Stop ou encore

Violette Ruer

STOP OU ENCORE

BIOGRAPHIE

INTRODUCTION

 

          La vie est un fleuve plus ou moins long et sinueux dont le cours s’attarde dans les pierres du destin. Il est difficile de narrer son histoire avec chronologie exacte sans oubli, ou sans omission involontaire ou volontaire d’ailleurs.

 

                  Faut-il faire un plan… Oui et non… peut-être noter des situations importantes et laisser couler les souvenirs comme ils se présentent. Inutile d’enjoliver ou de noircir les épisodes, la réalité sera toujours la plus forte. Il m’a fallu plusieurs essais avant d’arriver à cette conclusion.

 

          L’on peut toujours prendre en début  la façon désuète de « Il était une fois » mais cela se termine rarement par « Ils se marièrent, furent heureux et eurent beaucoup d’enfants… »

 

          C’est en lisant un livre de Paulo Coelho que j’ai pris conscience que j’avais été l’artisan de ma propre vie, que le regard des autres sur moi était ce ce qu’ils s’imaginaient comprendre et souvent non conforme à la réalité.

  

          Ecrire une biographie n’était pas une sinécure mais comme disait Paulo Coelho :

          « Lorsque tu crois que le monde ou les autres sont plus forts, le secret : ne pas renoncer »

 

PROLOGUE

          Pour commencer ce roman de vie il me faut commencer par ceci :

          Je suis une enfant de l’après-guerre. Cette guerre dont mon père racontait l’histoire pour l’avoir vécue.

 

          Né en 1921, il avait à peine 18 ans lors de la déclaration de la guerre. Il connaissait déjà maman ; Il travaillait au journal « La Libre Lorraine » au bureau des expéditions depuis juillet 1938. Puis ce fut la déclaration de la guerre de 1939/1945. Il dût quitter son emploi en juin 1940 car les allemands exigèrent la fermeture de « La libre Lorraine ». Il changea donc pour une place d’employé des voies et bâtiments du Chemin de Fer Français.

 

          Le 23 avril 1941 un décret prévoyait l’incorporation des jeunes mosellans, garçons et filles de 17 à 25 ans dans le service du travail du Reich (RAD) ReichsarbeitDienst. En fait ce n’était qu’une préparation militaire pour laquelle les incorporés étaient obligés de porter l’uniforme allemand et devaient prêter serment au drapeau allemand et au Führer !

 

           Maman pensait que papa échapperait à cette incorporation s’ils se mariaient et avaient un enfant. Le mariage eut lieu de 26 avril 1941.

 

           Mon frère Ferdinand naquit le 12 octobre 1941 mais hélas fut enterré le 5 novembre 1941 car il ne vécut que trois semaines.

 

          Maman avait longuement déprimé, cassé à coups de hache tous les meubles de la chambre d’enfant dans un accès de folie provoqué par la douleur d’avoir perdu son fils. Heureusement ses parents, Catherine et Alphonse, l’aidèrent à surmonter cette terrible période. Barbe, sa belle-mère, une vraie peste, au contraire, l’accusait de tous les maux. Maman et elle étaient toujours en conflit. Barbe n’avait pas accepté le mariage de son plus jeune fils. N’ayant eu que des garçons, elle détestait les filles et, par voie de conséquence, les femmes.

 

          Mes parents quittèrent leur appartement de la rue Castelnau pour celui de la rue Pasteur à Metz puis un an plus tard, emménagèrent au 11 rue Charles Abel chez Barbe la mégère !

 

          Papa fut incorporé au RAD le 20 juin 1943 à Hässel, non loin de Sarrebruck. Les enrôlés d’office comme lui, surnommés les « Malgré-nous » étaient mal tolérés par les allemands car ces derniers savaient que ces hommes étaient contre le régime nazi. Papa écrivait à maman que le travail n’était pas trop pénible à ce stade. Il la rassurait également sur son sort après la bêtise qu’ils avaient commise tous les deux. Je ris encore de cette anecdote : Quand maman apprit le proche enrôlement en Sarre, elle cousut des galons sur l’uniforme de papa afin qu’il soit le plus beau !  Cela ne plut guère au commandant en chef, papa dut sortir du rang,  faire le tour de la cour et donner des explications sur sa tenue burlesque. Il faut dire que maman avait mis des galons dorés partout ! Si nous en avons ri plus tard, ce ne fut pas le cas sur le moment car papa faillit être fusillé…

 

          Après ce service obligatoire, vint le moment de prêter serment au Führer…. La soumission aux allemands lui était intolérable comme pour son ami Paul K alors ils décidèrent de s’évader par la filière de la Résistance pour arriver en zone libre où papa aurait attendu maman et la famille

 

          L’évasion échoua et après un jugement partial et sommaire où il risqua une nouvelle fois d’être fusillé, il fut, avec son ami Paul, incorporé dans la Wehrmacht  et affecté dans la sixième division de la Luftwaffe (aviation) de Nazielk en Pologne comme Funcker (radio) le 25 octobre 1943. Les deux « compères »  malchanceux se retrouvèrent dans un commando disciplinaire où le travail commençait à six heures du matin jusqu’au milieu de la nuit. Papa pensait surtout à sa famille et avait peur des représailles. Il ne se passa rien….

