Peu importe, une main vient glisser un billet dans la bretelle de mon soutien gorge et m’indique une table, un peu en retrait… je m’avance ondulant lentement ; les regards se posent sur moi. A vrai dire, j’ai un air de Catherine Zeta Jones, je me sens une femme sensuelle et désirée. Son regard vert s’arrête sur mes hanches, il savoure un vieux Whisky… me fais signe de m’asseoir et commande un verre.
- T’es décidé à t’excuser pour mon tapis…
Je soutiens son regard, et secoue doucement la tête, de gauche à droite… avant de répondre :
- Non, mais tu peux m’inviter à danser…
J’ai dit çà avec aplomb, trempant à peine mes lèvres rouges dans le whisky. Pourquoi suis-je aussi sure de moi ? je sais que ce que je fais ne fait pas partie des conventions, on me jugera pour çà… je sais que demain je regretterais mais quelque chose me pousse à attraper sa main tendue. Nos corps se retrouvent très vite, l’un contre l’autre. Sa bouche vient glisser le long de ma nuque et ses mains saisissent ma taille. Je suis comme étourdie et je me laisse porter… je sens un regard sur nous. Je plonge mes yeux dans les siens, j’oublie le reste ; j’oublie qui je suis. Ce que je fais et pourquoi je le fais. La soirée passe et il me raccompagne jusque devant ma porte…
- Je suis pardonnée ?
- Tu es d’excellente compagnie mais çà ne suffit pas. Je veux te revoir.
- Quand ? ta femme ?
- Oublies la, attends que je t’appelle.
J’ai hoché la tête, de haut en bas, cette fois-ci. Sa main a doucement caressé ma nuque et son regard s’est détourné de moi. Je me suis trainée jusque mon lit, une douleur lancinante dans la poitrine. J’ai le cœur comme du chewing-gum. J’ai déserté les relations et les mecs dangereux, et là, à nouveau j’allais me cramer les ailes. Je suis dépendante, drogue, alcool, sexe. Tout est prétexte à déserter ma vie, la réalité. Quitte à sacrifier les gens qui m’entourent et même ceux qui croisent ma route… Simple dommages collatéraux. Je ne suis rien pour eux, ils ne sont rien pour moi. Le reste c’est du flan.
Les jours ont passés sans aucune nouvelles. Je sentais bien que son regard me manquait mais j’ai refusé de l’avouer… je continue de jouer aux durs à cuire alors que je suis incapable de sortir de chez moi clean de toutes substances ! Lasse de rester cloisonner, j’ai enfilé une robe rouge et des talons assortis… des bas comme seuls sous-vêtements. J’ai pris ma voiture et j’ai roulé jusqu’aux champs. J’allais entrer dans le Duplex lorsque mon téléphone sonna ;
- Je suis sur le trottoir d’en face, traverse.
J’ai enclenché le pilote automatique au son de sa voix. Comment a t’il su que j’étais ici, hasard ? je ne pense pas. Il roule vite, prend le périph’, sort de Paris et on s’enfonce à travers champs… Il se gare dans l’allée d’une propriété. Me fais signe de descendre. Je m’exécute. Je tremble, il s’en aperçoit. Me couvre les épaules de sa veste, ouvre son coffre et attrape un panier. On s’enfonce dans le parc attenant à la demeure… on se perd dans le noir. J’enlève mes bottines et mes pieds s’enfoncent dans l’herbe humide. Je me sens bien. Je n’ai besoin de rien, envie de rien. Je sens son regard sur moi. Il étend une couverture sur le sol et sors une bouteille de whisky du panier. Deux grands verres et s’approche de moi… il dégrafe ma robe et la regarde glisser le long de mes jambes. Il caresse mes bas et m’allonge sur la couverture, d’une petite boîte il sort des glaçons et les laisse fondre sur ma peau qui rougit. Je me laisse faire docile, me cambre sous ses caresses glacées. Il sourit… et je le regarde hébétée. Seul témoin la lune. Nous sommes faites dans le même moule, elle et moi. Changeante, jamais la même mais dès qu'elle est ronde et pleine elle ne peut cacher son visage énigmatique qui ensorcelle... J’ai toujours été lunatique car insatisfaite. Je souffre d’être frustrée. Et lui me remplit d’un je ne sais quoi. Je m’offre à lui alors qu’il m’effraie. Que cette situation m’effraie… il est mon interdit. Je n’ai plus maitrise de rien lorsqu’en moi, il va et vient… du regard.
