Treize ecchymoses

kelen

Quarante-deux heures sans dormir, sans crier, et j'craque

Quand treize peurs poussées par la rancoeur me frappent

Treize ecchymoses qui rendent mon coeur violacé

Jusqu'à cisailler les roses que leur froideur avait glacé

Des roses que mes dix doigts drainaient de proses

Quand l'overdose me shoota, dégommant nos tristes causes

Treize plaies qui pissent le sang

Sans que la colère n'envahissent nos rangs.

Et pourtant...

Est ce que t'as encore l'courage de noircir toutes ces pages?

Quand l'moindre de tes gestes est considéré comme outrage?

Du Nord au Sud on nous use pour les interêts des multinationales

Ecrasant nos rêves et nos révoltes depuis le bac à sable

Est ce que tout comme moi t'as les pupilles qui s'cristallisent sans fin

Devant cette Palestine meurtrie par des mortiers israéliens?

Combien d'litres de sang tu peux stocker dans ta mémoire?

Moi j'suis en overdose devant cet insoutenable silence international

Est ce que toi aussi tu t'inquiètes pour tes poumons, ta peau, ton coeur

Même si t'as plus la thune pour faire une écho chez l'docteur?

A force de s'gaver à l'aspartame, aux pesticides et au bisphénol

On va tous crever d'leucémie, faut sortir nos cerveaux du formol !

Est ce que tu flippes comme moi quand tu vois Fukushima dans ce chaos mortel

Et qu'nos dirigeants s'félicitent d'avoir l'nucléaire comme seul modèle?

Prends un verre d'eau et déguste c'que la terre t'offre aujourd'hui

Car avec le gaz de schiste, notre santé est carrément en sursis

Est ce que je dois tendre l'autre joue quand on joue ma vie en bourse

Ou bien lever le poing contre ceux qui mettent en joug nos bourses?

Car dans cette course pour le profit, pour l'enrichissement d'une classe, d'une élite

On ne nous laissera jamais de place, quelque soit nos taux de réussite

Est ce que tu t'en sors avec ton RSA mensuel?

Moi j'ai un taff et reste pourtant coincée au bas d'l'échelle

A croire qu'avec des revenus ou sans le moindre centime

On reste asphyxiés, à genoux, et l'espoir à vide.

Est-ce que tu sens le poids lethal de leur mauvaise foi

Quand la faim te pèse comme une brique dans l'estomac?

Ou bien t'as déjà coupé l'alarme qui t'faisait couler des larmes acides

Et qui t'aurait pousser aux armes, guidé par des pulsions matricides

Est-ce que tu sens la chape de plomb sur tes épaules, sur ton crâne

Quand à cause d'un nom, d'un genre ou de moeurs on te cane?

C'est vrai qu'on s'habitue à tout, même aux propos sexistes ou homophobes

Alors qu'les femmes sont la moitié de l'humanité, faut de tout sur ce globe !

Est-ce que j'ai tort de dire et redire qu'on est plongé dans une guerre sociale?

Quand l'urgence s'étrangle dans une cellule ou un couloir carcéral?

Car c'est toujours les p'tits princes de la misère qu'on colle en 1ère ligne

Face à des CRS qui ne cogitent pas au delà d'un verre de vigne.

Est ce que ça t'fracasse la tête de voir douze pour cent d'racistes

Dans un pays qui s'vantait si souvent d'être humaniste?

Moi j'crois qu'la théorie de diviser pour mieux régner l'a emporté

Dans un pays soigné à coup de 21 avril et de débat sur la laicité

Est ce que tu tolères leurs phrases assassines et leur haine quotidienne?

Moi j'ai toujours d'la peine quand j'vois l'UMP mettre en selle le FN

Que plus personne ne prend la peine d'leur dire qu'ils font erreur

Et que le bleu Marine pourrait bientôt faire Fürher...

Est ce que ça t'serre le coeur quand tu les vois sur l'quai d'métro

Vacillant au bord d'la douleur, après une perte d'emploi, sur l'carreau?

Moi, j'me dis toujours qu'ça pourrait être moi, mon gosse ou mon mec

Ici quand on trébuche, on chute jusqu'à s'trouer les chaussettes....

Est-ce que toi aussi t'as tes potes qui tapent dans l'illégal avec indifférence

Jusqu'à prendre des risques de fou pour un revenu minimal d'existence?

J'suis à la treizième ecchymose et j'suffoque dans cette époque

Qui n'a plus l'temps d'aimer ce que la vie nous apporte

Parce qu'après quarante-deux heures sans dormir j'ai plus de mots

Pour qualifier les peurs de tous ces gens qui s'perdent dans l'métro

Coincés dans leurs cages ils encaissent images, outrages et dérapages

Dans des crânes qui s'encrassent d' individualisme depuis l'premier âge

Où tu cours comme ça, tu dois choper ton dernier RER ?

Prends le temps d'arrêter de courir et regarde où tu te perds...

On nous prédit qu'en 2012 ce sera l'apocalypse, la fin du monde,

Profite de la vie, bouge, milite, et fais de nos peurs nos frondes !

Car si on continue de s'enliser, de se fracasser à coup de colère

Ce qui est sûr c'est qu'on gardera encore nos oeillères...

Celles qui aujourd'hui, nous maintiennent dans un individualisme mortifère

Alors que c'est pour vivre, jouir et aimer qu'on est sur cette Terre.

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