 

          Entassés les uns sur les autres dans des baraquements insalubres ils étaient roués de coups s’ils ne comprenaient pas tout de suite ce que leur demandaient les SS. Ces derniers détestaient les lorrains et les alsaciens.

 

          En 1943, maman travaillait à la gare en tant que guichetière sous l’égide d’un allemand un peu brusque mais pas trop méchant.

 

          En 1944, nouvelle affectation de papa : Minsk en Russie. Il souffrit de brûlures par le froid intense, aux pieds et aux mains ce qui lui occasionna de l’eczéma plus tard. Puis les russes s’aperçurent qu’il traînait avec lui une mandoline. Cet instrument était dans tous ses paquetages depuis le début, comme une protection, une mascotte. Elle le sauva car les russes le conviaient aux mariages et fêtes diverses où il devait jouer toute la nuit. Il le faisait aisément étant donné qu’il pouvait manger à sa faim et se retrouver au chaud.

 

          Il possédait également un petit carnet, qui ne le quittait jamais, où il écrivait à maman. Il savait bien que ses écrits d’amour et de narration des évènements n’étaient que pour lui mais cela l’aidait à survivre. C’était son espoir de la revoir et son exutoire. Une façon de tenir le coup dans ces terribles moments.

 

          Vint la débâcle : le repli dans la région de Bastogne, puis à Wiltz, au Luxembourg. Premier janvier 1945, blessé par des éclats d’obus dans la jambe droite et aux poignets papa fut évacué seulement trois jours plus tard vers le Kriegslazarett de Niederbreissing où on l’opéra.

         

          Ses mains le faisaient horriblement souffrir, il ne pouvait écrire à maman pour la prévenir qu’il était vivant, alors il demanda à une infirmière de l’aider. Cette infirmière eut immédiatement un faible pour lui, alors quand, dix jours plus tard, un officier allemand décréta qu’il était à nouveau apte à retourner au front, elle lui demanda de passer la nuit avec elle avant son départ.

 

          Bien des années plus tard, maman trouva une lettre dans le bureau de papa. Cette lettre était de l’infirmière où elle annonçait qu’elle avait mis au monde en octobre 1945 une petite fille, ma demi-sœur… et une petite boite contenant une mèche de cheveu châtain clair.

 

          Papa aurait affirmé que cette femme ne comptait pas, que les atrocités du moment n’avaient pu donner naissance à un sentiment aussi fort que celui qu’il portait à sa femme et que seul son visage éclairait sa vie et lui permettait de garder espoir. Maman l’avait-elle crû ? Je l’ignore mais quand elle me le raconta après la mort de papa en 1986, cela semblait encore la faire souffrir.

 

          Le 31 janvier 1945, papa s’évada et fut prisonnier des américains. Transporté de camp en camp pendant trois mois, passage obligé au contrôle de la sécurité française il fut enfin libéré et renvoyé dans ses foyers le 25 avril 1945. Plus tard il obtint la croix de guerre française (Pour s’être évadé de l’armée allemande!)

 

          Le 27 mai 1945 il travaillait aux Pompes funèbres de Paris dans la succursale de Metz en temps que régleur et ensuite comme homme de cérémonie. Il ne garda pas un bon souvenir de cet emploi. Il occupait encore cette place lors de ma naissance en 1946 car il quitta cette société le 30 mai 1947.

          Si je parle de mon père en principal dans ce prologue c’est parce qu’il fut mon mentor, mon protecteur. Il a gouverné presque toute ma vie. Il portait un prénom peu commun : Vianney. Je le trouvais beau séduisant et j’espérais un jour trouver un mari comme lui. Peut-être l’ai-je trouvé d’ailleurs  puisque je suis mariée depuis quarante deux ans et à la tête de quatre enfants et neuf petits-enfants.

          J’ai découvert l’écriture lors de ma proche retraite en 2005 et j’ai publié six livres :

Les trois dames

L’énigme Katia

C comme quoi

La Tatouée de l’ile d’émeraude

Le libre arbitre d’Alice

Le tunnel aux allumettes

 

          Une façon de me libérer d’un trop plein d’énergie mentale.

          Ma biographie commence avec ce prologue, une autre manière de me libérer de l’influence de mon père. Comme cette biographie, déjà écrite mais non publiée, comporte 350 pages, je me contente de ce début pour rester dans les normes du nombre de signes.

 

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