L’orage gronde en mon ventre… à me donner la chair de poule. A me faire frissonner. Nue je l’attend. J’imagine des baisers enfumés, des ronds de fumée après avoir baiser. Le vice monte, je fais glisser une mèche de cheveux entre mes doigts, gourmands de sa peau blanche… je caresse la mienne à défaut d’être, d’exister dans son souffle. Destin incertain, à jouer avec le feu on y perdra nos ailes… m’en fout le soleil me brule déjà la peau comme ses baisers avides. Je replonge dans une nuit sombre où j’ai laissé tomber l’armure pour voir un dragon pénétré ma tour. Bubble gum, les bulles gonflent entre mes lèvres comme lui entre mes cuisses, dangereux, prêt à se glisser en moi, sans gêne… J’aurais du te cacher mon air candide, mon regard perdu. Je n’aurais pas du glisser sur ta peau de serpent, pas du écouter ta langue fourchue… qui a fait de moi un simple jeu, un vulgaire jeu. Ton « JE », retrouvé.
Les jours qui ont suivis, j’ai éteins mon téléphone. J’avais peur, peur de la suite, peur de m’avouer vaincue. Il avait eu ma peau… et n’en avait eu que faire. Alors j’ai fait silence radio. C’est la coke qui me trahie. J’avais besoin de me réapprovisionner… lorsque je rallume mon portable, des dizaines de messages envahissaient ma boite vocal et je n’eus pas le temps d’appeler Juke. Une voie féminine retentit. C’était sa femme. Elle me demanda pourquoi j’avais éteins mon portable.
- Ce n’est pas ce qui était convenu, hurla t-elle.
- Je ne joues plus.
Cette garce hurla plus fort, me menaça. Je ne pensais pas que des deux, le serpent c’était elle ; le jour où elle m’avait raccompagnée, nous avions fait un drôle de pacte. Je devais répondre aux avances de son mari. En échange, elle me paierait une somme folle. La coke coutant de plus en plus chère, je n’avais pas eu le courage de refuser… et ce soir, une nouvelle fois, j’abdiquais. La soirée se déroule dans leur demeure. Soirée à thème. Ce soir, nous fêtons Halloween… et c’est le teint pale, repoudrée que je me jette la tête la première dans mon cercueil… La musique me transporte dès les premières notes, dans un autre monde. Ici tout est lugubre, à l’image de la maitresse de maison qui me regarde froidement. Comme sorti de mes pires cauchemars. Ce soir, j’essaye plus fort, plus fou. Cocktail LSD et MDNA. Histoire de ne pas affronter le reste ; la chute lente sur le tapis persan. Il me regarde sans s’approcher, de ses yeux verts. Il est pharaon ressuscité, ce soir il est mon roi. Et moi pauvre mariée pendue, je danse les yeux révulsés. Une main douce et chaude se pose sur moi, son regard à elle qui me fait perdre pieds. Je la suis docile et me retrouve enfermée dans une pièce obscure.
- Pas la peine de t’affoler, elle finira par nous rejoindre…
Il a dit çà dans un chuchotement, dans un souffle de fatigue, de lassitude. Je commence à comprendre. Ceci est un jeu. Un jeu de chasse, et je suis la proie. Elle décide de ma mise à mort, lui se contente de profiter du plein air. Et moi, je cours. La musique retentit plus forte encore… mon cœur s’accélère, c’est pas le moment de tomber en bad. Je regarde par la fenêtre, deux étages me séparent du sol. Faut que je me barre... Il se lève, s’approche. Je le repousse. Et c’est là que tout dérape. Il change de ton, m’ordonne de m’asseoir, caresse mes épaules, doucement. Me déshabille, durement. La porte s’ouvre, elle rentre et sourit. Elle savoure. Et l’envie de la crever me saisit. Je n’ai pas le temps de me lever, un foulard vient se nouer sur ma gorge et peu à peu, on sert…
Quand je me réveille, la musique à cessée. Il gît nu à mes côtés. Je ne me rappelle de rien. Mon cou est aussi bleu que le sien. Je cherche mes affaires, tente de le secouer. Il ne respire plus, ses yeux sont grands ouverts. Elle est là, elle nous observe. Assise dans son grand fauteuil ; sereine.
- J’ai appelé la police ; j’ai dit que vous aviez une liaison, qu’il te payer ta merde. Qu’il ne te baisait même pas. J’ai dit qu’il avait refusé de te payer cette fois-ci, qu’il m’avait juré qu’il allait te faire partir. Et que tu l’avais fait boire, puis amener ici. Vous avez fait l’amour et tu l’as étrangler de rage.
