Tout ça pour une bière

jep-heretik

Partie 1

  Ça fait déjà quelques mois que j’habite Paris et je dois dire que cette ville m’est toujours aussi peu familière.  Il est vrai que plus que dans aucune autre j’aime à m’y perdre…  Parce que Paris a ce je ne sais quoi d’inhospitalier qui vous garantit que malgré son flot incessant d’habitants personne ne vous aidera à vous en sortir et je dois dire qu’au fond, ça me plaît.

  Je ne sors jamais de chez moi sans avoir de quoi noter, car à Paris je me sens tellement empêtré dans la déréliction,  que l’inspiration me submerge et parfois me noie…  Mais je ne suis pas ici pour chanter un blues ou même blâmer le Parisien qui après tout a donné à l’étranger l’image qu’il a du français voire même de la France.

  Là n’est pas le sujet et sans doute est-il bien moins intéressant, mais il me fallait situer le contexte avant de commencer ma petite histoire. 

  Il était environ 4H du matin et alors que je naviguais sur la toile, quelque chose me traversa l’esprit, pourquoi alors que j’ai un accès illimité au Monde, suis-je constamment à  visiter les mêmes pages ? Pourquoi me suis-je créé une sorte de routine de laquelle je ne chercherai jamais à sortir ? Les questions existentielles en entraînant toujours d’autres, j’arrivai à me poser la question de mon existence, pire celle de ma vie !!! Au fond je savais que j’existai, puisque je me pose la question  et que René m’a assuré qu’en soi c’était une preuve. Mais pour ce qui est de vivre ? Alors oui je possède les caractéristiques du vivant, je mange, je dors, je respire, je cherche à me reproduire (ah ça…), mais est ce que tout ça n’est pas l’œuvre de mon imagination, ne suis-je pas qu’une âme parcourant le web ?

  J’entrai dans une phase de masturbation intellectuelle intense lorsqu’un autre déclic eu lieu, cette fois ci, non pas dans mon esprit mais dans mon ordinateur !  Ma connexion internet avait cessé, j’étais déconnecté ! Croyais moi ou non, mais à ce moment là, un frisson me parcouru. Je me sentais seul, abandonné…  Pourquoi avais je ce sentiment maintenant alors que depuis que j’étais sur place, je n’avais sut fraterniser avec quiconque ? Trop peu présent pour manquer, assez pour être méprisé…

  Pour la première fois depuis que j’avais quitté ma province, je me sentais seul, perdu, abandonné…  Moi qui avais toujours adopté une dégaine de Loup Solitaire, je me sentais Brebis sans mon modem… Étais-je moi aussi victime d’un Otaku ?

  Tant de questions, que j’aurai étouffées, il est vrai en me connectant à un site approprié… Mais, il n’en était pas questions, je pris mon courage à deux mains et plutôt que de l’étrangler, je décidai de me confronter à la réalité que je croyais connaitre un ¼ d’heure plus tôt…

Je pris mon cuir, mon fric et oubliais volontairement mon portable. Le jour n’était que clartés à l’horizon et le frais matinal ne m’aidait pas tellement à me sentir plus vivant. J’étais dehors, certes mais quelle direction prendre ?  Cela peut vous paraitre bizarre, mais lorsqu’on sort sans raisons, sans même vouloir se perdre, en somme sortir pour sortir et bien on ne sait pas où aller et même si on choisit de se laisser guider par le hasard, le premier choix est arbitraire.

  Je décidai d’aller vers Paris, la chaleur humaine ne serait de trop pensais je.  J’avais beau chercher à me sentir vivant, je ne me sentais plus ni marcher, ni respirer…  Je fouillai dans mon cuir à la recherche d’une cigarette.

 Beaucoup de gens fument pour éviter le stress, par défaut ou  parce que ça colle avec leur style, moi, je n’ai ni besoin d’éviter  le stress, ni besoin d’être « cool », j’ai juste besoin de sentir un fluide chaud parcourir mon corps engourdi…

  J’aurai put prendre le Bus ou le RER, mais j’avais besoin de prendre l’air. Pourtant je me sentais lourd, écrasé par le silence. Un tremblement me parcouru, je portai une essentielle à mes lèvres, j’avais la bizarre impression que fumer allait m’alléger, comme si chaque nuage de fumée que j’expirais était un souci que je crachais au loin…

  Le parvis de la Défense était désert, je n’avais toujours pas assouvi mon besoin de chaleur humaine.  Il était maintenant 6H. Je décidai de prendre le métro.  Pour ce qui était du bain de foule, je fus plus que servi…  La rame que je pris, grouillée d’individus.  C’était comme si nous étions tous des micro-organismes  cohabitant plus ou moins courtoisement au sein d’un même monstre mécanique qui gerbait ou avalait une flopée de parasites à chaque étape de son parcours…  Le serpent s’élançait dans un silence oppressant  au cœur des souterrains Parisiens. Silence troublé par les seuls sifflements et vrombissements de l’animal surchargé.  

  J’étais comme envieux de l’animal, lui n’avait pas de choix à prendre, il suivait inlassablement le même parcours …  Etait ce le prix de notre Liberté ? Apres tout peu m’importait j’avais décidé quelques heures plutôt d’en profiter pleinement.  A ce moment précis, je voyais mon escapade comme une marche salutaire vers la Liberté, contre la solitude, le souvenir que j’en eu fut tout autre…

 Je laissais défilé quelques stations puis décidait d’en descendre, reprenait un train et laissait à nouveau quelques stations défilée, j’étais sur de me perdre un minimum de cette façon, du moins je l’espérais…  Accomplissant ce protocole une dizaine de fois je décidai d’en descendre une fois pour toute.  J’émergeais de cet abysse.  J’étais surpris d’apercevoir que je ne connaissais en rien l’endroit. En y repensant j’aurai put descendre à n’importe quelle gare, même celles ne m’étant inconnues.  Elles l’auraient été ce jour là… Car ce jour là, je reprenais conscience, j’avais les sens en éveil…  La grisaille urbaine maculée de rouille me criait sa nostalgie, les lumières défilaient en enivrante souffrance, la verdure laissait tomber comme des larmes de sève de leur solitude.  

  J’errai à présent dans un parc dont le nom ne m’est pas resté à l’écriture de ces lignes, je m’assis, attendant, ne serait ce qu’un signe. Un signe ? Quel signe ? Une apparition divine ? La Vierge ? A y réfléchir l’apparition de la Vierge   n’aurait pu qu’aggraver mes problèmes, déjà que j’avais du mal avec celles qui ne l’étaient pas … Mais pour ce qui est des autres apparitions divines, je n’étais pas contre, c’est vrai,  jusqu’à présent on ne m’avait dit que du bien de ce vieil homme enfin du moins assez pour que j’ai envie de le rencontrer.  Le sachant peu ponctuel je décidais d’attendre une heure ou deux,  histoire de voir s’il daignait manifester sa présence.  J’avais peu d’espoir à y réfléchir, je savais l’Eternel peu ponctuel.  Après tout, il a l’éternité devant lui ! Il est aisé de penser qu’il reportera toujours au lendemain ce qu’il aurait put faire le jour même.

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