Super Dessin Animé

vertige-des-points

« - Ta sœur, elle est partie … Nath est au ciel maintenant … N’oublie pas, elle t’aime, elle est heureuse là où elle est, j’en suis sûre.

- Elle est morte, maman. Morte, tu entends ? »

Ma mère éclata en sanglots. Je me rappelle son regard désarçonné par les mots que je venais de prononcer froidement. Je montai immédiatement dans la chambre de ma sœur. Je voulais pleurer mais je n’y arrivais pas. J’étais en colère. En bas, les cris les pleurs de mes parents étaient insoutenables, et j’avais l’impression que Natacha mourait à chaque coup de téléphone.  Je m’allongeai sur son lit et appuyait sur le bouton play de la vieille mini-chaîne rouge et grise.  La musique me ramena à quelques mois en arrière.

Nath et moi étions seuls à la maison. J’avais terminé de regarder mon dessin animé et j’avais faim. Je crois que j’avais juste envie de l’embêter. Sa porte était mal fermée et de l’embrasure s’échappait une odeur que je ne connaissais pas. La musique était très forte et elle me faisait un peu peur. J’ouvris doucement mais nettement la porte, elle ne m’entendit pas. Elle avait les yeux fermés, allongée sur son lit, le sourire aux lèvres, et entre les doigts, un truc qui ressemblait à une cigarette molle. J’entrai, non sans hésitation.

La voyant presque immobile, je me décidai à l’interpeller.

« - Nath …

- Alex, qu’est-ce que tu fais ici ? »

Elle écrasa sa fausse cigarette dans le cendrier, se leva d’un bond et m’ordonna de retenir ma respiration, le temps qu’elle évacue l’odeur bizarre. Puis elle me permit de m’asseoir à coté d’elle. On resta silencieux pendant quelques minutes. Elle avait l’air d’être transportée par la musique, elle me parlait comme si je pouvais comprendre. Et à cet âge, personne d’autre ne me parlait comme si je pouvais comprendre.

« - Cette musique, elle me fait peur, mais toi tu souris …

- Cette musique, elle est tout, c’est un voyage, une naissance, un espoir, un combat, la peur, les désillusions et le déchirement et puis …

- Et puis quoi ?

- La fin. Le silence. J’aime le silence qui succède les dernières notes. Le temps qu’on met à revenir de là où l’on était.

- C’est comme un super dessin-animé ?

- Si tu veux oui … »

 Je crois bien que c’est sa cigarette molle qui l’a envoyée au ciel.

Aujourd’hui, allongée sur son petit lit,  j’étais en train de ressentir son super dessin animé à elle. Seulement à la fin, pas de silence. Juste un atroce bruit qui ne se taira jamais.

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