Elle commence à pleurer, on sonne à la porte. C’est un cauchemar, je vais me réveiller. Je ne me réveille pas quand la police rentre, quand on me couvre d’une couverture et qu’on le recouvre d’un drap blanc. Je ne me réveille pas quand je croise son regard plein de larmes, quand elle se jette sur moi et me frappe au visage. Je ne me réveille pas quand on me juge pour folie due à la prise trop fréquente de substances en tout genre… Je ne me réveille plus quand je suis enfermée de force dans un endroit où les gens comme moi sont tués doucement, à coups de médicaments. Je ne veux plus me réveiller. Je t’ai aimé.
Depuis que tu as quitté mes nuits, il m’est impossible de dormir… quelque chose dans tes yeux à voler mon âme. Lorsque je me caresse, c’est ta peau que je touche, ton odeur qui m’enivre et la sensation de ton souffle sur ma peau, si tendrement, qui m’envahit. Face à la tragédie, je perds la raison. Pour un de tes baisers, j’aurais pris tous les risques. Tu me disais toujours « Retiens-moi car le désir n’a pas d’heure… » Et je me sentais libre. Libre de t’aimer et de vivre sans attendre… Et puis, tu es parti. Pour toujours, me disant au revoir à défaut d’avoir le courage de dire adieu. Tu as choisi une issue, ta propre mort ; et je tremble dans le froid d’interminables nuits à t’attendre. A attendre tes mains sur mon corps, et ce plaisir qui ne vient plus. Je me sentais au dessus de tout, des lois, des règles. J’étais sans limites et tu es parti, me laissant me perdre seule à mon propre jeu. Je n’avais pas vu dans tes yeux, le démon qui sagement attendait. Attendait de me posséder pleinement ; avant de me rendre à mon triste trottoir. Tu me disais que j’étais si belle quand mon rire déchiré la nuit, tu me disais tous ces mots d’amour que seuls les amants se chuchotent, telles des promesses… de belles paroles. Rien de plus. Je n’étais qu’un jeu, une triste danseuse de balai à ressort mécanique liée à la mélodie de sa boîte à musique. Je ne sais pas comment tu as réussi à me faire passer de l’autre coté du miroir… mais maintenant je ne peux qu’espérer le briser pour sortir de ce monde dans lequel tu m’as enfermé. Tu es parti et depuis, je n’ai qu’un espoir… que jamais ne s’arrête cette douce mélodie qui retentit parfois quand tu sifflotes doucement de l’autre côté du miroir.
Souvent, elle vient me voir ; elle chuchote que dans mon regard, il respire encore. Et lorsqu’elle quitte la pièce, elle siffle doucement.
C'est glauque. Mais j'aime ça tu le sais. Ce qui est assez glaçant c'est la manière dans le romantisme et le côté lugubre sont habilement mélangés. Au plaisir de te lire!
· Il y a presque 11 ans ·Bryan V
Merci... tout cela me touche !
· Il y a plus de 12 ans ·cerise-david
Pourquoi je l'ai raté celui-ci ? Mais pourquoi donc l'ai-je raté ?!!!
· Il y a plus de 12 ans ·C'est exceptionnel. J'aime énormément. Très bien écrit.
wen
Tout à fait d'accord avec Alice Neixen, je ne peux dire mieux, tu dois écrire selon ton inspiration, nous écrivons selon notre humeur. Poèmes, nouvelle, roman. Tu doit être toi même.
· Il y a plus de 12 ans ·c'est parfait ainsi, tu décris très bien, l’atmosphère de ta nouvelle. Tu as beaucoup d'imagination. Amitié Cerise. CDC aussi
Yvette Dujardin
Entre les deux, je crois que je préfère celui-là, le style est différent, cru, entier, sans fioritures et plein de détails auxquels on s'accroche. J'aime beaucoup le cynisme doux, ta vision de la vie sous ces mots-là. Je ne crois pas que l'essentiel soit d'avoir un seul style, certains diront qu'ils en aiment un, d'autres te seront fidèle sur le second, et il y a ceux qui aimeront tout. Moi je trouve que le style qui te va le mieux est celui où tu mets tout de toi. C'est vraiment un très bon texte, bravo :) Coup de cœur pour moi, hautement mérité !
· Il y a plus de 12 ans ·Alice Neixen