The End

Faut plus la faire chier Laura. Des années qu'elle se tape en solo le même cinéma d'acteur, la même histoire amoureuse, les mêmes merdes de merci en passant par le père et le réa, par la mère et la prod, la gamme enfantine et la nougatine de routine. La même cérémanie sans fin. Ce tralala soyeux juteux, elle en a plein les dents. Tellement que sa salive est devenue épaisse que celle-ci a fini par descendre soudain plantée dans ses reins. Objectif : rectifier la grossière erreur. L'éjecter comme un boulet de chair à canon. L'éventrer, la salir sur un papier d'hygiène que Laura aura brandi face au trophée discerné,  compensé dans un rôle forcé de salaud démago. Des applaudissements crépitent sans cesse dans sa boîte à musique. La coupe du trop fait est pleine. À sang et à chaud. Actionner le bouton de la percussion. Cracher le morceau. Le faire palpiter pour de bon, sans aucune pitié. Dans un vacarme infernal, Laura n'a plus le choix. Elle décroche le combiné, se met à parler à cette personne, jamais vue, mais qu'elle connait si bien. « Et dire qu'il existe des gens qui nous connaissent plutôt très bien jusqu'à l'intime mais à travers d'autres seulement, et que nous, nous n'avons aucune idée de leur existence » songe furtivement Laura en débitant ses mots, sa vérité des faits spéciaux, à cette femme avertie qui écoute d'abord… puis très vite qui laisse rebondir un cri maudit entrecoupé de sons de chair meurtrie. « Ah ! Voici enfin un boucan qui se retourne pour une autre adaptation » pense Laura en gravitant un souffle fendant un nouvel air avant de poursuivre d'une voix précieuse : « Madame, comme je vous comprends, se faire tromper autant, c'est humiliant. Les hommes dans leur jeu sont si lâches pour affronter l'aveu. Croyez-moi, j'ai eu ce besoin pressant pour vous dévoiler la réalité car il n'y a pas pire injustice que de vivre avec un faux soleil qui trahit et se nourrit égoïstement de la propre innocence féminine. Madame, vous méritez beaucoup mieux dans votre cœur».

« Et moi aussi ! » se dit Laura, la main posée sur le haut de sa poitrine brûlante, ressentant son cœur qui reprend vie. Elle contemple le ciel, avec la vie dessous qui s'agite dans un ralenti platonique. La grêle qui crépitait toute à l'heure ne fracasse plus sa fenêtre. Maintenant en silence, elle peut tourner sa bobine. Libre de définir son horizon, sa haute dimension. Sans déformer l'image, sans chichis. Fallait plus la faire chier Laura.