LE BOCAL
nrik
Encore une fois, Alice allait manger froid ce soir. Elle travaillait trop, elle le savait, mais c'était la seule solution qu'elle avait trouvée pour oublier Benjamin. Alors, lorsque son rédacteur en chef l'appela pour qu'elle revienne à la rédaction afin de mettre en ligne une dépêche de dernière minute, elle oublia rapidement le plat de nouilles chinoises qu'elle venait juste de commander. L'information était sordide : les policiers avaient finalement retrouvé une partie de la famille Miller, disparue dans le New Jersey, quelques semaines auparavant. La mère, le fils de 16 ans et sa petite sœur avaient été enterrés sous la terrasse de la maison familiale. Monsieur Miller, lui, manquait à l'appel. Alice passa encore une heure à rédiger un court article pour le site Internet du journal.
Il était environ 22 heures 30 quand la jeune femme quitta le building du New York Times. Elle pensait encore à cette histoire sordide tandis qu'elle s’enfonçait dans la bouche de métro de la 42e rue pour rejoindre la ligne C en direction d'Euclide Avenue. En montant dans le train, elle remarqua un homme dont l'allure la mettait mal à l'aise. Elle ne put s'empêcher de se demander s'il pouvait s'agir de monsieur Miller. A quoi peut ressembler un homme qui a tué toute sa famille ? Comment peut-t-on savoir qu'une personne s'apprête à vous assassiner ? Alice se posait mille questions. Cette femme, assise en face d'elle, était peut être une veuve noire, celles qui tuent leurs amants après avoir couché avec eux. Et ce jeune homme qui la regardait, était-il un violeur potentiel ?
Une secousse de la rame extirpa la jeune femme de ses pensées. Elle passa une main sur son visage et entreprit de se ressaisir. « Tu deviens folle, ma vieille. Tu délires. Arrête, ta parano », songea-t-elle. Si elle connaissait une seule personne qui aurait pu lui faire du mal, c'était Benjamin. Il était capable de se mettre dans des colères monstrueuses quand sa jalousie le submergeait. Une fois seulement, il avait levé la main sur elle. Le lendemain, elle avait fait ses valises et avait déménagé. Elle s'était installée dans le Lower Manhattan avec Roméo et Juliette.
Alice descendit à la station de Spring Street. Elle longea la rue en direction de Lafayette Street. Son appartement se situait quasiment à l'angle de Crosby Street, au sous-sol d'un immeuble en rénovation. Elle parcourut un peu plus rapidement qu'à son habitude ce chemin qu'elle faisait pourtant quotidiennement. Mais ce soir, elle ne se sentait pas à l'aise pour flâner. Elle avait hâte de se faire couler un bain et de ne plus penser à la fin tragique de la famille Miller. Mais en ouvrant la porte de son appartement, elle sut immédiatement que rien de tout cela ne serait possible.
La première réaction d'Alice fut de croire qu'une mini-tornade était passée dans son salon. Les chaises, les verres, les magazines sur la petite table et les bibelots dans la bibliothèque, tout avait été renversé et gisait désormais sur le sol. Alice balaya du regard ce foutoir, le souffle coupé. Rien ne semblait avoir été volé. Ses yeux s'arrêtèrent alors sur Juliette, allongée sur le dos, au milieu de la pièce. Du verre brisé et de l'eau entouraient son corps, sans vie. Elle eut un haut-le-cœur, porta sa main à sa bouche et se demanda qui serait capable de faire une chose pareille.
Après avoir passé quelques minutes à retrouver son calme, elle conclu froidement qu'une seule personne pouvait commettre un meurtre aussi odieux : Benjamin ! Mais comment ? Il n'avait pas le double de la clef et il n'était pas assez mince pour passer par la minuscule lucarne qui lui servait de fenêtre, et qu'elle avait laissée ouverte pour la chaleur. D'ailleurs, c'était sûrement par là que Roméo avait du s’enfuir. Désorientée, Alice ne savait pas quoi faire et, comme toujours dans ces cas là, sa solution fût d'appeler sa mère. A peine entendit-elle sa voix qu'elle explosa en sanglots :
- Mais qu'est-ce qu'il se passe ma chérie ? Dis moi ce qui ne va pas ?
- C'est Juliette, elle est morte !
- Oh, ma pauvre, je suis désolé mais ça devait arriver un jour.
- Tu ne comprends pas maman, bafouilla Alice. Elle n'est pas morte de vieillesse, elle a été tuée !
- Enfin, repris sa mère surprise, de quoi parles-tu ? Qui irait tuer un poisson rouge ?
- Oui, répliqua Alice. Hein, qui ? Je te le demande...
La jeune femme s'arrêta de parler et éloigna le téléphone de son oreille quelques secondes : il lui semblait avoir entendu Roméo ronronner.
Oui très bonne chute, on comprend enfin le titre !
· Il y a environ 11 ans ·targonomis
Très savoureux et bravo pour la chute. Cela se lit d'un trait. On veut savoir la fin.
· Il y a environ 11 ans ·Cleo Ballatore
Merci c'est gentil.
· Il y a environ 11 ans ·nrik
ah ah pas mal trouvé
· Il y a environ 11 ans ·blonde-thinking-on-sundays
Merci c'est gentil.
· Il y a environ 11 ans ·nrik