Tout travail mérite reconnaissance
Cécile Pellault
Elle se dirigeait vers le métro pour rejoindre l’héliport quand en passant au coin de la 44ème sur Broadway son regard fut attiré par l’écran d’ABC diffusant «Good Morning America».
Robin Roberts, était en train d’interroger la nouvelle chef de la Police de Manhattan:
« Merci d’être avec nous ce matin, et de partager votre expérience avec nos téléspectateurs. Revenons sur l’affaire qui secoue Manhattan. Tess McGill sème la terreur ; Qui est-elle ? Et que comptez-vous faire pour l’arrêter ?
- Robin, nous sommes bien entendu sur cette affaire et nous avons mobilisé toutes nos ressources pour l’arrêter. Nous ne laisserons pas impuni ces meurtres que les New Yorkais en soient certains, lui répondit fermement son interlocutrice.
- Pouvez-vous nous en dire plus sur son profil ? lui demanda Robin Roberts en s’approchant.
- Tout ce que je peux rendre public aujourd’hui, c’est que c’est une femme entre 40 ans et 50 ans, que le nom de Tess McGill est un nom d’emprunt et qu’elle est grandement perturbée, déclara-t-elle en fixant la caméra d’un regard bleu acier.
Jenn faillit s’étrangler et se retint avec peine de vociférer en pleine rue. Elle aurait bien pu le faire de toute façon, les New Yorkais ayant une imperméabilité légendaire à remarquer le remarquable comme le look très années 80 de Jenn. Le tailleur noir épaulettes extra-larges, le rang de perles, le chemisier en soie, la coupe courte et surtout la paire de baskets blanches montantes, adoptées à cette époque par toute femme qui transitait de la banlieue vers le centre. Jenn était outrée, ils ne comprenaient absolument rien.
Elle était Tess McGill. L’héroïne absolue de son film culte qu’elle se passait en boucle depuis ses 13 ans, en 88, et incarnée par Melanie Griffith. «Working Girl» de Mike Nichols ou l’ascension d’une petite banlieusarde qui traverse l’Hudson River tous les matins en Ferry pour décrocher une place au soleil! Tess McGill qui à force de détermination, de travail et en évinçant sa terrible patronne Catherine Parker a réussi à se frayer un chemin dans l’impitoyable Wall Street. Elle se paie même le luxe de rencontrer l’amour avec Jack Trainer.
Jenn avait pris une résolution le jour où elle avait surpris son grand amour, qu’elle avait cru être son Jack Trainer à elle, au lit avec cette pouffiasse de voisine en rentrant du travail plus tôt que d’habitude. Elle serait Tess McGill. Elle coupa ces cheveux longs, frisés légèrement plus courts devant que derrière en une coupe plus business et elle traversa l’Hudson direction Manhattan.
Mais les années 80 étaient finies, la crise des subprimes, les crashs successifs rendaient une ascension à la «Working Girl» extrêmement compliquée, même les tours du World Trade center avaient dramatiquement disparu. Jenn devait frapper fort et vite les esprits si elle voulait réussir et décida pour y parvenir de brûler les étapes et d’éliminer les obstacles que Tess avait rencontrés. Les deux traders rigolards et goujats, Boom, une balle dans le cœur à la sortie de leur bureau… Le spécialiste des arbitrages cocaïné, Pim un coup de pic à glace dans l’artère fémorale derrière la tour de la Bank of America sur la 42ème rue… Le portier du célébrissime Union Club à l’angle de la 69ème et de Park Avenue qui aurait plus lui interdire l’accès, Bam un coup de couteau bien placé… Bien évidemment, Jenn prenait soin de laisser une carte de visite au nom de Tess McGill sur chacun des cadavres pour être sure que personne ne s’en approprie le mérite. Elle avait su tirer les leçons des mésaventures de son héroïne.
Il lui manquait maintenant sa Catherine Parker, une boss aux dents affutées prête à évincer la moindre rivale, fusse-t-elle secrétaire. Jenn était persuadée de la trouver à l’Héliport de Manhattan où Tess avait vécu l’une de ses pires humiliations. Elle en était là quand son regard fut attiré par l’écran du show d’ABC.
Robin Roberts concluait son interview:
« Merci infiniment de nous avoir consacré un peu de votre temps, Catherine Parker, ce fut un réel plaisir de vous rencontrer. Bonne chance et à bientôt, je l’espère sur notre plateau.
-Merci, Robin, et je peux vous assurer que nous ne laisserons pas la chance avoir sa place dans cette affaire. Je serai là pour vous informer de son arrestation. Comptez sur moi! déclara la chef de la police de Manhattan avec un sourire entendu.
Jenn se posta à l’arrière du studio de télévision dans le recoin d’une porte de livraison. Elle avait finalement trouvé sa Catherine Parker et elle allait l’attendre.
Perméabilité entre séries et fans... J'ai un peu de mal à la saisir, vu mon âge qui me ramène à très loin en arrière (Cat's Eyes, vous connaissez?). Bien sympa votre héroïne... Un peu rigide, pas très fréquentable, mais sympa. Sachant ce qu'elle veut!
· Il y a presque 11 ans ·astrov